Les objets de croyance - article ; n°1 ; vol.40, pg 229-257
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Description

Communications - Année 1984 - Volume 40 - Numéro 1 - Pages 229-257
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Charles Travis
Les objets de croyance
In: Communications, 40, 1984. pp. 229-257.
Citer ce document / Cite this document :
Travis Charles. Les objets de croyance. In: Communications, 40, 1984. pp. 229-257.
doi : 10.3406/comm.1984.1603
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1984_num_40_1_1603Charles Travis
Les objets de croyance
II y a en anglais des nominalisations ou peut-être des familles de
nominalisations séduisantes. L'une d'entre elles a pour forme superficielle
le mot belief (croyance). Elle risque de nous attirer sur la piste suivante :
supposons que Didier croie que Raoul est marié et que Georges croie que
Raoul est marié à trois femmes à la fois. C'est une chose de croire que est marié, c'en est une autre de croire qu'il est marié à trois
femmes. Apparemment, la différence tient à ce qui est cru dans chaque
cas : ce que croit Georges n'est pas ce que croit Didier. Il y aurait donc,
semble-t-il, deux choses à discuter séparément : le fait que Georges croit ce
qu'il croit (comment fait-il pour être aussi crédule?) et ce qu'il croit
(comment s'y prendrait donc Raoul pour rendre. trois femmes heureus
es?). Le mot belief semble grammaticalement équipé pour désigner ces
deux choses. Il y a la conviction de Georges que Raoul a trois femmes et il
y a aussi, dans notre société, la croyance en vertu de laquelle une femme
suffit à un homme — quelque chose qu'on est libre de croire ou non. C'est
cette seconde façon (apparemment possible) de comprendre le mot belief
que je veux explorer dans le présent article.
J'ai peu d'objections à faire à ce qui précède, hormis certaines
conséquences qu'on pourrait en tirer. Puisque Didier croit une chose et
que Georges en croit une autre, il y a, semble-t-il, différentes croyances chacun est libre de partager ou non. Mais supposons, ce qui n'est pas
absurde, que personne ne croie ce que croit Georges. Cela n'empêcherait
apparemment pas la croyance d'exister — même si personne ne la
partageait. Il y a donc diverses croyances possibles. Il s'agit de ce qui est
cru — les croyances déterminées par la seconde espèce de nominalisation.
Qu'en est-il de l'acte de croire ou de l'acquisition d'une croyance? Par
exemple, en quoi consiste la conviction de Georges que Raoul a trois
femmes (première espèce de nominalisation) ? Il est maintenant tentant de
la diviser en deux facteurs. Premièrement, il y a une croyance particulière,
c'est-à-dire un objet à croire ou à ne pas croire, lequel fixe ce que croit
Georges. S'il croyait autre chose que ce qu'il croit, il. faudrait un objet
différent pour le spécifier, et un objet différent fixerait une croyance
différente (en ce sens que ce que croit Georges serait différent). Autrement
dit, une et une seule croyance (seconde espèce de nominalisation) est
capable de caractériser exactement ce qu'il croit. Quant à nous, nous
pouvons spécifier ce qu'il croit en disant ce qu'est cet objet. (Dire autre
chose, c'est au mieux faire une approximation de ce qu'est sa croyance.)
Deuxièmement, il y a une certaine relation entre Georges et cet objet, et
229 Charles Travis
c'est parce que Georges a quelque chose à voir avec cette relation qu'il a la
croyance qu'il a. Il se pourrait que plusieurs relations différentes puissent
conférer à Georges la croyance qui est la sienne — peut-être pourrait-il, par
exemple, avoir cette plus ou moins fortement. Mais c'est la
combinaison de la relation et de la croyance (entendue comme objet de
croyance) qui donne à sa conviction que telle et telle chose existent le
statut d'être la croyance qu'elle est. Si l'un de ces deux composants était
différent, sa en serait d'autant différente. Enfin, il y a un modèle
implicite de ce que nous faisons lorsque nous imputons une croyance à
quelqu'un — ce je fais lorsque, par exemple, je vous dis que Georges
croit que Raoul a trois femmes. Ce que je fais, selon ce modèle, c'est que je
vous révèle quel est l'objet auquel Georges est relié et je vous dis que cette
relation est une relation-qui-confère-une-croyance. J'ai, selon ce modèle,
correctement attribué la croyance avant tout si j'ai trouvé l'objet
correct.
On peut spécifier ce qui distingue ce que croit Didier de ce que croit
Georges; il suffit pour cela de dire en quoi leurs croyances diffèrent. Nous
avons donc besoin d'une théorie — laquelle doit être d'abord une théorie
des croyances (croyances2, selon la seconde espèce de nominalisation), dont
on doit pouvoir dériver, le schéma esquissé, une théorie de la
croyance (croyancei, selon la première espèce de nominalisation). D'abord
et avant tout, une telle théorie doit pouvoir engendrer des descriptions
grâce auxquelles on pourra individualiser les croyances2. Pour cela, elle
devra caractériser exactement ce qui distingue les croyances2 les unes des
autres. Les descriptions engendrées en termes de ces traits distinctifs
seront telles que, pour toute croyance2 (chose à croire), il y a une et une
seule description engendrée qui lui convienne, et telles que, en général,
une croyance A sera la même croyance qu'une croyance B si et seulement
si il existe une description engendrée qui convienne à la fois à A et à B. En
d'autres termes, nous voulons une théorie generative des croyances2. Selon
une telle approche, quelqu'un sera dit avoir une certaine croyancej qui lui
fait croire telle et telle . chose s'il est uni par une « relation-qui-
confère-une-croyance » à la qui aura été individualisée par l'une des
descriptions engendrées par la théorie.
C'est déjà une erreur, à mon avis, de traiter les croyances2 comme des
objets spécifiables, indépendamment du fait qu'elles sont crues, et qui
seraient dotés de leur propre principe d'individuation. On ne fait que
redoubler l'erreur en supposant que, toutes les fois où Georges a une
croyancej particulière (par exemple, sa conviction que Raoul a trois
femmes), il doit y avoir un objet particulier tel qu'en toute occasion où
nous donnons une description vraie de la croyance, de Georges, c'est cet
objet que nous devons invoquer comme représentant ce que croit Georges.
Comme le verrons en effet, en différentes circonstances, nous
pouvons être amenés à dire en toute vérité ce que croit Georges en disant
des choses qui seront comprises différemment (donc, en exprimant des
choses différentes). Je veux ici ne mentionner qu'un seul aspect de cette
idée. Pour cela, il me faut mentionner une nouvelle conception séduisante.
Si nous nous demandons comment parvenir à une théorie generative des
230 Les objets de croyance
croyances, comment faire pour identifier les traits distinctifs censés nous
permettre de les individualiser, nous pourrions être frappés par l'idée
suivante : au fond, nous pouvons dire ce que croient les gens ; ce qui
suggère que ce qui est à croire se confond exactement avec ce qui est à dire.
Jusque-là, rien à redire. Ce qui est critiquable, c'est d'ajouter : c'est en
spécifiant les véhicules grâce auxquels nous disons les choses que nous
pouvons spécifier les choses à dire; pour chaque chose à dire, un véhicule
est ce par quoi existe ce qui est dit '. Lorsque quelque chose est dit (en tout
cas, quelque chose qu'on peut ou non croire), cela se fait typiquement au
moyen d'une phrase. Or nous avons de bonnes raisons d'espérer que (pour
une langue donnée) nous pouvons spécifier les phrases. En mettant tout
ensemble, nous obtiendrions une façon de spécifier les « objets de
croyance » (c'est-à-dire les croyances2) : nous spécifierions chacun de ces
objets en spécifiant la phrase en laquelle réside ce qui est dit. Croire une
chose particulière consistera donc à être rattaché par une relation
appropriée à une phrase qui « exprime » ce que vous croyez, à savoir une
phrase telle que ce qui est dit en la prononçant est ce que vous croyez en
ayant la croyance que vous avez.
A bien des égards, c'est Jerry Fodor qui a tracé la voie la plus
prometteuse pour de telles théories. Sa version a ceci de particulier que, à
la différence d'autres tenants de ce genre d'approche, dont Carnap, il ne
propose pas d'individualiser les croyances par l'intermédiaire des phrases
d'une langue naturelle (c'est-à-dire parl

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