Les traditions diomédiques dans l Italie ancienne, de l Apulie à l Étrurie méridionale, et quelques-unes des origines de la légende de Mézence - article ; n°2 ; vol.84, pg 735-788
55 pages
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Les traditions diomédiques dans l'Italie ancienne, de l'Apulie à l'Étrurie méridionale, et quelques-unes des origines de la légende de Mézence - article ; n°2 ; vol.84, pg 735-788

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Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité - Année 1972 - Volume 84 - Numéro 2 - Pages 735-788
54 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1972
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Jean Gagé
Les traditions "diomédiques" dans l'Italie ancienne, de l'Apulie à
l'Étrurie méridionale, et quelques-unes des origines de la
légende de Mézence
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 84, N°2. 1972. pp. 735-788.
Citer ce document / Cite this document :
Gagé Jean. Les traditions "diomédiques" dans l'Italie ancienne, de l'Apulie à l'Étrurie méridionale, et quelques-unes des origines
de la légende de Mézence. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 84, N°2. 1972. pp. 735-788.
doi : 10.3406/mefr.1972.933
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5102_1972_num_84_2_933TRADITIONS « DIOMÉDIQUES » LES
DANS L'ITALIE ANCIENNE, DE L'APULIE
À L'ÉTRURIE MÉRIDIONALE, ET QUELQUES-UNES
DES ORIGINES DE LA LÉGENDE DE MÉZENCE
PAR
Jean Gagé
II y a, dans les excerpta qui nous sont conservés du livre XII de De-
nys d'Halicarnasse, une suite de passages très curieuse, où l'historien
archéologue, ayant rapidement conté la prise de Véies par M. Furius Ca-
millus, semble interrompre son récit pour entrer dans le mythe: il nous
présente Enée, accomplissant son premier sacrifice sur la terre italienne,
et brusquement troublé, dit Denys, « en voyant un des Achéens s'appro
cher à quelque distance — soit que ce fût Ulysse, alors qu'il s'apprêtait
à interroger l'oracle près de l'Averne, soit que ce fût Diomède au moment
où il arrivait près de Daunos comme allié ». De toute façon, d'après De
nys, Enée « troublé de la coïncidence et voulant écarter le mauvais présa
ge que constituait la vue d'un ennemi apparaissant au cours d'un sacrif
ice, se voila et tourna sur lui-même; ensuite, après que l'ennemi fut part
i, il se lava à nouveau les mains et acheva le sacrifice . . . Les sacrifices
s'étant conclus de façon plutôt favorable, il fut sensible à cette rencont
re et observa le même usage à l'occasion de chaque prière ... Ce fut
d'accord avec les usages (devenus) traditionnels, donc, que Camille, après
avoir fait sa prière et drapé son vêtement sur sa tête, eut l'idée de se re
tourner; mais son pied glissa, et, incapable de se redresser de lui-même,
il tomba sur le sol, etc. » 1.
1 Ce sont les chap. 14 et 16 dans le classement d'ordinaire suivi, p. ex.
dans l'édition de la Loeb Classical Library, Dionysius of Hal., VII, p. 232-236
(d'après la révision du texte de E. Spelman). 736 JEAN GAGÉ
Jean Hubaux a très bien montré, dans des pages de son suggestif
volume Borne et Véies, l'authenticité de l'enchaînement des réflexions
en cette série de chapitres, et qu'il ne servirait de rien, soit de proposer
entre les paragraphes une autre ordonnance, soit de contester qu'ils ne
fussent de Denys comme le reste. Mais le rapprochement ainsi esquissé
entre une figure substantiellement historique, celle de Camille, et un per
sonnage tout légendaire, Enée, Denys pouvait-il l'avoir trouvé dans ses
sources? — Même les érudits qui, aujourd'hui, restent enclins à accepter
une date assez haute — et nous en serions — pour les fameuses statuettes
de terre-cuite trouvées dans les ruines de Yéies (le IVe siècle av. J.-C.
sinon le Ve, une époque donc voisine de celle du siège), admettraient fort
difficilement, croyons-nous, soit que l'historique Camille ait pu, au temps
de sa campagne contre la ville étrusque, se réclamer du héros troyen,
avoir au moins, au fond de lui-même, été hanté par son modèle, soit que
le rôle d'un premier Enée romain lui ait été attribué dès les premiers ré
cits annalistiques. Le débat resterait stérile — le lecteur peut s'en rendre
compte en lisant un ouvrage récent de G. K. Galinsky 1, — si un effort
nouveau n'était tenté pour expliquer de façon plus précise, plus concrète,
un rapprochement d'apparence tout artificielle.
D'abord, il est certain que la comparaison est issue chez Denys, ou
chez un des auteurs qu'il a suivis, de l'intention de rendre compte des
gestes singuliers que Camille avait faits — sacrifice et surtout prière —
juste après la prise de Véies et avec une finalité « apotropaïque ». Le tex
te de la prière (sur le thème: si une vengance divine doit poursuivre les
vainqueurs, qu'elle frappe Camille seul et épargne les Eomains), les ge
stes l'accompagnant (la voilure de la tête, contraire à ce qu'on appelait
le ritus graecus, mais surtout le mouvement tournant de l'officiant sur
lui-même), ces éléments semblent avoir été conservés par une tradition
rituelle, qui s'est plus ou moins imposée aux annalistes; cette
avait son originalité, sa spécificité, c'est-à-dire une valeur qui, en princi
pe, était separable de l'usage que Camille en avait pu faire. Le thème
d'une Nemesis, plus étrusque que romaine alors, a été admis par la plu
part des modernes, c'est-à-dire celui d'une superstition rigoureuse, faisant
peser des menaces graves sauf accomplissement de rites très déterminés.
Une Fortuna, au sens où la Borne primitive en a visiblement connu, la
plupart liées, à tort ou à raison, au souvenir de Servius Tullius. Nous
essayons ailleurs de préciser sa nature et ses attributs, en nous servant
Aeneas, Sicily and Borne, Princeton Univ. Press, 1969. TRADITIONS « DIOMÉDIQUES » DANS I/ITALIE ANCIENNE 737 LES
surtout des légendes qui s'attachaient, à Eome, à une ancienne porta
Baudusculana 1.
Or, il n'y avait assurément rien de directement troyen en ces rites;
et il nous semble que les Eomains — ou les Grecs traitant de l'histoire
romaine comme Denys et Plutarque — ont à l'excès schématisé les parti
cularités d'un tel culte en réduisant les gestes de Camille, en fait command
és par lui, au modèle d'un sacrifice capite velato, devenu une des formes
du culte national.
La seconde remarque est celle-ci, que nous jugeons plus importante:
déjà Jean Bayet avait noté que le thème de Y invidia hésitait curieuse
ment, dans les versions antiques, entre le scrupule personnel que Camille
aurait conçu de son trop grand succès, l'obligeant à fléchir une redouta
ble Némésis — au fond, sans pouvoir clairement expliquer ce scrupule
à ses compatriotes — , et la suspicion qui aurait pesé sur lui jusqu'à le
perdre (procès et exil), qu'il « portait malheur » à Eome, attirait sur la
Ville, par ses abus personnels, présages menaçants et véritables malheurs 2.
A bien regarder, ces deux scrupules ne sont pas aussi opposés, ni aussi
inconciliables qu'ils pourraient paraître: car, si les Eomains ont réell
ement assisté, au lendemain de la prise de Véies, à des gestes inusités de
leur dictateur, les uns d'apparence trop orgueilleuse, les autres plutôt
de contrition, mais hors de leurs habitudes religieuses, ses adversaires
politiques ont pu se contenter de retourner ses précautions superstitieuses
contre lui-même. Cependant, il y a quelque chose d'impressionnant dans
le thème souligné par J. Bayet, que le tribun de la plèbe Apuléius, lorsqu'il
fit (en 392, semble-t-il) son accusation formelle contre M. Furius Camil-
lus, l'aurait dénoncé comme porteur d'une invidia périlleuse: en d'autres
termes, si une ISTémésis avait quelque raison de guetter Camille, Apul
éius et son groupe plébéien prétendaient abriter le peuple romain de ces
représailles ...
Le fait est là: il a toute chance d'être historique, et il nous donne, à
notre avis, la clef d'anecdotes qui pourraient paraître des fables tout
arbitraires: tandis que Camille, assumant obligations et risques comme
conséquences de sa victoire, et plus exactement du votum par lequel il
s'était religieusement engagé avant l'assaut, multipliait formules et ge
stes de prière surprenants pour ses contemporains, dans la mesure où
v 1 Sous le titre Camille et les superstitions étrusques de la Porta Bauduscul
ana, dans BEL 1972 (communication présentée à la Sté des Etudes Latines
le 11 mars 1972).
2 Dans V Appendice de son édition (coll. G. Budé) du livre V de Tite-Live,
p. 149-151. JEAN GAGÉ 738
les lui dictait une « Fortune » tr&

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