Les révolutionnaires russes et l asile politique en Suisse avant 1917 - article ; n°3 ; vol.9, pg 324-336
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1968 - Volume 9 - Numéro 3 - Pages 324-336
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 66
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alfred Erich Senn
Nancy Hartmann
Les révolutionnaires russes et l'asile politique en Suisse avant
1917
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 9 N°3-4. Juillet-Décembre 1968. pp. 324-336.
Citer ce document / Cite this document :
Senn Alfred Erich, Hartmann Nancy. Les révolutionnaires russes et l'asile politique en Suisse avant 1917. In: Cahiers du monde
russe et soviétique. Vol. 9 N°3-4. Juillet-Décembre 1968. pp. 324-336.
doi : 10.3406/cmr.1968.1757
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1968_num_9_3_1757LES RÉVOLUTIONNAIRES RUSSES
ET L'ASILE POLITIQUE EN SUISSE
AVANT 1917
L'émigré politique joue, tout au moins depuis Ivan IV et le prince
Kurbskij, un rôle important dans l'histoire russe. Pour les révolu
tionnaires russes du xixe et du début du xxe siècle, la Suisse fut un
asile et un havre d'étude. Russes et Polonais affluèrent dans les
universités suisses ; les révolutionnaires y cherchèrent un répit ou
une nouvelle base d'opération. Herzen passa ses derniers jours à
Genève ; Kropotkin et Bakunin furent écoutés avec sympathie en
Suisse ; et dans les années 1870 une nouvelle attention fut prêtée aux
problèmes du droit d'asile politique à propos de l'affaire Nečaev.
Toutefois, la description ne doit pas se limiter à des biographies
individuelles : les origines du mouvement social-démocrate russe se
trouvent à Genève. Selon Angelica Balabanova, au début du xxe siècle
« avec la présence de la grande majorité des dirigeants révolutionnaires
russes en Suisse à cette époque, Genève était en fait la capitale du
mouvement russe »x.
L'objet de ce texte est de présenter une étude des aspects politiques,
juridiques et sociaux de la vie des émigrés en Suisse. Un certain
nombre d'ouvrages ont traité de l'activité des émigrés. E. H. Carr
a donné un aperçu de leur vie dans The romantic exiles ; Jan Meijer
a étudié la vie estudiantine à Zurich au cours des années 1870 ; et,
bien entendu, les activités de Lénine en Suisse ont fait l'objet de
nombreuses études2. Nous possédons également des mémoires. Par
1. Angelica Balabanova, My life as a rebel, Londres, 1038, p. 81. A la veille
de la Première Guerre Mondiale, les seuls délégués au Bureau international
socialiste n'habitant pas leur propre pays étaient les représentants de la Russie
et de la Turquie.
2. E. H. Carr, The romantic exiles, New York, 1933 ; Jan Meijer, Knowledge
and revolution : The Russian colony in Zurich i8yo-i8j3, Assen, 1955 ; Maur
ice Pianzola, Lénine en Suisse, Genève, 2e éd., 1965 ; Konrád Farner, Schweizer
Orte und Statten wo Lenin weilte, Zurich, 1957 > ^- S. Kudrjavcev et al., Lenin RÉVOLUTIONNAIRES RUSSES EN SUISSE 325
contre, les conditions de vie des émigrés au jour le jour restent très
peu étudiées. Les Russes furent rarement assimilés comme « immi
grants » ; en prenant la nationalité suisse, Paul Aksel'rod fut sans
aucun doute une exception. En fait, les Russes constituaient une
colonie à part en Suisse.
En dépit du caractère provisoire et artificiel de la vie des émigrés,
les matériaux disponibles pour l'étude des activités des Russes en
Suisse sont étonnamment importants. Dans une certaine mesure,
ceci est dû aux aptitudes littéraires et aux aspirations ambitieuses
des émigrés. Les activistes ont laissé nécessairement des témoignages
de leurs activités. En outre, les polices étaient également actives et
leurs dossiers sont aussi actuellement disponibles. Les archives de
la police secrète tsariste et des différentes agences policières suisses
sont d'un particulier intérêt.
Le gouvernement tsariste dévoila sa préoccupation en ce qui
concerne les activités des émigrés en organisant à Paris une branche
de la police secrète, l'Agence étrangère de l'Ohrana (Zagraničnaja
agentura). Installée rue de Grenelle dans les sous-sols du Consulat
de Russie, l'Agence était responsable du renseignement pour toute
l'Europe et même les États-Unis. Elle se consacrait surtout aux
éléments terroristes dans les milieux d'émigrés sociaux-révolutionn
aires. (Selon un document, l'Agence comptait deux fois plus d'effectifs
pour la surveillance des sociaux-révolutionnaires que pour n'importe
lequel des autres partis.) Pendant la Première Guerre Mondiale,
cinq agents de l'Ohrana travaillant en Suisse étaient en contact
constant avec leur supérieur, Boris Vitalevič Lihovskoj et avec un
autre personnage officiel, Jean Henry Bint, un Alsacien qui, de Paris,
se rendait périodiquement en Suisse1. Les archives de l'Agence, qui
se trouvent à la Stanford University (Californie) aux États-Unis,
sont à la disposition des chercheurs depuis 1964.
Les fichiers de la police fédérale suisse, aujourd'hui ouverts après
une période de cinquante ans, sont moins riches que les dossiers de
l'Ohrana. Dans de nombreux cas, tel que celui de Lénine, ils sont
d'une brièveté étonnante. Néanmoins, joints aux documents des
polices locales, ils donnent une nouvelle dimension à l'étude des
activités des émigrés.
En Suisse, le droit d'asile était une tradition sacrée. Les Suisses
eurent même à discuter avec des gouvernants qui avaient personnel-
v Ženeve. Ženevskie adresa Lenina (Lénine à Genève. Les adresses de Lénine
à Genève), Moscou, 1067.
1. Valerian Konstantinovič Apafonov, Zagraničnaja ohranka, Petrograd,
iq 18, pp. 123, 128. Au sujet de Bint, cf. Alfred Erich Senn, « The Bolshevik
Conference in Bern, 1915 », The Slavic Review, XXV, i960, p. 678. 326 ALFRED ERICH SENN
lement bénéficié de ce droit à une époque donnée de leur carrière
politique. Le cas le plus connu est celui de Napoléon III, qui avait
réclamé les droits civiques suisses et demandé protection contre le
gouvernement français et qui, quinze ans plus tard, détenant le pou
voir en France, protesta non seulement contre l'octroi du droit d'asile
à ses ennemis, mais encore contre la publication en Suisse de l'ouvrage
de Victor Hugo, Napoléon le Petit1. Les cas de Giuseppe Mazzini et
ceux des émigrés fuyant à la suite de l'échec de la révolution de 1848
et de la révolte polonaise contre la domination russe en 1863 sont
également célèbres.
Le gouvernement suisse se réservait le droit d'expulser les étrangers
indésirables qui, selon les termes de la Constitution de 1848, « mettaient
en danger la sécurité intérieure et extérieure de la Confédération ».
Toutefois, en raison de la structure fédérale, l'initiative des autorités
centrales était limitée. La responsabilité réelle du contrôle des étrangers,
de même que le pouvoir de conférer les droits civiques revenaient
aux cantons. Ainsi qu'un auteur l'a noté à la veille de la Première
Guerre Mondiale : « La police politique fédérale n'a pas un seul homme
directement sous ses ordres ; elle n'a pas non plus d'agents à elle dans
les cantons. »2
L'organisation de la Fremdenpolizei cantonale (la Police des
étrangers) à Zurich à la fin du xixe siècle illustre justement ces relations
entre autorités fédérales et cantonales. A l'époque, le problème du
droit d'asile avait pris une nouvelle dimension : l'afflux des étrangers
allait en augmentant rapidement et, de plus, ces émigrés n'étaient
pas seulement des républicains. On y trouvait des sociaux-révolution
naires aussi hostiles à la structure sociale existante en Suisse qu'à
celle de leur propre pays. (Ceci d'ailleurs n'était pas un problème
particulier à la Suisse ; en 1905, la Grande-Bretagne modifia ses lois
d'immigration, en grande partie à cause de l'afllux d'émigrés d'Europe
orientale, afin d'octroyer au gouvernement des pouvoirs supplément
aires lui permettant d'exclure les indésirables.)
Le 22 octobre 1889, alarmé par un attentat à la bombe à Zurich,
le Bundesrat exigea des autorités de la ville eine genaue Verifikation
(« une vérification approfondie ») des papiers d'identité des étudiants
russes à Zurich et l'établissement par la suite d'une

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