Les chemins qu’on parcourt pour livrer un combat contre la maladie  sont très difficiles par bouts
26 pages
Français

Les chemins qu’on parcourt pour livrer un combat contre la maladie sont très difficiles par bouts

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
26 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Article« "Les chemins qu’on parcourt pour livrer un combat contre la maladie sont très difficiles parbouts" : la réalité des Franco-Manitobaines et le cancer du sein » Elsy GagnéReflets : revue d'intervention sociale et communautaire, vol. 1, n° 2, 1995, p. 90-114. Pour citer cet article, utiliser l'adresse suivante :http://id.erudit.org/iderudit/026078arNote : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir.Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.htmlÉrudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documentsscientifiques depuis 1998.Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Document téléchargé le 20 September 2011 05:16Reflets«Les chemins qu’on parcourt pour livrer un combatcontre la maladie sont très difficiles par bouts»La réalité des Franco-Manitobaineset le cancer du seinSuite à une recherche qualitative effectuée auprès de 20 femmes vivant en français au Manitoba,cet article fait état de leur expérience avec le cancer du sein et du rôle ...

Informations

Publié par
Nombre de lectures 71
Langue Français

Extrait

Article« "Les chemins qu’on parcourt pour livrer un combat contre la maladie sont très difficiles parbouts" : la réalité des Franco-Manitobaines et le cancer du sein » Elsy GagnéReflets : revue d'intervention sociale et communautaire, vol. 1, n° 2, 1995, p. 90-114.   Pour citer cet article, utiliser l'adresse suivante :http://id.erudit.org/iderudit/026078arNote : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir.Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.htmlÉrudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documentsscientifiques depuis 1998.Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Document téléchargé le 20 September 2011 05:16
Reflets«Les chemins quÕon parcourt pour livrer un combatcontre la maladie sont trs difficiles par bouts»La rŽalitŽ des Franco-Manitobaineset le cancer du seinSuite ˆ une recherche qualitative effectuŽe auprs de 20 femmes vivant en franais au Manitoba,cet article fait Žtat de leur expŽrience avec le cancer du sein et du r™le actif des groupes desoutien. Il s’agit de comprendre plus profondŽment comment les femmes francophones vivantau Manitoba ont rŽagi ˆ et vivent avec la maladie et de prŽsenter les initiatives dŽveloppŽespar et pour les femmes pour leur venir en aide afin de contrer l’isolement et le rejet social.Avec le temps, on verra que la maladie devient une manire d’tre et de vivre, une occasionde dire et de faire le sens de sa vie et de sa mort. C’est gr‰ce ˆ cette expŽrience que ces femmespartagent un sentiment d’appartenance ˆ une communautŽ basŽe sur la langue d’usage, lamaladie et la survie et qu’elles expriment le besoin de se reconna”tre en tant que groupe et departager un hŽritage culturel et une expŽrience sociale bien dŽfinis.09Elsy GagnŽChercheure indŽpendante, Collge universitaire de St-Boniface, ManitobaIl n’est pas facile de rŽsumer les initiatives dŽveloppŽesp ar et pourles femmes franco-manitobaines vivant ou ayant vŽcu avec lecancer du sein et les prŽoccupations de ces femmes. Les enjeuxsont trs diversifiŽs et la culture ou sous-culture au coeur de l’ex-gpiŽornise, ndcees  dmeil ilea uxm, adlaesd iceo vmarmieu neanu tfoŽsn cdtiaopnp adrtees nparnocvei, ndceess ,g rdoeus preŽs,-dmeasl avdailee unrse sct upltluurs ecllee sq uet,e lbliee nŽ tsaižtr,,  adyea nlat  cghraavnigtŽŽ  ddee  flao rmmael agdrie‰. cLe aˆVol. 1, no 2, automne 1995
Refletsla mŽdecine moderne. Selon les mŽdecins et les oncologistes, ilest aujourd’hui possible de lutter contre le cancer du sein.Cet article vise une meilleure connaissance de la rŽalitŽ so-ciale des femmes franco-manitobaines qui vivent ou ont vŽcuavec le cancer du sein, par un regard sur les initiatives dŽvelop-pŽes ˆ l’intention de celles qui vivent en franais dans leur milieud’origine. On notera qu’au Canada, le cancer du sein demeure ladeuxime cause de mortalitŽ. Au Manitoba seulement, on ob-serve un nombre de 730 nouveaux cas sur les 17 700 nouveauxcas au Canada (Statistique Canada, 1995), ce qui souligne l’im-portance de cette maladie et ses effets dans la vie quotidienne desFranco-Manitobaines et de leur famille immŽdiate.Dans cet essai, je m’arrterai d’abord ˆ montrer sur quoi por-tent les recherches sur l’expŽrience de la maladie et l’influenceprŽpondŽrante de la culture ou sous-culture dans l’expŽriencehumaine, comme c’est le cas de l’expŽrience de la maladie. En-suite, je montrerai comment la mŽthodologie qualitative reflteune approche d’analyse particulire qui tient compte du vŽcuindividuel des femmes franco-manitobaines et de leur rapportavec le social et le mŽdical. Je prŽsenterai enfin l’analyse du dis-cours des femmes franco-manitobaines qui vivent ou ont vŽcuavec le cancer du sein en me servant des rŽseaux sŽmantiquescomme moyen de regrouper l’information recueillie et de ren-dre compte de la problŽmatique ŽtudiŽe.Cadre thŽoriquePlusieurs Žtudes (Herzlich, 1984; Good et DelVecchio-Good,1981; Good, 1977) ont mis en relation maladie et malaise ens’appuyant sur le concept de culture. Ces recherches s’appuientsur l’idŽe qu’il existe dans chaque culture un ensemble de sym-boles dont le pouvoir et la charge symbolique sont enseignŽs etpartagŽs par l’ensemble des membres de la communautŽ. Good(1977), qui a dŽcrit la sŽmantique de la maladie du coeur en Iran,19Vol. 1, no 2, automne 1995
Reflets29a dŽcouvert comment celle-ci est associŽe culturellement ˆ unegrande variŽtŽ de situations, d’Žtats affectifs et de facteurs stressants.Autrement dit, le sens de la maladie est reliŽ ˆ un syndrome d’ex-pŽriences typiques, ˆ un ensemble de mots, d’idiomes et de sen-sations qui sont regroupŽs et forment entre eux des rŽseauxsŽmantiques. Or, c’est gr‰ce ˆ l’analyse du langage d’individusqui vivent l’expŽrience de la maladie qu’on peut saisir les rŽseauxsŽmantiques. Ainsi, ceux-ci traduisent un ensemble de valeurs,de signes et de symboles propre ˆ la culture ou sous-culture desmalades. Kleinman (1986) appuie Žgalement cette thse. Dansune Žtude o il a documentŽ le processus de transaction entremalades et thŽrapeutes ˆ propos de la neurasthŽnie et de la dŽ-pression en Chine, Kleinman (1986) considre le diagnostic mŽ-dical comme un processus ˆ caractre essentiellement sŽmiotique.L’auteur prŽcise que poser un diagnostic signifie donner un senssocialement construit ˆ la maladie. Du point de vue du malade,ce sens social peut tre considŽrŽ comme l’une des valeurs possiblesque peut prendre la maladie.Par culture, il faut entendre «cette totalitŽ o entrent les us-tensiles et les biens de consommation, les chartes organiques rŽ-glant divers groupements sociaux, les idŽes et les arts, les croyanceset les coutumes» (Van Metter, 1992:443). Elle est un vaste appa-reil matŽriel, humain ou spirituel qui aide l’individu ˆ affronterles problmes qui se posent ˆ lui. C’est en ces termes que Saillant(1988) s’intŽresse ˆ la culture et ˆ son influence dans le dŽroule-ment de la maladie. Reprenant ˆ son compte l’analyse de Foucault(1972), l’auteure explique que la maladie est ˆ la fois une cons-truction historique et culturelle. Pour que cela soit, de vŽritablesdispositifs sociaux sont manifestement ˆ l’oeuvre. Par dispositifs,il faut entendre les discours, les institutions, les ŽnoncŽs scientifiques,la moralitŽ et les propositions philosophiques entourant la mala-die. Or, en abordant la question de la maladie et de la culture ausens historique de Foucault, Saillant (1988) affirme que «la cul-ture est au centre de toute expŽrience humaine, incluant biensžr, l’expŽrience de la maladie» (p.13). En ce sens, elle permet sacrŽation historique. Ainsi, l’expŽrience du cancer est une rŽalitŽqu’il nous est possible de mieux comprendre en la restituant dansoV.l ,1 on ,2 uaotnm e9159
«Ainsi, l’expŽriencedu cancer est unerŽalitŽ qu’il nous estpossible de mieuxcomprendre en lacroesnttietuxtaen td daannasl yusneplus global desionrgtearnaicstaitoinosn, s,d edses ritesculturels et religieux,et des symboles. Toutcela permet de dŽfinirla maladie, de larendre possiblementvivable et aussi de lavaincre.»Vol. 1, no 2, automne 1995Refletsun contexte d’analyse plus global des interactions, des organisa-tions, des rites culturels et religieux, et des symboles. Tout celapermet de dŽfinir la maladie, de la rendre possiblement vivable etaussi de la vaincre.Dans son Žtude, Saillant (1988) affirme que la maladie estplus qu’un corps de sympt™mes qui renvoie essentiellement ˆ unmonde biologique. Elle est entendue comme «un mode de vie,un acte de communication, une occasion de dire et de faire lesens de sa vie et de sa mort» (p.13). D’o l’idŽe selon laquelle ilest possible de vivre avec le cancer et que ce vŽcu varie selonplusieurs facteurs dont le milieu d’appartenance et l’origine eth-nique. Plusieurs analystes (Good et DelVecchio-Good, 1981,1982) ont, ˆ leur tour, montrŽ que la prŽsentation des sympt™-mes varie d’un groupe ethnique ˆ un autre ˆ cause de la culturedont ils sont porteurs. Good et DelVecchio-Good (1981) s’en-tendent pour reconna”tre que les normes et les valeurs du milieuou du groupe d’appartenance sont reliŽes ˆ un ensemble de signifi-cations particulires. Celles-ci se comprennent davantage dansl’expŽrience de la maladie, telle qu’enracinŽe au coeur du quoti-dien et de la culture.D’aprs DelVecchio-Good (1993), et dans ses tentativesanthropologiques d’Žtude du quotidien en clinique amŽricaineet japonaise, les oncologistes amŽricains ont reu le mandat cultureld’instiller l’espoir dans les rŽcits thŽrapeutiques qu’ils faonnentavec leurs patients et leurs patientes en tentant d’Žveiller chezeux un sens du temps prŽsent plut™t qu’une perception purementchronologique du temps. Or, dans ses tentatives anthropologiquesd’Žtude du quotidien en cliniques amŽricaines et japonaises,DelVecchio-Good (1993) prŽcise que les notions contrastantesde temps et de dŽvoilement de l’information font ressortir lesdiffŽrences culturelles entre les groupes ethniques. Celles-ci semanifestent par la diversitŽ des conceptions reliŽes ˆ la spŽcificitŽdes horizons temporels, aux luttes, voire aux idŽaux culturelsprŽsents dans la formulation des dŽnouements. D’un c™tŽ, lesoncologistes japonais rŽvlent rarement le diagnostic de cancer;ce dernier rŽvŽlŽ, le patient ou la patiente doit s’attendre ˆ ce que39
Reflets«…ds le diagnosticconnu et la chirurgieexŽcutŽe, la vie defemme se brise et sedŽconstruit pourensuite se reb‰tir ˆnouveau.»94sa maladie soit fatale. Les proches sont mis au courant de la na-ture de la maladie au cours des consultations antŽrieures. De leurc™tŽ, les oncologistes amŽricains divulguent l’information direc-tement ˆ leurs patients et ˆ leurs patientes dans le but prŽcis de lesfaire participer au processus thŽrapeutique, crŽant ainsi un climatsocial de confiance propice ˆ l’Žchange, si tel est leur dŽsir, pen-dant leurs traitements mŽdicaux.Wong (1995) est d’avis que le meilleur traitement mŽdicalpour contr™ler le cancer du sein demeure la mastectomie, c’est-ˆ-dire l’ablation du sein. De cette opŽration chirurgicale dŽcou-lent des effets psychologiques (Schain, 1991) qui ont ŽtŽ observŽs.On pense ici ˆ la dŽpression, la mauvaise estime de soi, l’anxiŽtŽet le sens diminuŽ de la fŽminitŽ (Torrie, 1971). Selon Gauthier(citŽ par Bouchard, 1995), qui tente d’expliquer les effets psy-chologiques, ds le diagnostic connu et la chirurgie exŽcutŽe, lavie de la femme se brise et se dŽconstruit pour ensuite se reb‰tirˆ nouveau. Cette brisure se comprend davantage par l’agressioncorporelle causŽe par la chirurgie, o la femme qui veut tresauvŽe (BŽgin, 1989) perd une partie d’elle-mme. À la suite dela chirurgie, la femme vit Žgalement une expŽrience-choc (Schutz,1987) qui l’incite ˆ faire Žclater le sens de sa vie et lui permet demodifier son comportement. C’est gr‰ce ˆ l’usage de la prothseou la reconstruction du sein que l’ajustement s’effectue.Suite ˆ l’ablation d’un sein, la femme est durement marquŽepar la perte d’un membre et par une cicatrice physique. Dansleur Žtude, Dorvill, Renaud et Bouchard (1994) soulignent quela caractŽristique de l’asymŽtrie du corps diffŽrent de la normesuscite une dŽstabilisation. L’imperfection du corps signifie un«chaos dans l’ordre de la pensŽe humaine, la reprŽsentation so-ciale du handicap» (p.718). Le handicap devient ds lors une nou-velle forme de stigmatisation (Goffman, 1975). Car pour la femmequi a subi une mastectomie et survŽcu au cancer du sein, soncorps n’incarne plus les formes pures, la perfection et la beautŽde la femme.Dans l’ensemble, on comprend bien que toute expŽrience ducancer n’est pas nŽcessairement reliŽe ˆ la mort. Les analystesVol. 1, no 2, automne 1995
Reflets«Dans leurs efforts, lesgroupes de soutienrmedaloandnees nett  lleeusrp ooifrf raeuntxddrees  lemuory evines  edne  rmeapirenn-(pcroinsefi adne cep oeunv osiori) .e»t(Saillant, 1988; Gauthier, 1995) sont d’avis qu’on peut vivre pen-dant et aprs le cancer. C’est gr‰ce au r™le jouŽ par les groupes desoutien qu’il est possible d’appuyer les malades ayant traversŽ l’ex-pŽrience du cancer dans leur milieu de vie social et naturel. Dansleurs efforts, les groupes de soutien redonnent l’espoir aux maladeset leur offrent des moyens de reprendre leur vie en main (con-fiance en soi et prise de pouvoir). Des analystes font rŽfŽrence ˆun soutien familial parce que la famille devient le premier etultime recours (Fortin, 1994). Ainsi, on dira qu’«avant de recou-rir aux institutions, on se tourne d’abord vers ses proches, et entout premier lieu sa famille» (p.947). Un tel recours de la part dela famille permet de se soutenir en pŽriode de difficultŽ ou decrise pour ainsi pallier ˆ l’isolement. À ce rŽseau familial se joi-gnent Žgalement le rŽseau relationnel et le rŽseau naturel. MassŽ(1993) mentionne que le soutien social joue le r™le de tampon,agit comme facteur de protection et permet d’attŽnuer les con-sŽquences psychologiques et sociales de l’exposition aux situa-tions stressantes, telles que l’expŽrience du cancer du sein. L’auteursoutient que l’amŽlioration de l’Žtat de santŽ passe par la modifi-cation des facteurs environnementaux. Saillant (1988) appuieŽgalement cette thse. Elle prŽcise que les personnes survivant aucancer doivent s’adapter ˆ un nouveau mode de vie, une telleadaptation ayant des consŽquences dans leur vie et dans celle deleur famille. S’adapter ˆ son nouveau mode de vie ne signifie pasaccepter un diagnostic comme celui du cancer, mais bien de vivreavec la rŽalitŽ de la maladie et de tout ce qu’elle engendre sur leplan humain (Gauthier, 1995).MŽthodologieAfin de mieux comprendre la rŽalitŽ des Franco-Manitobainesqui vivent ou ont vŽcu avec la maladie, on a eu recours ˆ unetimoŽnt lhoogdieq uqeu dalei tvatairviea, bsleosi te tu nd ee cxaetrŽcigcoer isetsr udcet udroŽn ndŽe esm. iPsea r ecne  rteylpae-59Vol. 1, no 2, automne 1995
Refletsd’exercice, on tente de reproduire logiquement un schŽmamental de l’expŽrience du cancer du sein en tant que phŽno-mne. Il s’agit par lˆ de vŽrifier, par les entrevues en profondeur etl’observation, le degrŽ de correspondance entre cette construc-tion ou crŽation de l’esprit et la situation rŽelle dans laquellevivent les individus. C’est donc ˆ partir du discours des individusqu’on tente de reconstituer les modles culturels et d’expliquerun ensemble d’ŽlŽments de rŽfŽrences ˆ partir desquels se com-prend l’expŽrience de la maladie. L’individu devient un Žchan-tillon de son groupe d’appartenance et c’est ˆ partir des anecdotes,des moindres ŽvŽnements qui Žmanent de sa quotidiennetŽ et serapportent ˆ l’expŽrience sociale du cancer du sein que l’on tented’apprŽhender ce qu’il partage avec d’autres. On pense notam-ment aux valeurs religieuses et ˆ leur encadrement philosophiqueapportŽ dans la reprŽsentation de la maladie. Il y a aussi l’usagerŽpŽtitif des mots tels que la vie et la mort, le temps et l’espoir, lalutte et les enfants, le corps et la marque. C’est gr‰ce au dŽcou-page des mots, des idiomes, des signes et des valeurs Žmis lors desentrevues en profondeur portant sur l’expŽrience du cancer dusein qu’il a ŽtŽ possible de repŽrer les rŽseaux sŽmantiques desfemmes franco-manitobaines. Cela nous aide donc ˆ mieux com-prendre le contenu des rŽcits de vie.C’est dans un tel contexte qu’il importe, selon Bertaux (1976),«…une vingtainede considŽrer les rŽcits de vie comme pratiques culturelles etd’entrevues ont ŽtŽd’Žviter de centrer uniquement notre rŽflexion sur une vie. CarrŽalisŽes auprs deles rŽcits de vie (Grell, 1986; Houle, 1986) et l’analyse du dis-femmes ‰gŽes de 36 ˆcours apparaissent comme un moyen de saisir la rŽalitŽ vŽcue par79 ans, dispersŽesles femmes franco-manitobaines et qui, ˆ la rigueur, se distinguedu vŽcu des autres femmes Žtant donnŽ le milieu d’origine et lapour la plupart danssituation minoritaire francophone. La collecte des donnŽes rŽ-la VallŽe de la Rivirevle une attitude nouvelle: approcher l’histoire d’individus parRouge au Manitoba etleur petite histoire, celle qui se joue au quotidien et celle d’indi-qui parlent le franais,vidus que l’on pense sans histoire (Le Gall, 1987). C’est l’Žchan-malgrŽ le peu detillonnage boule de neige qui a rendu possibles ces rŽcits de vie. Etservices mŽdicauxpour la recherche rŽcente, et encore inachevŽe, une vingtaineofferts dans leurd’entrevues ont ŽtŽ rŽalisŽes auprs de femmes ‰gŽes de 36 ˆ 79langue maternelle.»ans, dispersŽes pour la plupart dans la VallŽe de la Rivire Rouge96Vol. 1, no 2, automne 1995
Les rŽsultatsVol. 1, no 2, automne 1995Refletsau Manitoba et qui parlent le franais, malgrŽ le peu de servicesmŽdicaux offerts dans leur langue maternelle. Pour la plupartd’entre elles, l’opŽration chirurgicale s’est effectuŽe ˆ l’H™pitalGŽnŽral de Saint-Boniface. Le choix des sujets rencontrŽs porteessentiellement sur la dŽfinition suivante: ce sont des femmesfranco-manitobaines vivant en franais, ayant eu le cancer dusein et subi une mastectomie.Dans l’ensemble, les entrevues en profondeur portent sur plu-sieurs aspects, tels l’expŽrience de la maladie ˆ partir des premierssympt™mes et du diagnostic mŽdical, des types de rŽactions faceˆ la nouvelle, des traitements pour contr™ler la tumeur, durŽajustement face ˆ son nouveau mode de vie et du r™le de laculture religieuse ainsi que sa signification. D’autres questionsmettent en Žvidence les initiatives dŽveloppŽes par rapport auxgroupes de soutien (franais et anglais), le retour possible ˆ lasantŽ, la volontŽ de vaincre son cancer, le temps, l’identitŽ fŽmi-nine et les perceptions par rapport ˆ son corps.Pour des fins pratiques, je prŽsenterai les questions pertinentes ˆla problŽmatique ici ŽtudiŽe, ˆ savoir l’expŽrience de la maladievŽcue par les femmes franco-manitobaines et les initiatives dŽve-lAofpinp Ždees  mdiaenus xl ereurp Žcroerm lmesu snyastutŽm eds aspŽpmaratnetniaqnucees,  lena ccmeilnite sue rrau rmali.sscuorr ples,s  ltah mmaleasd ipe,o rltae uvries , dlee sspeonisr , tleels  rqefuues  lad et elrar ibmloe rtn, olau vfeolil e,e lneDieu, les enfants et la famille.ExpŽrience sociale du cancer du seinLe point de vue des femmes franco-manitobaines a rŽvŽlŽ desŽlŽments clefs sur la manire dont elles s’y prennent pour tra-verser l’expŽrience sociale du cancer du sein. Aux questions:Comment avez-vous rŽagi au diagnostic comme celui du cancer97
Refletsd«iLaogrnsoqsutici,l  cpoesste  lceommesi tout s’Žcroulaitpaluutso udre  dsee ntso i,ˆ  ilt an viye .acLean trme aldae dtiees  daecvtiievin-t le»sŽt89du sein? Comment vivez-vous ou avez-vous vŽcu l’expŽriencede la maladie et quels sont les moyens qui aident ˆ traverser cetteexpŽrience?, plusieurs rŽponses permettent de mieux articulerl’analyse du changement individuel, familial et social vŽcu par lesfemmes rencontrŽes, changement provoquŽ par la venue de lamaladie et confirmŽ officiellement par le diagnostic mŽdical.Soulignons le r™le crucial jouŽ par les mŽdecins dans les ren-contres mŽdecin/patiente, notamment lors de la divulgation dela terrible nouvelle. Dans la relation mŽdecin/malade, on constateque les oncologistes canadiens, dont font Žtat les rŽpondantes,divulguent l’information ˆ leurs patientes en les invitant ˆ parti-ciper activement au processus thŽrapeutique, avec pour effet decrŽer un climat de confiance entre les deux parties et d’instillerl’espoir dans les rŽcits thŽrapeutiques (DelVecchio-Good, 1993).Selon les tŽmoignages des patientes, les oncologistes canadienssemblent dŽvelopper chez elles un sens du moment prŽsent, c’est-ˆ-dire de l’immŽdiatetŽ. Il existe lˆ un contraste rŽel entre ledŽvoilement de la terrible nouvelle (rapport mŽdical qui se rap-porte ˆ son Žtat de santŽ) et l’Žveil du moment (temps) prŽsent.Un tel contraste se mesure en effet dans le discours des femmesfranco-manitobaines.«Du point de vue psychologique, vivre l’expŽriencedu cancer du sein t’amne ˆ l’‰ge de 60 ans, si tu enas seulement 45 ans (…). Tout arrive trs rapide-ment. Tu localises une petite bosse sur un sein et lemŽdecin te confirme la terrible nouvelle. Lorsqu’il posele diagnostic, c’est comme si tout s’Žcroulait autour detoi, il n’y a plus de sens ˆ ta vie. La maladie devientle centre de tes activitŽs (…). Je me disais que celan’Žtait pas possible que je sois rŽellement rendue ˆ cepoint-lˆ dans ma vie (…). Ensuite, tu te retrouves ˆl’h™pital et tu deviens une patiente comme les autres.Tu sens un corps malade (…). Mais rapidement j’aiacceptŽ d’avoir la mastectomie pour tre encore avecmes enfants, ma lueur d’espoir! Mais, pendant tout cetemps (…), on pense beaucoup plus ˆ la mort (…).Vol. 1, no 2, automne 1995
Vol. 1, no 2, automne 1995J’ai eu une dŽpression et mon estime de soi en a prisun coup. Et plus tard, l’acceptation fait partie de toncheminement psychologique (…). Le mŽdecin m’adonnŽ de l’espoir et le courage de me battre. C’estvraiment gr‰ce ˆ l’espoir et ˆ ma foi que j’ai pu m’ac-crocher ˆ la vie (…). Deux ans aprs la mastectomie,j’ai eu la reconstruction du sein (…). Le moment passŽavec la maladie m’a beaucoup fait rŽflŽchir (…). Je nevois plus les choses de la mme manire. J’apprends ˆpenser un peu plus ˆ moi (…). J’ai appris ˆ vivre aujour le jour.»RefletsCette jeune femme, nŽe au QuŽbec et vivant au Manitoba depuis20 ans, a prŽcisŽ que sa mre est morte du cancer du sein en1956, ce qui engendre dans sa vie de fille ainsi que dans celle deses frres et soeurs, un dŽsŽquilibre psychologique et social quimarquera sa vie. Son pre, devenu ds lors veuf, prend la dŽci-sion de placer ses enfants dans des foyers d’accueil afin de leurgarantir une meilleure Žducation par des femmes. Ce dŽmŽnage-ment entra”nera chez elle un rŽajustement et gŽnŽrera un senti-ment d’insŽcuritŽ de se savoir ˆ nouveau dŽlaissŽe. Lors del’expŽrience du cancer du sein, la rŽpondante a revŽcu un senti-ment d’insŽcuritŽ et la peur de laisser elle aussi ses trois enfants.«Je voulais donner ˆ mes enfants une stabilitŽ et nepas les faire vivre ce que j’ai vŽcu ˆ leur ‰ge lorsque mamre est morte. Je m’accrochais ˆ la vie. Je voulaisprendre toutes les chances de mon c™tŽ. Je voulais mebattre pour mes enfants et aussi pour moi-mme.»Dans le mme ordre d’idŽes, une autre patiente met l’accent surce besoin de redevenir la femme d’avant, en santŽ, pour ainsireprendre la routine normale et d’accepter sa condition de femme.On dira ici que la santŽ se mesure ˆ partir d’une capacitŽ d’agirdans son milieu et d’accomplir les t‰ches mŽnagres et sociales.«mToiounts  sdee sdti xp ajsosuŽrs , tjellaei maepnptr isv iltae  ndoaunsv ellmeo ent  cjaas.i  eEun99
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents