Malte préhistorique, une île de Pâques méditerranéenne ? - article ; n°1 ; vol.71, pg 17-38
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Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1994 - Volume 71 - Numéro 1 - Pages 17-38
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 57
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Courtin
Malte préhistorique, une île de Pâques méditerranéenne ?
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°71, 1994. pp. 17-38.
Citer ce document / Cite this document :
Courtin Jean. Malte préhistorique, une île de Pâques méditerranéenne ?. In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée,
N°71, 1994. pp. 17-38.
doi : 10.3406/remmm.1994.1632
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1994_num_71_1_1632Jean Courtin
Malte préhistorique
une île de Pâques méditerranéenne
remontent l'archipel anciennes Bien que Maltais traces, pas distant en indubitables, n'a effet, seulement été tout peuplé au d'une de moins par présence centaine l'homme en l'état de humaine que kilomètres actuel très des sur tardivement. connaissances, Malte du sud et de Gozo Les la Sicile, plus au- ne
delà du début du Néolithique, daté ici, comme d'ailleurs dans l'ensemble de
la Méditerranée occidentale, du 5e millénaire.
Les îles Maltaises sont formées de roches d'âge tertiaire (essentiellement de
l'Oligocène et du Miocène), stratifiées régulièrement, les seuls accidents étant
quelques lignes de failles orientées sud-ouest nord-est. Avec un humour très
britannique, on a comparé Malte à "a huge club-sandwich", constitué de deux
niveaux - inférieur et supérieur - de calcaires durs coralligènes, séparés par des
calcaires tendres à globigérines, à grain très fin - la pierre à bâtir de Malte, aisée
à scier, tailler et sculpter — et par des passées d'argiles et de sables marneux. A
l'exception de chailles grises de qualité médiocre, les hommes préhistoriques
ne disposaient d'aucune roche dure apte à la production d'un outillage effi
cace, aussi les hommes du Néolithique maltais ont-ils importé du silex et des
roches vertes à grain fin de la Sicile et de la Calabre, de l'obsidienne de Pan-
telleria et des îles Eoliennes. Qu'il s'agisse d'un troc ou déjà d'un véritable com
merce organisé, le trafic de ces matières premières atteste l'importance et
RE.M.M.M. 71, 1994/1 18 1 Jean Courtin
l'ancienneté de la navigation en Méditerranée occidentale, déjà établie par le
peuplement ancien de la Sardaigne et de la Corse. Paradoxe surprenant, c'est
sur leurs îles dépourvues de roches dures que les hommes du Néolithique
maltais ont inventé et développé une surprenante architecture monumentale,
ces temples mégalithiques qui n'existent nulle part ailleurs et qui ont bravé les
millénaires.
Eléphants nains et cygnes géants
S'il n'est pas prouvé, pour l'instant du moins, que l'homme du Paléolithique,
pourtant présent en Sicile, ait atteint Malte, on y a découvert dès le début du
siècle des faunes quaternaires du Pleistocene inférieur. Dans la partie orient
ale de Malte, la vaste caverne de Ghar Dalam a fourni quantité de restes osseux
d'hippopotames {Hippopotamus pentlandt) et d'éléphants nains, connus par
ailleurs en Sicile, en Sardaigne, en Crète, à Chypre. Les éléphants fossiles de
Malte appartiennent à trois espèces, Elephas mnaidrensis, E.melitensis et E.fal-
coneri. Ces éléphants ne dépassaient guère 1 ,20 m au garrot, et les plus petits
avaient la taille d'un chien saint-bernard. Ils côtoyaient par contre des cygnes
de très grande taille qui, avec les hippopotames, fréquentaient les marécages
alors présents sur ces îles aujourd'hui quasi arides. Dans la même grotte, un
niveau supérieur contenait des ossements de cervidés, attribuables à la der
nière phase de la glaciation de Wûrm, ilyal0àl2 000 ans. Aucun vestige
d'occupation humaine n'a jusqu'ici été découvert, ni à Ghar Dalam, ni dans
les autres cavités de l'Archipel. Pourtant, les chasseurs du Paléolithique supér
ieur, les Cro-Magnon méditerranéens, ont laissé de nombreux témoignages
dans plusieurs grottes de Sicile, notamment dans les régions de Palerme et de
Syracuse. Des sites comme la Grotta Corruggi, San Teodoro, Fontana Nuova,
Cala dei Genovesi, sont connus de tous les spécialistes. San Teodoro a même
fourni cinq sépultures du Paléolithique supérieur. Tout aussi célèbres sont les
grottes ornées siciliennes, telle Cala dei Genovesi, sur l'île de Levanzo (îles
Egades), où ont été découvertes des gravures de cervidés, aurochs, équidés et
humains, ou encore la grotte de l'Addaura, près de Palerme, avec ses énig-
matiques gravures de silhouettes humaines dansant, associées à des gravures
de bovidés, équidés, cervidés.
Or, il n'est nullement improbable que ces chasseurs siciliens du Paléoli
thique aient poussé des incursions jusqu'à Malte, qu'ils pouvaient atteindre en
trois jours de marche en suivant l'isthme du cap Passero, au sud-est de la grande
île. En effet, entre le cap Passero et Malte, les profondeurs sont inférieures à 100
m. Un "pont", un isthme émergé, a donc pu relier les deux terres lors de la der
nière glaciation, lorsque le niveau de la mer se trouvait à 120 m sous le zéro actuel.
Que l'on découvre un jour dans une grotte maltaise, sur terre ou sous la mer,
des traces de campements du Paléolithique supérieur n'a donc rien d'impossible. Malte préhistorique, une île de Pâques méditerranéenne ?/ 19
II y a 7 000 ans, les premiers colons
Quoiqu'il en soit, les habitants connus dans l'Archipel débarquèr
ent de leurs canots au début du 5e millénaire. Venus de Sicile, comme le prou
vent leurs poteries aux motifs caractéristiques du Néolithique ancien sicilien
(groupe de Stentinello : incisions en arête de poisson, sillons, impressions
diverses, souvent incrustées de matière blanche destinée à rehausser le décor),
ces marins étaient avant tout des fermiers. Ils apportaient avec eux des plantes
cultivées : l'orge, deux sortes de blé — engrain et blé amidonnier — des lentilles,
des pois. Gardé par des chiens, leur bétail comprenait des brebis, des chèvres,
des porcs, mais aussi des bovins, ce qui laisse supposer que leurs embarcations
n'étaient pas de simples pirogues mais de véritables bateaux capables de trans
porter hommes et animaux sur des distances relativement longues et surtout
d'affronter les flots, pas toujours sereins, de la Méditerranée. La céramique de
ces premiers immigrants a été découverte en plusieurs points de l'Archipel,
outre la célèbre grotte de Ghar Dalam, à Ta Hagrat à Mgarr, à Santa Verna et
Xewkija sur Gozo. Mais ce sont essentiellement les fouilles méthodiques de David
Trump à Skorba qui ont permis de connaître l'économie, le mode de vie et la
culture matérielle des premiers Maltais, en même temps qu'elles ont servi de
base à la première chronologie absolue des divers styles céramiques qui carac
térisent ce Néolithique tout au long de son évolution : phases de Ghar Dalam,
de Grey Skorba, de Red Skorba, de Zebbug, de Mgarr, de Ggantija etc.
A Skorba, sous les ruines d'un temple double, des emplacements de cabanes
ont été retrouvés. C'était, pour les plus anciennes, des huttes à plan ovale,
longues de 7 à 10 m, larges de 2,50 m à 3 m, pour d'autres, plus récentes, des
huttes à plan sub-rectangulaire, aux angles arrondis. Contrairement aux temples,
ces habitations du quotidien ont été édifiées en matériaux périssables et de
dimensions modestes. Seule la base des murs, large d'environ 70 cm, est en pierres,
à double parement. Le reste de la construction était en bois ou branchages, peut-
être recouverts de torchis dont des fragments ont été retrouvés, portant des
empreintes de dayonnages. Le pisé a été, semble-t-il, largement employé à la
phase "Ggantija", au 4e millénaire. Le sol des huttes était fréquemment recou
vert d'un revêtement d'argile ou de "torba", une sorte de ciment obtenu en
broyant du calcaire. Ces cabanes ont livré de nombreux restes de céramique,
d'outils de silex et d'os, des meules à grain en calcaire corallien ou en basalte
importé — notamment dans la cabane dite "des meules" —, de faune domestique,
de mollusques, de graines carbonisées et de charbons qui ont per

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