Article« "Les chemins qu’on parcourt pour livrer un combat contre la maladie sont très difficiles parbouts" : la réalité des Franco-Manitobaines et le cancer du sein » Elsy GagnéReflets : revue d'intervention sociale et communautaire, vol. 1, n° 2, 1995, p. 90-114. Pour citer cet article, utiliser l'adresse suivante :http://id.erudit.org/iderudit/026078arNote : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir.Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.htmlÉrudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documentsscientifiques depuis 1998.Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Document téléchargé le 20 September 2011 05:16Reflets«Les chemins qu’on parcourt pour livrer un combatcontre la maladie sont très difficiles par bouts»La réalité des Franco-Manitobaineset le cancer du seinSuite à une recherche qualitative effectuée auprès de 20 femmes vivant en français au Manitoba,cet article fait état de leur expérience avec le cancer du sein et du rôle ...
Article« "Les chemins qu’on parcourt pour livrer un combat contre la maladie sont très difficiles parbouts" : la réalité des Franco-Manitobaines et le cancer du sein »Elsy GagnéReflets : revue d'intervention sociale et communautaire, vol. 1, n° 2, 1995, p. 90-114.Pour citer cet article, utiliser l'adresse suivante :http://id.erudit.org/iderudit/026078arNote : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir.Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.htmlÉrudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documentsscientifiques depuis 1998.Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.caDocument téléchargé le 20 September 2011 05:16
Reflets«Les chemins quÕon parcourt pour livrer un combatcontre la maladie sont trs difficiles par bouts»La ralit des Franco-Manitobaineset le cancer du seinSuite une recherche qualitative effectue auprs de 20 femmes vivant en franais au Manitoba,cet article fait tat de leur exprience avec le cancer du sein et du rle actif des groupes desoutien. Il s’agit de comprendre plus profondment comment les femmes francophones vivantau Manitoba ont ragi et vivent avec la maladie et de prsenter les initiatives dveloppespar et pour les femmes pour leur venir en aide afin de contrer l’isolement et le rejet social.Avec le temps, on verra que la maladie devient une manire d’tre et de vivre, une occasionde dire et de faire le sens de sa vie et de sa mort. C’est grce cette exprience que ces femmespartagent un sentiment d’appartenance une communaut base sur la langue d’usage, lamaladie et la survie et qu’elles expriment le besoin de se reconnatre en tant que groupe et departager un hritage culturel et une exprience sociale bien dfinis.09Elsy GagnChercheure indpendante, Collge universitaire de St-Boniface, ManitobaIl n’est pas facile de rsumer les initiatives dveloppespar et pourles femmes franco-manitobaines vivant ou ayant vcu avec lecancer du sein et les proccupations de ces femmes. Les enjeuxsont trs diversifis et la culture ou sous-culture au coeur de l’ex-gpiornise,ndceesdmeilileauxm,adlaesdiceovmarmieuneanutfosncdt’iaopnpadrteesnparnocvei,ndceess,grdoeuspres,-dmeaslavdaileeunr’sesctupltluurseclleesquet’,elblieentsaitr,,adyeanlatcghraavnigtddeeflaormmaelagdrie.cLeaVol. 1, no 2, automne 1995
Refletsla mdecine moderne. Selon les mdecins et les oncologistes, ilest aujourd’hui possible de lutter contre le cancer du sein.Cet article vise une meilleure connaissance de la ralit so-ciale des femmes franco-manitobaines qui vivent ou ont vcuavec le cancer du sein, par un regard sur les initiatives dvelop-pes l’intention de celles qui vivent en franais dans leur milieud’origine. On notera qu’au Canada, le cancer du sein demeure ladeuxime cause de mortalit. Au Manitoba seulement, on ob-serve un nombre de 730 nouveaux cas sur les 17 700 nouveauxcas au Canada (Statistique Canada, 1995), ce qui souligne l’im-portance de cette maladie et ses effets dans la vie quotidienne desFranco-Manitobaines et de leur famille immdiate.Dans cet essai, je m’arrterai d’abord montrer sur quoi por-tent les recherches sur l’exprience de la maladie et l’influenceprpondrante de la culture ou sous-culture dans l’expriencehumaine, comme c’est le cas de l’exprience de la maladie. En-suite, je montrerai comment la mthodologie qualitative reflteune approche d’analyse particulire qui tient compte du vcuindividuel des femmes franco-manitobaines et de leur rapportavec le social et le mdical. Je prsenterai enfin l’analyse du dis-cours des femmes franco-manitobaines qui vivent ou ont vcuavec le cancer du sein en me servant des rseaux smantiquescomme moyen de regrouper l’information recueillie et de ren-dre compte de la problmatique tudie.Cadre thoriquePlusieurs tudes (Herzlich, 1984; Good et DelVecchio-Good,1981; Good, 1977) ont mis en relation maladie et malaise ens’appuyant sur le concept de culture. Ces recherches s’appuientsur l’ide qu’il existe dans chaque culture un ensemble de sym-boles dont le pouvoir et la charge symbolique sont enseigns etpartags par l’ensemble des membres de la communaut. Good(1977), qui a dcrit la smantique de la maladie du coeur en Iran,19Vol. 1, no 2, automne 1995
Reflets29a dcouvert comment celle-ci est associe culturellement unegrande varit de situations, d’tats affectifs et de facteurs stressants.Autrement dit, le sens de la maladie est reli un syndrome d’ex-priences typiques, un ensemble de mots, d’idiomes et de sen-sations qui sont regroups et forment entre eux des rseauxsmantiques. Or, c’est grce l’analyse du langage d’individusqui vivent l’exprience de la maladie qu’on peut saisir les rseauxsmantiques. Ainsi, ceux-ci traduisent un ensemble de valeurs,de signes et de symboles propre la culture ou sous-culture desmalades. Kleinman (1986) appuie galement cette thse. Dansune tude o il a document le processus de transaction entremalades et thrapeutes propos de la neurasthnie et de la d-pression en Chine, Kleinman (1986) considre le diagnostic m-dical comme un processus caractre essentiellement smiotique.L’auteur prcise que poser un diagnostic signifie donner un senssocialement construit la maladie. Du point de vue du malade,ce sens social peut tre considr comme l’une des valeurs possiblesque peut prendre la maladie.Par culture, il faut entendre «cette totalit o entrent les us-tensiles et les biens de consommation, les chartes organiques r-glant divers groupements sociaux, les ides et les arts, les croyanceset les coutumes» (Van Metter, 1992:443). Elle est un vaste appa-reil matriel, humain ou spirituel qui aide l’individu affronterles problmes qui se posent lui. C’est en ces termes que Saillant(1988) s’intresse la culture et son influence dans le droule-ment de la maladie. Reprenant son compte l’analyse de Foucault(1972), l’auteure explique que la maladie est la fois une cons-truction historique et culturelle. Pour que cela soit, de vritablesdispositifs sociaux sont manifestement l’oeuvre. Par dispositifs,il faut entendre les discours, les institutions, les noncs scientifiques,la moralit et les propositions philosophiques entourant la mala-die. Or, en abordant la question de la maladie et de la culture ausens historique de Foucault, Saillant (1988) affirme que «la cul-ture est au centre de toute exprience humaine, incluant biensr, l’exprience de la maladie» (p.13). En ce sens, elle permet sacration historique. Ainsi, l’exprience du cancer est une ralitqu’il nous est possible de mieux comprendre en la restituant dansoV.l,1on,2uaotnme9159
«Ainsi, l’expriencedu cancer est uneralit qu’il nous estpossible de mieuxcomprendre en lacroesnttietuxtaentd’daannaslyusneplus global desionrgtearnaicstaitoinosn,s,dedsesritesculturels et religieux,et des symboles. Toutcela permet de dfinirla maladie, de larendre possiblementvivable et aussi de lavaincre.»Vol. 1, no 2, automne 1995Refletsun contexte d’analyse plus global des interactions, des organisa-tions, des rites culturels et religieux, et des symboles. Tout celapermet de dfinir la maladie, de la rendre possiblement vivable etaussi de la vaincre.Dans son tude, Saillant (1988) affirme que la maladie estplus qu’un corps de symptmes qui renvoie essentiellement unmonde biologique. Elle est entendue comme «un mode de vie,un acte de communication, une occasion de dire et de faire lesens de sa vie et de sa mort» (p.13). D’o l’ide selon laquelle ilest possible de vivre avec le cancer et que ce vcu varie selonplusieurs facteurs dont le milieu d’appartenance et l’origine eth-nique. Plusieurs analystes (Good et DelVecchio-Good, 1981,1982) ont, leur tour, montr que la prsentation des sympt-mes varie d’un groupe ethnique un autre cause de la culturedont ils sont porteurs. Good et DelVecchio-Good (1981) s’en-tendent pour reconnatre que les normes et les valeurs du milieuou du groupe d’appartenance sont relies un ensemble de signifi-cations particulires. Celles-ci se comprennent davantage dansl’exprience de la maladie, telle qu’enracine au coeur du quoti-dien et de la culture.D’aprs DelVecchio-Good (1993), et dans ses tentativesanthropologiques d’tude du quotidien en clinique amricaineet japonaise, les oncologistes amricains ont reu le mandat cultureld’instiller l’espoir dans les rcits thrapeutiques qu’ils faonnentavec leurs patients et leurs patientes en tentant d’veiller chezeux un sens du temps prsent plutt qu’une perception purementchronologique du temps. Or, dans ses tentatives anthropologiquesd’tude du quotidien en cliniques amricaines et japonaises,DelVecchio-Good (1993) prcise que les notions contrastantesde temps et de dvoilement de l’information font ressortir lesdiffrences culturelles entre les groupes ethniques. Celles-ci semanifestent par la diversit des conceptions relies la spcificitdes horizons temporels, aux luttes, voire aux idaux culturelsprsents dans la formulation des dnouements. D’un ct, lesoncologistes japonais rvlent rarement le diagnostic de cancer;ce dernier rvl, le patient ou la patiente doit s’attendre ce que39
Reflets«…ds le diagnosticconnu et la chirurgieexcute, la vie defemme se brise et sedconstruit pourensuite se rebtir nouveau.»94sa maladie soit fatale. Les proches sont mis au courant de la na-ture de la maladie au cours des consultations antrieures. De leurct, les oncologistes amricains divulguent l’information direc-tement leurs patients et leurs patientes dans le but prcis de lesfaire participer au processus thrapeutique, crant ainsi un climatsocial de confiance propice l’change, si tel est leur dsir, pen-dant leurs traitements mdicaux.Wong (1995) est d’avis que le meilleur traitement mdicalpour contrler le cancer du sein demeure la mastectomie, c’est--dire l’ablation du sein. De cette opration chirurgicale dcou-lent des effets psychologiques (Schain, 1991) qui ont t observs.On pense ici la dpression, la mauvaise estime de soi, l’anxitet le sens diminu de la fminit (Torrie, 1971). Selon Gauthier(cit par Bouchard, 1995), qui tente d’expliquer les effets psy-chologiques, ds le diagnostic connu et la chirurgie excute, lavie de la femme se brise et se dconstruit pour ensuite se rebtir nouveau. Cette brisure se comprend davantage par l’agressioncorporelle cause par la chirurgie, o la femme qui veut tresauve (Bgin, 1989) perd une partie d’elle-mme. À la suite dela chirurgie, la femme vit galement une exprience-choc (Schutz,1987) qui l’incite faire clater le sens de sa vie et lui permet demodifier son comportement. C’est grce l’usage de la prothseou la reconstruction du sein que l’ajustement s’effectue.Suite l’ablation d’un sein, la femme est durement marquepar la perte d’un membre et par une cicatrice physique. Dansleur tude, Dorvill, Renaud et Bouchard (1994) soulignent quela caractristique de l’asymtrie du corps diffrent de la normesuscite une dstabilisation. L’imperfection du corps signifie un«chaos dans l’ordre de la pense humaine, la reprsentation so-ciale du handicap» (p.718). Le handicap devient ds lors une nou-velle forme de stigmatisation (Goffman, 1975). Car pour la femmequi a subi une mastectomie et survcu au cancer du sein, soncorps n’incarne plus les formes pures, la perfection et la beautde la femme.Dans l’ensemble, on comprend bien que toute exprience ducancer n’est pas ncessairement relie la mort. Les analystesVol. 1, no 2, automne 1995
Reflets«Dans leurs efforts, lesgroupes de soutienrmedaloandneesnettll’eeusrpooifrfraeuntxddreeslemuoryevinesednermeapirenn-(pcroinsefiadnecepoeunvosiori).e»t(Saillant, 1988; Gauthier, 1995) sont d’avis qu’on peut vivre pen-dant et aprs le cancer. C’est grce au rle jou par les groupes desoutien qu’il est possible d’appuyer les malades ayant travers l’ex-prience du cancer dans leur milieu de vie social et naturel. Dansleurs efforts, les groupes de soutien redonnent l’espoir aux maladeset leur offrent des moyens de reprendre leur vie en main (con-fiance en soi et prise de pouvoir). Des analystes font rfrence un soutien familial parce que la famille devient le premier etultime recours (Fortin, 1994). Ainsi, on dira qu’«avant de recou-rir aux institutions, on se tourne d’abord vers ses proches, et entout premier lieu sa famille» (p.947). Un tel recours de la part dela famille permet de se soutenir en priode de difficult ou decrise pour ainsi pallier l’isolement. À ce rseau familial se joi-gnent galement le rseau relationnel et le rseau naturel. Mass(1993) mentionne que le soutien social joue le rle de tampon,agit comme facteur de protection et permet d’attnuer les con-squences psychologiques et sociales de l’exposition aux situa-tions stressantes, telles que l’exprience du cancer du sein. L’auteursoutient que l’amlioration de l’tat de sant passe par la modifi-cation des facteurs environnementaux. Saillant (1988) appuiegalement cette thse. Elle prcise que les personnes survivant aucancer doivent s’adapter un nouveau mode de vie, une telleadaptation ayant des consquences dans leur vie et dans celle deleur famille. S’adapter son nouveau mode de vie ne signifie pasaccepter un diagnostic comme celui du cancer, mais bien de vivreavec la ralit de la maladie et de tout ce qu’elle engendre sur leplan humain (Gauthier, 1995).MthodologieAfin de mieux comprendre la ralit des Franco-Manitobainesqui vivent ou ont vcu avec la maladie, on a eu recours unetimontlhoogdiequqeudaleitvatairviea,bsleositetundeecxaetrcigcoerisetsrudcetudronndeesm.iPsearecnerteylpae-59Vol. 1, no 2, automne 1995
Refletsd’exercice, on tente de reproduire logiquement un schmamental de l’exprience du cancer du sein en tant que phno-mne. Il s’agit par l de vrifier, par les entrevues en profondeur etl’observation, le degr de correspondance entre cette construc-tion ou cration de l’esprit et la situation relle dans laquellevivent les individus. C’est donc partir du discours des individusqu’on tente de reconstituer les modles culturels et d’expliquerun ensemble d’lments de rfrences partir desquels se com-prend l’exprience de la maladie. L’individu devient un chan-tillon de son groupe d’appartenance et c’est partir des anecdotes,des moindres vnements qui manent de sa quotidiennet et serapportent l’exprience sociale du cancer du sein que l’on tented’apprhender ce qu’il partage avec d’autres. On pense notam-ment aux valeurs religieuses et leur encadrement philosophiqueapport dans la reprsentation de la maladie. Il y a aussi l’usagerptitif des mots tels que la vie et la mort, le temps et l’espoir, lalutte et les enfants, le corps et la marque. C’est grce au dcou-page des mots, des idiomes, des signes et des valeurs mis lors desentrevues en profondeur portant sur l’exprience du cancer dusein qu’il a t possible de reprer les rseaux smantiques desfemmes franco-manitobaines. Cela nous aide donc mieux com-prendre le contenu des rcits de vie.C’est dans un tel contexte qu’il importe, selon Bertaux (1976),«…une vingtainede considrer les rcits de vie comme pratiques culturelles etd’entrevues ont td’viter de centrer uniquement notre rflexion sur une vie. Carralises auprs deles rcits de vie (Grell, 1986; Houle, 1986) et l’analyse du dis-femmes ges de 36 cours apparaissent comme un moyen de saisir la ralit vcue par79 ans, dispersesles femmes franco-manitobaines et qui, la rigueur, se distinguedu vcu des autres femmes tant donn le milieu d’origine et lapour la plupart danssituation minoritaire francophone. La collecte des donnes r-la Valle de la Rivirevle une attitude nouvelle: approcher l’histoire d’individus parRouge au Manitoba etleur petite histoire, celle qui se joue au quotidien et celle d’indi-qui parlent le franais,vidus que l’on pense sans histoire (Le Gall, 1987). C’est l’chan-malgr le peu detillonnage boule de neige qui a rendu possibles ces rcits de vie. Etservices mdicauxpour la recherche rcente, et encore inacheve, une vingtaineofferts dans leurd’entrevues ont t ralises auprs de femmes ges de 36 79langue maternelle.»ans, disperses pour la plupart dans la Valle de la Rivire Rouge96Vol. 1, no 2, automne 1995
Les rsultatsVol. 1, no 2, automne 1995Refletsau Manitoba et qui parlent le franais, malgr le peu de servicesmdicaux offerts dans leur langue maternelle. Pour la plupartd’entre elles, l’opration chirurgicale s’est effectue l’HpitalGnral de Saint-Boniface. Le choix des sujets rencontrs porteessentiellement sur la dfinition suivante: ce sont des femmesfranco-manitobaines vivant en franais, ayant eu le cancer dusein et subi une mastectomie.Dans l’ensemble, les entrevues en profondeur portent sur plu-sieurs aspects, tels l’exprience de la maladie partir des premierssymptmes et du diagnostic mdical, des types de ractions face la nouvelle, des traitements pour contrler la tumeur, durajustement face son nouveau mode de vie et du rle de laculture religieuse ainsi que sa signification. D’autres questionsmettent en vidence les initiatives dveloppes par rapport auxgroupes de soutien (franais et anglais), le retour possible lasant, la volont de vaincre son cancer, le temps, l’identit fmi-nine et les perceptions par rapport son corps.Pour des fins pratiques, je prsenterai les questions pertinentes la problmatique ici tudie, savoir l’exprience de la maladievcue par les femmes franco-manitobaines et les initiatives dve-lAofpinpdeesmdiaenusxlereurpcroermlmesusnyastutmeds’asppmaratnetniaqnucees,le’naccmeilnitesuerraurmali.sscuorrples,sltahmmaleasdipe,orltaeuvries,dl’eesspeonisr,tleelsrqefuuesladetelraribmloertn,olauvfeolile,elneDieu, les enfants et la famille.Exprience sociale du cancer du seinLe point de vue des femmes franco-manitobaines a rvl deslments clefs sur la manire dont elles s’y prennent pour tra-verser l’exprience sociale du cancer du sein. Aux questions:Comment avez-vous ragi au diagnostic comme celui du cancer97
Refletsd«iLaogrnsoqsuti’ci,lcp’oesstelceommesi tout s’croulaitpaluutsoudredseentsoi,iltan’viye.acLeantrmealdaedtieesdaecvtiievin-tle»…st89du sein? Comment vivez-vous ou avez-vous vcu l’expriencede la maladie et quels sont les moyens qui aident traverser cetteexprience?, plusieurs rponses permettent de mieux articulerl’analyse du changement individuel, familial et social vcu par lesfemmes rencontres, changement provoqu par la venue de lamaladie et confirm officiellement par le diagnostic mdical.Soulignons le rle crucial jou par les mdecins dans les ren-contres mdecin/patiente, notamment lors de la divulgation dela terrible nouvelle. Dans la relation mdecin/malade, on constateque les oncologistes canadiens, dont font tat les rpondantes,divulguent l’information leurs patientes en les invitant parti-ciper activement au processus thrapeutique, avec pour effet decrer un climat de confiance entre les deux parties et d’instillerl’espoir dans les rcits thrapeutiques (DelVecchio-Good, 1993).Selon les tmoignages des patientes, les oncologistes canadienssemblent dvelopper chez elles un sens du moment prsent, c’est--dire de l’immdiatet. Il existe l un contraste rel entre ledvoilement de la terrible nouvelle (rapport mdical qui se rap-porte son tat de sant) et l’veil du moment (temps) prsent.Un tel contraste se mesure en effet dans le discours des femmesfranco-manitobaines.«Du point de vue psychologique, vivre l’expriencedu cancer du sein t’amne l’ge de 60 ans, si tu enas seulement 45 ans (…). Tout arrive trs rapide-ment. Tu localises une petite bosse sur un sein et lemdecin te confirme la terrible nouvelle. Lorsqu’il posele diagnostic, c’est comme si tout s’croulait autour detoi, il n’y a plus de sens ta vie. La maladie devientle centre de tes activits (…). Je me disais que celan’tait pas possible que je sois rellement rendue cepoint-l dans ma vie (…). Ensuite, tu te retrouves l’hpital et tu deviens une patiente comme les autres.Tu sens un corps malade (…). Mais rapidement j’aiaccept d’avoir la mastectomie pour tre encore avecmes enfants, ma lueur d’espoir! Mais, pendant tout cetemps (…), on pense beaucoup plus la mort (…).Vol. 1, no 2, automne 1995
Vol. 1, no 2, automne 1995J’ai eu une dpression et mon estime de soi en a prisun coup. Et plus tard, l’acceptation fait partie de toncheminement psychologique (…). Le mdecin m’adonn de l’espoir et le courage de me battre. C’estvraiment grce l’espoir et ma foi que j’ai pu m’ac-crocher la vie (…). Deux ans aprs la mastectomie,j’ai eu la reconstruction du sein (…). Le moment passavec la maladie m’a beaucoup fait rflchir (…). Je nevois plus les choses de la mme manire. J’apprends penser un peu plus moi (…). J’ai appris vivre aujour le jour.»RefletsCette jeune femme, ne au Qubec et vivant au Manitoba depuis20 ans, a prcis que sa mre est morte du cancer du sein en1956, ce qui engendre dans sa vie de fille ainsi que dans celle deses frres et soeurs, un dsquilibre psychologique et social quimarquera sa vie. Son pre, devenu ds lors veuf, prend la dci-sion de placer ses enfants dans des foyers d’accueil afin de leurgarantir une meilleure ducation par des femmes. Ce dmnage-ment entranera chez elle un rajustement et gnrera un senti-ment d’inscurit de se savoir nouveau dlaisse. Lors del’exprience du cancer du sein, la rpondante a revcu un senti-ment d’inscurit et la peur de laisser elle aussi ses trois enfants.«Je voulais donner mes enfants une stabilit et nepas les faire vivre ce que j’ai vcu leur ge lorsque mamre est morte. Je m’accrochais la vie. Je voulaisprendre toutes les chances de mon ct. Je voulais mebattre pour mes enfants et aussi pour moi-mme.»Dans le mme ordre d’ides, une autre patiente met l’accent surce besoin de redevenir la femme d’avant, en sant, pour ainsireprendre la routine normale et d’accepter sa condition de femme.On dira ici que la sant se mesure partir d’une capacit d’agirdans son milieu et d’accomplir les tches mnagres et sociales.«mToiountssd’eesdtixpajsosurs,tje’llaeimaepnptrisviltaendoaunsvellmeoentcj’aas.ieEun99