Les mouvements populaires de révolte comme témoignage sur la paupérisation aux XVIe et XVIIe siècles - article ; n°1 ; vol.88, pg 297-318

José-Gentil Dasilva

Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes - Année 1976 - Volume 88 - Numéro 1 - Pages 297-318
José-Gentil Da Silva, ~~Les mouvements populaires de révolte comme témoignage sur la paupérisation aux XVIe et XVIIe siècles~~, p. 297-318. Les mécanismes monétaires donnent les clés des comportements économiques, sociaux, politiques, des spécialisations régionales et des échanges. Au XVe siècle, la Méditerranée occidentale, à la place du Levant, approvisionne l'Europe en matières premières; au XVIe, l'Atlantique remplace la Méditerranée. Ceci vaut au Sud-Est européen et au Levant un répit qu'aide la progression turque. Les échanges avec le Nord-Ouest (qui invente des industries et adopte des rapports capitalistes de production) créent la concurrence au sein du monde méridional; celle-ci exige l'appropriation des moyens de production, facteur de paupérisation. Les révoltés du début du XVIe siècle visent l'alternative politique et économique; au XVIIe, ils dénoncent la dépossession; ensuite, ils expriment le désespoir. Le banditisme est source de « réaction » et de subversion. Les villes contestent l'Etat.
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: MELANGES_DE_L-ECOLE_FRANCAISE_DE_ROME
• Publié le: 01 janvier 1976
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Extrait

José-Gentil Da Silva
Les mouvements populaires de révolte comme témoignage sur
la paupérisation aux XVIe et XVIIe siècles
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 88, N°1. 1976. pp. 297-318.
Résumé
José-Gentil Da Silva, Les mouvements populaires de révolte comme témoignage sur la paupérisation aux XVIe et XVIIe siècles,
p. 297-318.
Les mécanismes monétaires donnent les clés des comportements économiques, sociaux, politiques, des spécialisations
régionales et des échanges. Au XVe siècle, la Méditerranée occidentale, à la place du Levant, approvisionne l'Europe en
matières premières; au XVIe, l'Atlantique remplace la Méditerranée. Ceci vaut au Sud-Est européen et au Levant un répit qu'aide
la progression turque. Les échanges avec le Nord-Ouest (qui invente des industries et adopte des rapports capitalistes de
production) créent la concurrence au sein du monde méridional; celle-ci exige l'appropriation des moyens de production, facteur
de paupérisation. Les révoltés du début du XVIe siècle visent l'alternative politique et économique; au XVIIe, ils dénoncent la
dépossession; ensuite, ils expriment le désespoir. Le banditisme est source de « réaction » et de subversion. Les villes
contestent l'Etat.
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Da Silva José-Gentil. Les mouvements populaires de révolte comme témoignage sur la paupérisation aux XVIe et XVIIe siècles.
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 88, N°1. 1976. pp. 297-318.
doi : 10.3406/mefr.1976.2348
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5110_1976_num_88_1_2348D'HISTOIRE MODERNE ÉTUDES
LES MOUVEMENTS POPULAIRES DE REVOLTE
COMME TÉMOIGNAGE SUR LA PAUPÉRISATION
AUX XVIe ET XVIIe SIÈCLES
PAR
José-Gentil Da Silva
1 - Quels dossiers?
Pour écrire cet article nous avons accumulé une poussière d'infor
mations. Au cours de recherches sur les mécanismes monétaires à l'époque
dite moderne, ces informations s'organisaient d'elles-mêmes, élargis
saient nos perspectives et en quelque sorte, nous posaient de nouvelles
questions y compris d'ordre méthodologique 1.
Avouons-le d'entrée de jeu, ces questions rompent la fausse spécia
lisation qui nous aurait enfermé dans l'étude de questions dont on per
siste à prétendre qu'elles comptent peu quantitativement, dans la vie
moderne. L'occasion est bonne pour nous de refuser cette utilisation
restrictive du « quantitatif » 2. Au vrai, pour peu que nous nous intéres
sions aux comportements, aux cadres conjoncturels créés par les gens
d'affaires, aux tendances à long terme qui déterminent les administrateurs
de biens, aux structures de « longue durée » sur lesquelles se greffent
les conjonctures, nous retrouvions contrats et paiements indexés, signes
qui représentent la valeur, différentes sortes de monnaies, comme prin
cipe même d'inégalités. La variété de ces signes et de ces monnaies n'ex-
1 Dans une thèse à paraître, nous avons présenté une méthode pour uti
liser le matériau vocabulaire. Nous appliquerons cette d'analyse à
l'étude des révoltes.
2 Cf. par ailleurs, Maurice Aymard, Monnaie et économie paysanne, Set
tima settimana di studio, Istituto Internazionale di Storia economica « Fran
cesco Datini », Prato, 1975, et Aldo De Maddalena, Uomini e monete preindus
triali: personaggi in cerca d'autore, ibid. JOSÉ-GENTIL DA SILVA 298
prime pas rien: il s'agit de la situation réciproque des patrimoines et du
travail, du choix des placements ou des investissements, des décisions
du capital à propos de la production. Elle traduit donc, cette variété,
des antagonismes qui, économiques, s'expriment politiquement, en nour
rissant au passage les normes sociales et leurs conflits.
Ainsi qu'il en est de nos jours, la diversité des monnaies x oppose
celles qui concernent les décisions de l'Etat, aux pièces d'or que nous
n'avons pas entièrement perdues, et ces dernières aux piécettes et billets
devant assurer l'entretien de la force de travail en vue d'une production
à venir 2. Grâce entre autres à la bonne monnaie, le registre politique
consiste à garder le pouvoir de décision, le social réside dans la sorte de
seconde nature qui justifie ce pouvoir selon les normes, autant que pos
sible juridiques 3. L'économie est un test d'efficacité, dans les ensembles
dominants. Ailleurs, dans les mondes italiens, hispaniques, méditerra
néens, au XVIe siècle et au XVIIe, il est, sur une même perspective,
le refus de la production, le commerce extérieur, cet ordre financier au
quel nous avons prêté une attention particulière 4. Il est chômage, sub
version, avant d'être migrations.
L'histoire monétaire offre ainsi un système de références propre à
nous permettre d'exploiter successivement trois dossiers: celui des échan
ges interrégionaux, celui des soulèvements qui partage les partenaires,
celui davantage hétérogène, naturellement, de la subversion5.
1 Monnaies d'or, d'argent ou de billon; maintenant, D.T.S., « Eurodollars »,
monnaies nationales.
2 Un ouvrage utile de ce point de vue si nous voulons faire autre chose
que de l'histoire de papa: Daniel Blondel, Jean-Pierre Daloz, Claude Jessua,
Essais sur la nouvelle théorie quantitative de la monnaie, Paris, P.U.F., 1970.
3 Cf. Paul Durand et al., Influence de la dépréciation monétaire sur la vie
juridique privée, dans Etudes de Droit privé, Paris, Librairie Générale de Droit
et de Jurisprudence, 1961.
4 José-Gentil Da Silva: Banque et crédit en Italie au XVIIe siècle, Paris,
Klincksieck, 1969, en particulier, vol. I, p. 399 et sq., Le change dans Vhistoire
européenne.
5 Citons des vues d'ensemble: Guy Fourquin, Les soulèvements populaires
au Moyen Age, Paris, P.U.F., 1972, Robert Mandrou, Glasses et luttes de classes
en France au début du XVIIe siècle, Messine, G. D'Anna, 1965, Boris Porchnev,
Les soulèvement populaires en France de 1623 à 1648. Paris, S.E.V.P.E.N.,
1963, Yves-Marie Bercé, Les soulèvements paysans en France du XVIe au XIXe
siècle, Paris, Gallimard-Julliard, 1974, E.S.B., A. de La Borderie, Boris Porch
nev, Les Bonnets rouges, Paris, Union générale d'éd., 1975, Carlo De Frede,
Rivolte antifeudali nel mezzogiorno d'Italia, dans Studi in onore di Amintore Fan-
fani (Milan, 1962), vol. V, p. 1-42, René Pillorget, Les mouvements insurrec
tionnels de Provence entre 1596 et 1715, Paris, Pedone, 1975. LES MOUVEMENTS POPULAIRES DE RÉVOLTE COMME TÉMOIGNAGE 299
2 - L'échange inégal s'insère dans l'Histoire méditerranéenne et mé
ridionale du XIVe siècle au XVIe et opère par la suite des déplace
ments de fonction qui aggravent la dépendance de ces régions à
l'égard du Nord.
A - L'Europe du Sud remplace le Levant dans V approvisionnement
de VEurope
L'échange inégal, pourquoi. Nous savons que l'économie méditer
ranéenne s'anime par bonds, et commence par aller porter dans le Nord
les produits méridionaux, du Proche-Orient et de l'Asie, pour avoir des
matières premières nécessaires à ses « industries », pour travailler en
somme. Mais les villes « italiennes », hispaniques, nord-africaines, balka
niques progressaient-elles que déjà les tissus anglais sont vendus par
les Génois en Méditerranée. A Naples, à Salerne, apparaissent, prédo
minent au XVe siècle, les draps anglais que ces Génois imposent aussi
bien en Oalabre, en Sicile et à Oran qu'à Tunis et à Chio, comme l'ont
montré George Yver, Alberto Grohmann, Domenico Gioffrè. Les pro
duits très moyens que chargent à Southampton les bâtiments génois
pour les vendre sur tous les ports, suffiraient d'après Jacques Heers à
équilibrer les importations en provenance de l'Orient.
Aussi de ces « industries » méditerranéennes, certaines avaient été
condamnées ou éliminées entre le XIVe et le XVe siècles, d'autres som
breront au XVIe; la force de travail urbaine et ses revendications matér
ielles ou ses prétentions politiques, étaient brutalement rejetées.
Les trafics avec le Levant perdaient de l'importance. Les navigations
portu