Les origines de Rome : mythe et critique. Essai sur l histoire au XVIIème et au XVIIIème siècles - article ; n°2 ; vol.2, pg 255-280
27 pages
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Les origines de Rome : mythe et critique. Essai sur l'histoire au XVIIème et au XVIIIème siècles - article ; n°2 ; vol.2, pg 255-280

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Description

Histoire, économie et société - Année 1983 - Volume 2 - Numéro 2 - Pages 255-280
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Chantal Grell
Les origines de Rome : mythe et critique. Essai sur l'histoire au
XVIIème et au XVIIIème siècles
In: Histoire, économie et société. 1983, 2e année, n°2. pp. 255-280.
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Grell Chantal. Les origines de Rome : mythe et critique. Essai sur l'histoire au XVIIème et au XVIIIème siècles. In: Histoire,
économie et société. 1983, 2e année, n°2. pp. 255-280.
doi : 10.3406/hes.1983.1325
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1983_num_2_2_1325LES ORIGINES DE ROME : MYTHE ET CRITIQUE
Essai sur l'histoire au XVIIème et au XVIIIème siècles*
par Chantai GRELL
Peut-on suivre Paul Hazard lorsque, dans son chapitre sur l'histoire, il oppose la cré
dulité des «classiques» au scepticisme d'un Saint Evremond ou d'un Bayle, qui dénon
cent le caractère légendaire des origines de Rome ? Leurs critiques étaient-elles si neu
ves et ont-elles eu les conséquences radicales que Paul Hazard leur prête (1) ? Qu'est-ce
que l'«histoire» à l'âge classique, et comment concevait-on le travail critique de l'hi
storien ?
L'histoire des origines de Rome montre que l'esprit critique qui a transformé l'his
toire «moderne» et l'histoire religieuse au XVIème siècle, n'a pas épargné l'histoire an
cienne, touchée à son tour au début du XVIIème siècle. En effet, ainsi que l'a montré
Hendrik Erasmus (2), l'admiration suscitée par les écrits des anciens au moment de leur
«découverte» est relativement brève : deux siècles durant (XlV-XVèmes siècles) on s'ap
plique à les imiter et à les prendre pour modèles ; mais dès le siècle suivant, les pre
mières réserves apparaissent ; les humanistes de ce temps sont plus exigeants que leurs
prédécesseurs, ils s'intéressent moins à la forme et au style, et s'attachent davantage à
l'étude du déroulement des événements. D'autre part, ils adoptent des méthodes de
travail différentes : ils cherchent désormais moins à réécrire l'histoire qu'à traiter un
sujet bien défini, sur lequel ils réunissent l'ensemble des témoignages existants. Une
telle démarche, qui s'inspire directement des ouvrages d'histoire «moderne» qui se mult
iplient à cette époque, conduit les savants à soumettre les textes anciens à un examen
critique, afin de repérer les contradictions et tenter de concilier les différentes versions.
Si l'on en croit H. Erasmus, cette masse d'informations réunies et analysées par les
érudits d'alors représente «an essential stage in the progress of the study of greek and
roman history» (3). En outre, l'histoire au XVIème siècle voit s'ouvrir à elle de nou
veaux domaines : l'étude comparée des langues et des mythologies suggère d'audacieux
rapprochements entre l'Orient méditerranéen et l'Occident, puis entre le Nouveau et
l'Ancien monde, tandis que les premiers traités de géographie et de chronologie per
mettent de mieux comprendre le déroulement des événements. L'histoire de l'Anti
quité et des débuts du christianisme revêt de plus, à l'époque de la Réforme, une im-
* Nous tenons à exprimer toute notre gratitude à Messieurs les professeurs François Laplanche,
Jean-Pierre Martin et Pierre Vidal-Naquet dont les conseils nous ont beaucoup aidée dans l'élaboration
de ce travail.
1 . Paul Hazard, La crise de la conscience européenne, 1 680-1 715, Paris, 1 978, pp. 32-33.
2. Hendrik Johannes Erasmus, The Origins of Rome in Historiography from Petrarch to Peri-
zonius, Assen/Leiden, 1962 (Compte rendu d'A.Momigliano, Rivista storica italiana, LXXV, 2, 1963).
3. Erasmus, The Origins..., op. cit., p. 122. 256 Chantai GRELL
portance particulière. L'effervescence tant politique que religieuse et intellectuelle de la
seconde moitié de ce XVIème siècle a ainsi favorisé toute forme de critique et, dès les
premières années du XVIIème siècle, Philip Cluverius ( 1 580-1 623) inaugura, en Hollande,
une série d'interminables discussions sur les sources des historiens romains et la valeur
de leurs témoignages (4) ; elles se poursuivirent au siècle suivant, et même au-delà
encore. La «crise» de l'histoire, sa «faillite» à la fin du XVIIème siècle n'ont donc pas
provoqué ces réactions sceptiques évoquées par Paul Hazard puisque, depuis un siècle
déjà, la communauté érudite hollandaise se trouvait divisée entre détracteurs et zéla
teurs des anciens.
Ce n'est donc pas l'apparition de l'esprit critique en histoire que nous nous propo
sons d'étudier dans ces pages, mais ses transformations, en prenant pour exemple l'his
toire des origines de Rome, très étudiée à cette époque. Les années 1720-1730 sem
blent constituer un tournant décisif : schématiquement, on peut dire qu'avant cette
date, érudits et antiquaires acceptent globalement le témoignage des anciens, ce qui
n'exclut pas de nombreuses, voire très nombreuses critiques ou réserves à leur égard.
Après cette date, certains historiens sont tentés de rejeter comme suspects tous les
textes qui relatent des événements trop anciens, c'est-à-dire invérifiables. Les âpres di
scussions qui opposent alors les érudits ont pour objet de définir la «certitude histo
rique» et le rôle à assigner à la critique : dans le cas des origines de Rome, l'ensemble
des sources évoquées est d'ordre littéraire, ce qui rend les analyses très délicates.
L'histoire, dit-on, acquiert ses lettres de noblesse au XVIIIème siècle avec Le siècle
de Louis XIV, de Voltaire, l'histoire «moderne» du moins ; qu'en est-il de l'histoire an
cienne ?
1 - LES CLASSIQUES ET LES ANCIENS, 1650-1720
OU COMMENT CONCILIER LA «FABLE» ET L'HISTOIRE ?
Les sources de la connaissance
Pour les historiens, les érudits et les antiquaires, écrire l'histoire des origines de
Rome ne présentait guère de difficultés ; ils disposaient, pour ce faire, des témoignages
des plus grands auteurs anciens : les noms de Cicéron, de Tite-Live, de Virgile, Polybe,
Denys d'Halicarnasse et Plutarque, pour ne citer que les plus célèbres, décoraient les
préfaces et cautionnaient les récits. Cette abondance de sources posait toutefois quel
ques problèmes, dus notamment à la variété des textes anciens : car si Enée appartenait
à la génération des héros, chantés par les poètes et connus parla seule tradition — tou
jours imparfaite et sujette à caution —, Romulus, grâce aux écrits de Tite-Live et de
Denys d'Halicarnasse était sans contestation possible un personnage historique. L'oppos
ition, commune à l'époque, entre temps héroïques et temps historiques était commode
en ce qu'elle permettait de définir plusieurs degrés de connaissance. Ainsi la fondation
de Lavinium par Ënée relevait-elle de la «fable» (5), tandis que celle de Rome par
4. Philip Cluverius (Cluvier), Italia antiqua, Lugduni Batavorum, 1624.
5. A cette époque, le terme de «fable», très général, s'applique à la mythologie païenne : «On en
tend par Fable, les contes que le paganisme a fait des Dieux et des Héros que les poètes ont chantés,
avec les fêtes et les cérémonies de religion qu'on y observoit», (Chompré, Dictionnaire abrégé de la
Fable, lOème éd., Paris, 1724, p. iv.). Mais rapidement ce mot est communément utilisé pour désigner
tout ce qui n'est pas vraisemblable et ressortit à l'imagination des historiens et des poètes. Voltaire
par exemple évoque la «fable» de Romulus et Rémus allaités par la louve {Dictionnaire philosophique,
article «préjugés»). Jean Starobinski oppose fable à mythologie, et non à histoire comme nous le fa
isons dans le cadre de cet article, dans «le mythe au XVIIIème siècle», Critique, novembre 1977, pp.
975-997. ORIGINES DE ROME : MYTHE ET CRITIQUE 257 LES
Romulus était sans cesse présentée comme un fait historique (6). La fable d'Enée est le
reflet déformé de l'histoire ; mais l'histoire de Romulus est vraie : comment, dès lors,
rendre compte de tous les épisodes évidemment fa

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