Les squats de Nouméa. Des occupations océaniennes spontanées à la conquête symbolique de la ville en Nouvelle-Calédonie. - article ; n°2 ; vol.103, pg 275-287
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Les squats de Nouméa. Des occupations océaniennes spontanées à la conquête symbolique de la ville en Nouvelle-Calédonie. - article ; n°2 ; vol.103, pg 275-287

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Description

Journal de la Société des océanistes - Année 1996 - Volume 103 - Numéro 2 - Pages 275-287
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 60
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Dorothée Dussy
Les squats de Nouméa. Des occupations océaniennes
spontanées à la conquête symbolique de la ville en Nouvelle-
Calédonie.
In: Journal de la Société des océanistes. 103, 1996-2. pp. 275-287.
Citer ce document / Cite this document :
Dussy Dorothée. Les squats de Nouméa. Des occupations océaniennes spontanées à la conquête symbolique de la ville en
Nouvelle-Calédonie. In: Journal de la Société des océanistes. 103, 1996-2. pp. 275-287.
doi : 10.3406/jso.1996.1993
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jso_0300-953X_1996_num_103_2_1993Les squats de Nouméa
Des occupations océaniennes spontanées à la conquête symbolique
de la ville en Nouvelle-Calédonie
par
Dorothée DUSSY
Jusqu'à l'abolition, en 1946, du code de l'Indi- Origine et effectifs des quartiers d'habitat spon
génat, les Kanak en Nouvelle-Calédonie étaient tané de Nouméa
astreints à la résidence dans les réserves autoch
tones et exclus de la ville alors presque exclusiv Les quartiers d'habitat spontané (carte 1)
ement « blanche » de Nouméa. Par la suite, les apparus à Nouméa il y a une vingtaine d'années
besoins de main d'œuvre liés notamment à sont désignés par la population de la ville qui les
l'industrie de transformation du nickel et à celle entoure par le terme de « squats ». Ce terme,
tout aussi inexact 2 que celui de « cabanes » qui du bâtiment, elle-même induite par le dévelop
pement économique et démographique de la décrit également cet habitat précaire, rend néces
ville, ont été à l'origine de l'arrivée à Nouméa saire une brève présentation de ces quartiers et
d'une main d'œuvre peu qualifiée provenant du de leurs habitants. Les observations et les chiffres
territoire lui-même, mais aussi des autres posses qui suivent se basent sur une étude conduite de
1994 à 1996 dans les dix principaux squats de sions françaises d'Océanie (notamment Wallis et
Futuna). Ces communautés océaniennes, au dé Nouméa, basée à la fois sur des entretiens et sur
part établies dans les grands ensembles « ou deux enquêtes par questionnaires 3. Elle fournit,
vriers » de la périphérie urbaine, tendent aujour à l'exception des estimations que livrent différen
d'hui à investir les espaces plus centraux laissés tes sources, officielles ou non, les seules statist
vacants par la croissance longtemps anarchique iques fiables sur les quartiers d'habitat spontané.
de la ville. L'objectif de cet article est non seul Les quartiers d'habitat spontané de Nouméa
ement de montrer comment ces terrains urbains ne relèvent ni de l'occupation illégale de bât
vacants sont investis et aménagés par les commun iments inoccupés, comme le sous-entend le terme
autés océaniennes, mais aussi de voir comment « squat », ni de la catégorie des bidonvilles qui
ce phénomène est perçu, vécu ou récupéré par les caractérisent habituellement l'habitat spontané
différentes communautés en présence ] . dans d'autres régions du monde. Leur existence
1 . Je remercie vivement Dominique Guillaud pour ses relectures et ses précieux conseils dans la rédaction de cet article.
2. Il renvoie en principe à l'occupation illégale de locaux inoccupés. En américain toutefois, il évoque dans le processus de
colonisation des Etats-Unis spontanée des terrains « vierges » par les pionniers.
3. La première enquête portait sur la résidence, l'habitat, les activités, les revenus et le genre de vie. La seconde enquête visait
à préciser les modalités et l'importance de l'activité agricole chez les squateurs. L'ensemble de ces enquêtes a été financé
conjointement par l'ORSTOM et par le comité Etude des sociétés kanak (relevant de l'ADCK et de l'EHESS). 276 SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES
Koutio Auteuil
Yahoué
Centre culturel Jean-Marie Tiibaou
quartiers administratifs
squats
3 km
pointe Magnin
Carte 1 . — Localisation des quartiers administratifs et des squats de Nouméa.
est bien sûr liée à la ville et aux opportunités à-peu devenue un lieu de séjour pour les parents
qu'elle offre notamment en matière d'emplois et et amis de passage ; après quoi, la saturation du
de services. Toutefois, l'originalité de ces logement initial a souvent fini par pousser le
« squats » de Nouméa est de devoir leur émer cultivateur à s'installer définitivement sur sa parc
gence originelle à la pratique d'activités agricoles elle, et à améliorer dès lors substantiellement
dans le tissu urbain. En effet, les premiers squa- son nouvel habitat, à tel point qu'on ne peut
teurs ont été des habitants de la ville qui ont souvent plus guère parler de « cabane » pour le
aménagé des parcelles de cultures vivrières sur désigner.
des terrains en friche et qui y ont construit une Les quartiers d'habitat spontané de Nouméa,
« cabane » destinée à entreposer les outils et les nés de la volonté des habitants de pratiquer une
produits de jardinage. Puis, la cabane, où l'on petite agriculture, sont donc, aussi, une consé
pouvait à l'occasion loger durant les week-ends quence de l'insuffisance ou de l'inadaptation des
pour se livrer aux opérations de culture, est peu- logements sociaux. Ces points étant éclaircis, SQUATS DE NOUMÉA 277 LES
Illustration non autorisée à la diffusion
Photo 1. — Les quartiers d'habitat spontané de Nouméa sont une conséquence de l'insuffisance des logements sociaux saturés
(photo D. Dussy).
Illustration non autorisée à la diffusion
Photo 2. — L'accès des populations socialement défavorisées à un logement individuel doté d'un jardin, situé en bord de mer et
près du centre-ville, choque le sens des valeurs de certains habitants de Nouméa (photo D. Guillaud). SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES 278
rations à une meilleure qualité de vie — ou du signalons que, pour des raisons de commodité,
nous retiendrons, comme il est courant de le faire moins à une vie plus conforme aux habitudes de
sur place, le terme de cabanes pour désigner les ces communautés d'horticulteurs traditionnels.
constructions elles-mêmes, et celui de squat pour
désigner le quartier de cabanes.
Des enclaves rurales en milieu urbain Aujourd'hui, on peut évaluer la population
des quartiers d'habitat spontané de Nouméa au
Dans les dix principaux squats sur lesquels a moins à 5 000 personnes 4, ce qui représente plus porté l'étude, tous les terrains choisis, à une de 8 % de la population totale de la ville, peuplée exception près, appartiennent à l'Etat, ce qui, de 60 000 habitants au dernier recensement de comme on le verra en examinant les revendica1996. Les squats abritent également une grande tions foncières auxquelles les occupations spon
proportion, 20 %, de la population océanienne tanées donnent lieu, n'est pas une coïncidence.
de Nouméa. Ces occupants spontanés sont pour Les squats sont installés dans des enclaves volon
97 % d'entre eux originaires d'Océanie : la moitié tairement protégées ou isolées du reste de Nou
provient de la Nouvelle-Calédonie même, un méa ; ils sont, en effet, presque systématique
tiers des îles de Wallis et Futuna et le reste prin ment établis sur le versant des collines qui
cipalement du Vanuatu. tournent le dos à la ville, ou encore au creux des
La population des « cabanes » se compose en vallées où ils ne sont guère repérables. Une
grande partie de jeunes ménages avec des bonne partie des squats sont installés au bord de
enfants. Dans 83 % des couples, on trouve au la mer ou de la mangrove et ne sont visibles que
depuis le large. En réalité, il ne s'agit pas tant de moins un actif. Toutefois, la population est rel
ativement peu aisée et d'une façon générale, les discrétion que d'une volonté d'échapper aux
métiers exercés par les squateurs requièrent peu, diverses nuisances de la ville : circulation, bruit,
impossibilité de contrôler le passage des indivivoire aucune qualification ; de plus, si la proport
ion de squateurs actifs est stable, l'activité exer dus... Ce retrait volontaire des squats leur per
cée l'est beaucoup mo

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