On ne badine pas avec la force - article ; n°6 ; vol.21, pg 1207-1233
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Revue française de science politique - Année 1971 - Volume 21 - Numéro 6 - Pages 1207-1233
You cannot play with force, by Pierre Hassner
In the early sixties, the arms control school had tried to chart a third way, starting from nuclear strategy, between pacifism and militarism. It had stressed the importance of the political control of military force and of its deterrent use. Since then, a new polarization has occured, partly as a result of events like the Vietnam war or of trends like the increase in civil violence. Strategists like T. Schelling went from the notion of nuclear deterrence to that of compellence, or to thinking about the actual and positive or offensive use of force. On the other hand they were attacked more and more violently by the peace research school. The strategists made, by and large, a positive and essential contribution as long as they were dealing with deterrence and with the nuclear balance, but that their role was disastruous when they tried to deal with the actual use of force. But they and their critics do have too an abstract (whether technical or romantic) view of force, and don't try enough to integrate it within an historical and a moral framework.
[Revue française de science politique XXI (6), décembre 1971, pp. 1207-1233]
On ne badine pas avec la force, par Pierre Hassner
Au début des années soixante, l'école américaine de l'Arms control, ou maîtrise des armements s'était, en partant de la stratégie nucléaire, efforcée de dégager une troisième voie entre le pacifisme et le militarisme, en mettant l'accent sur le contrôle politique de la force militaire et sur son usage dissuasif. Depuis, une nouvelle polarisation s'est produite, qui résulte en grande partie de l'évolution historique : guerre du Vietnam, violence sociale à l'intérieur des pays. D'une part les stratèges, comme Schelling, sont passés de l'idée de dissuasion nucléaire à une réflexion sur l'usage effectif et offensif de la force. D'autre part ils ont été attaqués de plus en plus violemment par l'école dite de la peace research (ou recherches sur la paix). La contribution de l'école stratégique a été, dans l'ensemble, positive et précieuse tant qu'il s'est agi de dissuasion et d'équilibre nucléaire, mais désastreuse quand il s'est agi de passer à l'emploi effectif de la force. On reprochera aux stratèges comme à leurs critiques d'avoir une conception trop abstraite (qu'elle soit technique ou romantique) de la force, et de ne pas la replacer suffisamment dans le cadre d'une analyse de l'évolution historique et dans celui d'une réflexion morale.
[Revue française de science politique XXI (6), décembre 1971, pp. 1207-1233]
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Pierre Hassner
On ne badine pas avec la force
In: Revue française de science politique, 21e année, n°6, 1971. pp. 1207-1233.
Citer ce document / Cite this document :
Hassner Pierre. On ne badine pas avec la force. In: Revue française de science politique, 21e année, n°6, 1971. pp. 1207-
1233.
doi : 10.3406/rfsp.1971.393334
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1971_num_21_6_393334Abstract
You cannot play with force, by Pierre Hassner
In the early sixties, the "arms control" school had tried to chart a third way, starting from nuclear
strategy, between pacifism and militarism. It had stressed the importance of the political control of
military force and of its deterrent use. Since then, a new polarization has occured, partly as a result of
events like the Vietnam war or of trends like the increase in civil violence. Strategists like T. Schelling
went from the notion of nuclear deterrence to that of compellence, or to thinking about the actual and
positive or offensive use of force. On the other hand they were attacked more and more violently by the
"peace research" school. The strategists made, by and large, a positive and essential contribution as
long as they were dealing with deterrence and with the nuclear balance, but that their role was
disastruous when they tried to deal with the actual use of force. But they and their critics do have too an
abstract (whether technical or romantic) view of force, and don't try enough to integrate it within an
historical and a moral framework.
[Revue française de science politique XXI (6), décembre 1971, pp. 1207-1233]
Résumé
On ne badine pas avec la force, par Pierre Hassner
Au début des années soixante, l'école américaine de l'Arms control, ou maîtrise des armements s'était,
en partant de la stratégie nucléaire, efforcée de dégager une troisième voie entre le pacifisme et le
militarisme, en mettant l'accent sur le contrôle politique de la force militaire et sur son usage dissuasif.
Depuis, une nouvelle polarisation s'est produite, qui résulte en grande partie de l'évolution historique :
guerre du Vietnam, violence sociale à l'intérieur des pays. D'une part les stratèges, comme Schelling,
sont passés de l'idée de dissuasion nucléaire à une réflexion sur l'usage effectif et offensif de la force.
D'autre part ils ont été attaqués de plus en plus violemment par l'école dite de la peace research (ou
recherches sur la paix). La contribution de l'école stratégique a été, dans l'ensemble, positive et
précieuse tant qu'il s'est agi de dissuasion et d'équilibre nucléaire, mais désastreuse quand il s'est agi
de passer à l'emploi effectif de la force. On reprochera aux stratèges comme à leurs critiques d'avoir
une conception trop abstraite (qu'elle soit technique ou romantique) de la force, et de ne pas la replacer
suffisamment dans le cadre d'une analyse de l'évolution historique et dans celui d'une réflexion morale.
[Revue française de science politique XXI (6), décembre 1971, pp. 1207-1233]ON NE BADINE PAS AVEC LA FORCE
PIERRE HASSNER
N réfléchissant sur la marche des choses humaines, dit Ma-
chiavel, j'estime que le monde demeure dans le même état où
il a été de tout temps, qu'il y a toujours la même somme de
bien, la même somme de mal ; mais que ce mal et ce bien ne font
que parcourir les divers lieux, les diverses contrées » 1.
A observer les manifestations de la violence dans le monde on est
tenté de souscrire à ce jugement, en l'étendant du domaine géographique
à celui des différentes formes de la vie sociale : si la virtù de Machiavel
émigrait d'Assyrie en Médie, de Perse en Italie, la violence, aujourd'hui,
semblerait non seulement voyager d'Europe en Asie ou en Afrique, ou
revenir vers les continents développés, mais revêtir en chemin les formes
les plus diverses, tantôt brutale, tantôt subtile, tantôt explosive, tantôt
contrôlée, tantôt romantique, tantôt cynique, et trouver son terrain
d'élection dans les guerres, dans les révolutions, tantôt dans
les Etats, tantôt les sociétés, tantôt dans les groupes,
les individus.
Ces déplacements dépendent-ils du hasard, de cycles réguliers mais
incontrôlables, ou des précautions et des actions des hommes ? Machiavel
attribue une part égale à la virtù et à la fortune. Il compare celle-ci à
« l'une de ces rivières, coutumières de déborder, lesquelles se courrou
çant noient à Fentour les plaines, détruisent les arbres et les maisons,
dérobent d'un côté de la terre pour en donner autre part ; chacun fuit
devant elles, tout le monde cède à leur fureur sans y pouvoir mettre
rempart aucun. Et bien qu'elles soient aussi furieuses en quelque saison,
pourtant les hommes, quand le temps est paisible, ne laissent pas d'avoir
la liberté d'y pourvoir et par remparts et par levées, de sorte que si elles
croissent une autre fois, ou elles se dégorgeraient par un canal, ou leur
1. Discours sur la première décade de Tite-Live, Livre second, Avant-propos, Paris,
Gallimard, La Pléiade, p. 510.
1207 Pierre Hassner
fureur n'aurait point si grande licence et ne serait point si ruineuse. Ainsi
en est-il de la fortune laquelle démontre sa puissance aux endroits où il
n'y a point de force dressée pour lui résister, et tourne ses assauts au lieu
où elle sait bien qu'il n'y a point rempart ni levée pour lui tenir tête » 2.
Ce texte s'applique triplement aux problèmes actuels de la violence
et de la pensée politico-stratégique qui s'en occupe. Premièrement, on
peut y rattacher l'idée que la somme de conflit violent, en puissance ou
en acte, reste constante, que la quasi-impossibilité des guerres nucléaires
rend alors probables les guerres classiques, que le déclin des guerres
inter-étatiques rend plus probables les guerres civiles, que le déclin des
conflits sociaux rendrait probable la recrudescence de la violence indi
viduelle 3.
Deuxièmement, on peut en tirer la conclusion qu'il ne s'agit ni de
supprimer la violence ni, pour autant, de l'approuver ou de l'encourager,
mais qu'il s'agit d'en prévenir autant que possible l'éclatement et d'en
limiter autant que possible l'ampleur, d'en contrôler autant que possible
le cours et d'en réparer autant que possible les effets lorsqu'elle se
produit.
Enfin et surtout, on peut — et c'est le propos de cette chronique
— voir la dialectique des deux idées précédentes s'exercer dans l'évo
lution non seulement des comportements mais des attitudes, non seul
ement de la réalité mais de la conscience, non seulement de l'histoire
mais de la théorie. L'idée du contrôle de la force, de la limitation de
la violence, et de la collaboration, institutionnelle ou tacite, entre
adversaires à cet effet, semble elle-même avoir une fortune cyclique.
Issue de la prise de conscience du double échec de la pensée dogmat
ique, militariste ou pacifiste, du caractère inacceptable de la guerre
nucléaire et du caractère inaccessible du désarmement intégral, elle est
périodiquement battue en brèche par le retour en force de Yubris pro-
méthéenne, celle des techniciens sans âme ou des prophètes sans cervelle
cédant aux mirages de la puissance illimitée ou de la révolte totale.
A leur tour, les excès et les échecs de l'une ou de l'autre, quand elles
ne se renforcent pas mutuellement, suscitent leurs contraires : de l'a
ctivisme illimité et violent on passe au refus de l'action même limitée et
politique. Et tout est à recommencer. Tout, c'est-à-dire une réflexion
à la fois politique et historique qui puisse se dépasser elle-même pour
regarder en face à la fois les impératifs et les obstacles de la morale
et ceux de la stratégie.
2. Le Prince, ch. 25 : « Combien peut la fortune dans les choses humaines, et comme
on y peut faire tête », Paris, La Pléiade, p. 365.
3. Cf. Galtung (John), « Conflict as a way of life », New Society, juin 1969, et
Liska (G.), War and order, Baltimore (Md.), The Johns Hopkins Press, 1968.
1208 ne badine pas avec la force On
A examiner, comme nous l'avons fait périodiquement4, l'évolution
des discussions théoriques en ce domaine, on ne peut qu'être découragé
en voyant, au cours des dix dernières années, les arms

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