Naufrage et redressement d'une grande entreprise métallurgique De Dietrich - article ; n°1 ; vol.12, pg 77-92

Michel Hau

Description

Histoire, économie et société - Année 1993 - Volume 12 - Numéro 1 - Pages 77-92
Résumé La firme de Dietrich a gravement souffert des troubles de la période révolutionnaire. Ses difficultés résument celles qu'ont traversées beaucoup d'autres entreprises à la même époque, comme la détérioration des moyens de transports, l'inflation, la pénurie de main-d'œuvre et les disparitions de dirigeants. Sa survie a été rendue possible par un mélange de rigueur gestionnaire, de hardiesse technologique et de fidélité à la tradition familiale.
Abstract The de Dietrich firm suffered heavily from the troubles of the revolutionary period. Her difficulties summarize these of many other enterprises during the same years, like the damages to the carriage means, the inflation, the scarcity of the labour force and the disappearing of the rulers. Her survival was made possible by a mixing of managerial rigour, technological forwardness and faithgumess to the tradition of the famuly.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: HISTOIRE-_ECONOMIE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 1993
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• Langue: Français
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Extrait

Michel Hau
Naufrage et redressement d'une grande entreprise
métallurgique De Dietrich
In: Histoire, économie et société. 1993, 12e année, n°1. pp. 77-92.
Abstract The de Dietrich firm suffered heavily from the troubles of the revolutionary period. Her difficulties summarize these of
many other enterprises during the same years, like the damages to the carriage means, the inflation, the scarcity of the labour
force and the disappearing of the rulers. Her survival was made possible by a mixing of managerial rigour, technological
forwardness and faithgumess to the tradition of the famuly.
Résumé La firme de Dietrich a gravement souffert des troubles de la période révolutionnaire. Ses difficultés résument celles
qu'ont traversées beaucoup d'autres entreprises à la même époque, comme la détérioration des moyens de transports, l'inflation,
la pénurie de main-d'œuvre et les disparitions de dirigeants. Sa survie a été rendue possible par un mélange de rigueur
gestionnaire, de hardiesse technologique et de fidélité à la tradition familiale.
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Hau Michel. Naufrage et redressement d'une grande entreprise métallurgique De Dietrich. In: Histoire, économie et société.
1993, 12e année, n°1. pp. 77-92.
doi : 10.3406/hes.1993.1662
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1993_num_12_1_1662NAUFRAGE ET REDRESSEMENT D'UNE GRANDE
ENTREPRISE MÉTALLURGIQUE : DE DIETRICH
par Michel HAU
Résumé
La firme de Dietrich a gravement souffert des troubles de la période révolutionnaire. Ses
difficultés résument celles qu'ont traversées beaucoup d'autres entreprises à la même époque, comme la
détérioration des moyens de transports, l'inflation, la pénurie de main-d'œuvre et les disparitions de
dirigeants. Sa survie a été rendue possible par un mélange de rigueur gestionnaire, de hardiesse
technologique et de fidélité à la tradition familiale.
Abstract
The de Dietrich firm suffered heavily from the troubles of the revolutionary period. Her
difficulties summarize these of many other enterprises during the same years, like the damages to the
carriage means, the inflation, the scarcity of the labour force and the disappearing of the rulers. Her
survival was made possible by a mixing of managerial rigour, technological forwardness and
faithgumess to the tradition of the famuly.
Les tribulations vécues par la firme de Dietrich après 1789 sont un condensé de
tous les maux qui ont frappé les entreprises françaises sous la Révolution : dégradat
ion des conditions de fonctionnement, inflation, raréfaction de la main-d'œuvre, per
sécution des dirigeants, invasion étrangère, paralysie de l'investissement et perte des
débouchés européens. A quoi il faut ajouter - chose peut-être plus inattendue -
l'évasion des membres des familles des entrepreneurs vers des carrières administrat
ives ou militaires que les événements prodigieux de l'époque paraient d'un lustre ex
ceptionnel.
Si la firme a pu reprendre vigueur après tous ces revers, c'est grâce à trois fac
teurs qui ne se sont rencontrés que rarement ailleurs dans des circonstances analo
gues : le choix résolu effectué par l'un des héritiers en faveur de la restauration de
l'outil industriel aux dépens de tout le reste du patrimoine familial, la bienveillance
d'une partie des créanciers et la personnalité exceptionnelle d'une femme, devenue
chef d'entreprise par son veuvage. 78 HISTOIRE ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ
I - LA DÉGRADATION RAPIDE DE L'ENVIRONNEMENT ÉCONOMIQUE APRES 1789 :
A - Le renchérissement des approvisionnements :
L'éclatement de la Révolution se traduisit, dès l'été 1789, par le déclin de la sur
veillance des forêts et de l'entretien des routes. En butte à l'hostilité des paysans, les
gardes forestiers mirent moins de zèle à faire respecter des règles qui apparaissaient à
beaucoup comme des abus du pouvoir seigneurial. De leur côté, privés depuis 1786
des corvées paysannes et ne disposant pas de fonds suffisants, les ingénieurs des
Ponts et Chaussées ne purent plus faire face aux besoins d'entretien les plus
élémentaires. Pour la sidérurgie, cette situation entraîna dès 1790 le renchérissement
du charbon de bois et des difficultés d'approvisionnement en minerai de fer.
A partir de ce moment, le crédit des Dietrich commença à être ébranlé. Frédéric
avait emprunté en 1786 à son beau-frère Peter Ochs un peu plus de cent mille livres
tournois. En 1 79 1, la famille Ochs commença à exercer des pressions sur Peter pour
qu'il se fît rembourser. Il fallut toutes les supplications de sa sœur Sibylle, épouse de
Frédéric, pour qu'il se contentât d'un modeste acompte, qui fut présenté au reste de la
famille bâloise comme un premier remboursement1.
8 - Les effets de la guerre :
L'instauration de l'état de guerre eut d'importantes répercussions dans cette ré
gion toute proche de la frontière. A partir d'avril 1792, elle fut parcourue par de lourds
convois militaires qui infligèrent de gros dégâts au réseau routier et provoquèrent la
raréfaction des animaux de trait, réquisitionnés en grand nombre. La cherté du blé et la
dépréciation des assignats avaient commencé à rendre plus difficile le recrutement de
salariés. Cette pénurie de main-d'œuvre fut sensiblement aggravée par les engage
ments dans l'armée à partir de juin 1792, après que la Patrie eut été déclarée en dan
ger. Par la suite, la Convention eut bien soin d'exonérer les ouvriers sidérurgistes de
la levée en masse et des diverses mesures de mobilisation, mais elle n'alla pas jusqu'à
leur interdire de se porter volontaires. Souvent très qualifiée, la main-d'œuvre des
forges et des fonderies était très difficilement remplaçable et le manque d'ouvriers fut,
tout au long de la période révolutionnaire, un frein à l'activité de beaucoup
d'entreprises, en Alsace comme dans tout le reste de la France. Les arsenaux accrurent
massivement leurs commandes de boulets auprès de la firme de Dietrich, mais celle-ci
ne put en honorer qu'une partie.
L'invasion de 1793 aggrava encore la situation. La contre-offensive ennemie,
stimulée par la constitution de la «coalition générale» entraîna la chute de Mayence le
23 juillet et le repli des troupes françaises sur le nord de l'Alsace. Le 13 octobre, les
Autrichiens entrèrent à Wissembourg et forcèrent l'armée du Rhin à se retirer vers
Strasbourg. Des déprédations furent infligées à cette occasion aux usines de Dietrich et
au château de Reichshoffen2. Obligées de supporter intégralement le poids du ravitai
llement des armées, les campagnes étaient au bord de la famine. En décembre 1793,
renforcées par la levée en masse, les armées françaises repassèrent à l'offensive. Le NAUFRAGE ET REDRESSEMENT D'UNE GRANDE ENTREPRISE 79
27 décembre, elles reprenaient Wissembourg. Cest alors que, craignant la Terreur ja
cobine, trente mille artisans et paysans d'Alsace du Nord s'enfuirent sur la rive droite
du Rhin avec l'armée autrichienne. Cet épisode de l'histoire d'Alsace est resté célèbre
sous le nom de la «Grande Fuite». Il contribua encore à aggraver la pénurie de main-
d'œuvre aux usines ci-devant de Dietrich.
II - L'ENTREPRISE PRIVÉE DE DIRIGEANTS
A - L'exécution de Philippe Frédéric de Dietrich :
Après la prise des Tuileries, en août 1792, la firme de Dietrich fut frappée à la tête
par l'arrestation du seul dirigeant capable de succéder à Jean III de Dietrich, alors âgé
de 73 ans : son fils cadet Philippe Frédéric de Dietrich.
Ce dernier s'était révélé particulièrement doué pour les études et c'est lui que Jean
III avait préparé à diriger l'entreprise, tandis qu'il orientait son aîné vers la carrière
militaire3. Passionné par les sciences, Philippe Frédéric était entré en relation avec
tous les grands minéralogistes de son temps et avait entretenu avec eux une corre
spondance abondante. Il avait constitué une bibliothèque très riche, réalisé des expé
riences dans les usines de son père, et publié des