Newton. Considérations sur l homme et son œuvre. - article ; n°4 ; vol.6, pg 289-307
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Newton. Considérations sur l'homme et son œuvre. - article ; n°4 ; vol.6, pg 289-307

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Description

Revue d'histoire des sciences et de leurs applications - Année 1953 - Volume 6 - Numéro 4 - Pages 289-307
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1953
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

E. N. Da C. ANDRADE, F. R. S.
Newton. Considérations sur l'homme et son œuvre.
In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1953, Tome 6 n°4. pp. 289-307.
Citer ce document / Cite this document :
E. N. Da C. ANDRADE, F. R. S. Newton. Considérations sur l'homme et son œuvre. In: Revue d'histoire des sciences et de
leurs applications. 1953, Tome 6 n°4. pp. 289-307.
doi : 10.3406/rhs.1953.3082
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1953_num_6_4_3082Newton
Considérations sur l'homme et son œuvre <*>
De temps à autre, dans l'histoire de l'humanité, un homme
surgit, dont l'influence est universelle et dont les travaux changent
le cours de la pensée ou de l'expérience humaine, de telle sorte
que tout ce qui vient après lui porte la marque de son esprit.
Tel fut Shakespeare, tel fut Beethoven, tel fut Newton, et de ces
trois grands hommes, c'est l'emprise de Newton qui fut la plus
étendue. La grandeur d'un poète ne peut être pleinement reconnue
que par ceux qui connaissent bien sa propre langue. On peut le
traduire, mais la traduction diminue sa gloire. Le musicien aussi
s'exprime dans un langage qui a ses limites : la musique de l'Occident
signifie peu de chose pour l'Orient. Aujourd'hui, c'est la science
qui est la seule culture universelle ; le langage de la science est
compris par les initiés dans tous les coins du monde, et les grands
maîtres de la Science sont révérés de tous les penseurs, partout où
l'on tient pour désirable la poursuite du savoir. De son temps
même, les découvertes, les triomphes de Newton furent célébrés
par toute l'Europe civilisée. En 1946, au moment où la Royal
Society commémorait le tricentenaire de sa naissance — cérémonie
retardée à cause de la guerre — de grands savants venus de toutes
les parties du monde civilisé assistaient à cette célébration.
M. Hadamard, par exemple, l'un des huit savants qui représentaient
la France, a fait une conférence remarquable sur Newton et le
calcul infinitésimal.
(*) Conférence faite à la Sorbonně, le 20 mai 1953, sous les auspices de la Faculté des
Sciences de l'Université de Paris. Ce texte donne l'essentiel des deux discours qu'a pro
noncés le Pr E. N. da C. Andrade pour le tricentenaire de Newton : « Newton », extrait
de The Royal Society Newton Cenienary Celebrations, 15-19 july 1946, pp. 3-23, et« Newton
and the Science of his age », in Proceedings of the Royal Society of London, Series A, vol. 181
{6 may 1943), pp. 227-243. Nous tenons à remercier la Royal Society d'avoir bien voulu
nous prêter les clichés qui illustrent cet article. (N. D. L. R.)
T. VI. — 1953 19 290 revue d'histoire des sciences
Isaac Newton naquit le jour de Noël 1642, dans le petit
hameau de Woolsthorpe, près de Grantham dans le Lincolnshire.
Woolsthorpe est à environ 100 kilomètres au nord de Cambridge,
elle-même à près de 90 kilomètres au nord de Londres : la vie de
Newton fut partagée entre ces trois localités. Il n'a jamais quitté
l'Angleterre pour voyager en Europe, comme l'ont fait Boyle et
d'autres savants contemporains.
Newton n'était pas une de ces figures précoces, promises au
génie dès l'âge scolaire comme Biaise Pascal ou Évariste Galois.
Par le peu que nous en savons, il semble qu'il fut un bon élève, dans
ses dernières années d'école. Il est clair qu'il aimait construire des
modèles, des cadrans solaires et autres choses du même genre,
comme aussi copier des dessins ou des extraits de livres. Les vers
qu/on lui a attribués étaient des transcriptions. Les notes copieuses
sur le dessin et la peinture, réunies dans un cahier, étaient tirées
du livre de John Bate, Mysteries of Art and Nature (1), dans lequel
on trouve une description et une gravure d'une clepsydre qui
correspond bien à celle que Newton, rapporte Stukeley, a faite. Il
est donc bien constaté que Newton était très habile de ses mains,
dans son jeune âge comme à l'âge mûr, mais je ne pense pas qu'on
puisse dire qu'il ait montré plus de génie, comme enfant, que des
milliers d'autres garçons à l'esprit hanté de mécanique.
Ainsi Newton s'acquitta assez bien de son métier d'écolier,
mais il avait peu de goût pour celui de fermier. C'est pourquoi on
l'envoya à l'Université de Cambridge, en 1661. Il y passa les deux
premières années à лpprendre les mathématiques qu'on enseignait
de son temps.
Voyons donc sommairement quel était à cette époque l'état des
sciences. Pendant des siècles, tous ceux qui cherchaient à connaître
les secrets de la nature avaient trouvé les réponses à leurs questions
dans les ouvrages d'Aristote et des autres grands philosophes des
temps classiques. Aristote était le maître suprême. Un savant ne
pensait pas à faire des expériences, ni à interroger la nature elle-
même. Les bases du savoir reposaient sur des idées philosophiques
d'où l'on devait pouvoir dériver, par voie de raisonnement, tout ce
qui concerne le monde qui nous entoure. A l'époque de la jeunesse
de Newton, l'autorité d'Aristote avait déjà été sapée par des hommes
tels que Galilée, Gilbert et Pascal, mais la plupart des savants
(1) 2e éd., London, 1635, 3e éd. avec nombreuses additions. London, 1654. CONSIDÉRATIONS SUR L'HOMME ET SON ŒUVRE 291 NEWTON,
mettaient toujours leur foi dans les philosophes de l'Antiquité.
Parmi les grandes figures des sciences exactes qui avaient
déjà apparu à ce moment, citons : Copernic, Tycho-Brahé, Kepler,
Gilbert, Galilée et Descartes. Kepler, suivant ses grands devanciers,
particulièrement Tycho-Brahé, avait énoncé les vraies lois du mou
vement des planètes, qui devaient être expliquées par Newton. Dans
ses premiers écrits, les opinions de Kepler relatives au mécanisme
des mouvements planétaires étaient très largement mystiques,
étant fondées sur les propriétés parfaites des 5 polyèdres réguliers
— octaèdre, icosaèdre, dodécaèdre, tétraèdre, cube — et sur certains
esprits moteurs, animae motrices. Kepler croyait qu'un corps ne
pouvait pas se mouvoir en l'absence d'une force qui le pousse ou
le tire. Ignorant les lois de la mécanique, il a construit un bon
« horaire » pour les planètes, travail digne de tout éloge, mais il ne
savait pourquoi elles se conformaient à cet « horaire ».
Du temps où Newton était étudiant, le grand maître de la
pensée scientifique était Descartes, mort en 1650. Descartes prend
comme point de départ, dans l'esprit des penseurs médiévaux,
certains principes philosophiques généraux concernant l'extension
et le mouvement. La conséquence directe de ces principes fut sa
théorie des tourbillons, circulation de particules très fines qui
entraînaient les planètes et d'autres corps célestes. Descartes a
blâmé Galilée d'avoir établi sa mécanique sur des faits d'expériences
et non sur la philosophie des causes premières. Le point de vue de
Newton était exactement opposé à celui-là. Il ne se mêlait pas de
causes premières, lui qui écrivait dans les fameuses lettres à Bentley :
« car la cause de la gravitation est ce que je ne prétends pas
connaître » ou bien « la doit être causée par un agent
qui agit constamment selon certaines lois, mais savoir si cet
est matériel ou immatériel, je le laisse à l'appréciation de mes lec
teurs » (1). C'est que pour Newton, la science devait essayer de
résoudre la question « Comment ? », alors que Descartes, comme les
Anciens, voulait savoir « Pourquoi ? ».
Certes Descartes est une des plus grandes intelligences que nous
ayons connues, mais sa mécanique céleste est une fantaisie imagée,
( 1 ) « For the cause of gravity is what I do not pretend to know » (Letter 1 1). « Gravity
must be caused by an agent acting constantly according to certain laws, but whether
this agent be material or immaterial I have left to the consideration of my readers »
(Letter III). — Les lettres à Bentley sont publiées in Isaaci Newtoni Opera quae exslant
omnia, éd. par Samuel Horsley, London, 1779-85, vol. IV, p. 429. 292 revue d'histoire

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