Au seuil de la métaphysique : abstraction ou intuition (suite et fin) - article ; n°23 ; vol.31, pg 309-342
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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1929 - Volume 31 - Numéro 23 - Pages 309-342
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Publié le 01 janvier 1929
Nombre de lectures 26
Langue Français
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Extrait

Joseph Maréchal
Au seuil de la métaphysique : abstraction ou intuition (suite et
fin)
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 31° année, Deuxième série, N°23, 1929. pp. 309-342.
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Maréchal Joseph. Au seuil de la métaphysique : abstraction ou intuition (suite et fin). In: Revue néo-scolastique de philosophie.
31° année, Deuxième série, N°23, 1929. pp. 309-342.
doi : 10.3406/phlou.1929.2545
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1929_num_31_23_2545XII
AU SEUIL DE LA METAPHYSIQUE:
ABSTRACTION OU INTUITION
(Suite et finf)
III. — Essai de solution.
Vous aurez remarqué, Messieurs, qu'au cours des deux
Leçons précédentes, notre problème a trouvé déjà une
formule précise, permettant, si nous le voulions, de le
traiter désormais « more geometrico » . Pour des raisons
qui se devinent, j'éviterai autant que possible l'austère
méthode spinozienne, qui ne serait guère de mise dans
une conférence. Je vous dois d'autant plus l'expression
rassurante de ce bon propos, qu'il faudra nécessairement
ouvrir notre entretien, ce soir, par le relevé un peu sec
des présuppositions et des données de la question qui nous
reste à traiter.
I
Devant l'impuissance des solutions empiristes à rejoindre
quelque nécessité rationnelle que ce soit ; devant l'impossib
ilité, pour les solutions intuitionnistes ou ontologistes,
*) Voir Revue Néo-Scolastique de Philosophie, février 1929, pp. 27-52, çt mai
1929, pp. 121-147. 310 J. Maréchal
d'expliquer la nature et le rôle de l'expérience contin
gente ; devant les insuffisances presque avouées de cer
taines théories scolastiques de l'abstraction, qui arborent
Aristote sans renoncer assez à Platon ; — devant toutes
ces voies bloquées, il ne nous restait plus qu'une direction
à explorer : celle de l'aristotélisme franc, adopté et déve
loppé dans la philosophie thomiste. Serait-ce enfin la solu
tion cherchée ?
Nous avons défini quelques conditions générales aux
quelles devait satisfaire cette solution ; c'étaient : premiè
rement, l'absence, en notre intelligence, de toute idée à
priori, c'est-à-dire de tout intelligible, soit virtuel, soit
actuel, qui ne dépendît point, logiquement et psycholo
giquement, d'une abstraction effectuée sur un contenu
d'expérience ; — deuxièmement, l'absence de tout « intel
ligible en acte » (de toute idée pure) dans l'objet primitif
de nos intellections, l'objet d'expérience, tel qu'il nous est
offert par la sensibilité ; — troisièmement, l'existence,
dans la faculté intellective, d'un certain à priori non-intuit
if, c'est-à-dire de conditions capables de conférer l'intel
ligibilité actuelle au contenu sensible, qui n'est intelligible
qu'en puissance ; — enfin, quatrièmement, dans cette
investiture métempirique même et moyennant référence
implicite à l'Etre absolu, la collation, à l'intelligible ainsi
constitué, des propriétés logiques d'un « objet en soi ».
Cette dernière condition, si elle était réalisable, ferait
droit, dans le cadre de l'aristotélisme traditionnel, aux
exigences méthodologiques de la philosophie critique, qui
demande, pour admettre la valeur objective de l'a priori,
une déduction de cet à priori à partir de l'objet d'expé
rience. Sans doute, ce ne serait point encore, entre nos
adversaires et nous, l'accord parfait, mais du moins la
$érie des malentendus regrettables se trouverait abrégée. Abstraction ou intuition 311
II
Puisque nous sommes ici entre thomistes, cherchons
d'abord dans notre tradition d'école les éléments généraux
susceptibles de concourir à la solution du problème. Nous
verrons ensuite à leur trouver une forme d'équilibre satis
faisant aux desiderata rappelés plus haut.
Devant un autre auditoire, j'hésiterais à présenter la
quintessence précieuse de la doctrine thomiste de l'abstrac
tion dans les fioles en verre de Venise, aux étiquettes
chargées de cursives gothiques, qui la renferment à notre
usage depuis des siècles. Pour beaucoup de nos contemp
orains, le vase fait tort à la liqueur : les vocables désuets
d'intellect -agent ou possible, de phantasme, d'intelligible
en acte ou en puissance, d'espèce impresse ou expresse,
rebutent leur imagination, et leur paraissent d'ailleurs
inséparablement liés à des problèmes qui ont cessé de se
poser. Cette impression fâcheuse repose, dois-je le dire,
sur une erreur de fait. Quoi qu'il en soit des questions de
vocabulaire, dont il ne faut pas exagérer l'importance, on
peut aisément se convaincre, à l'expérience, que les pro
blèmes posés (formellement ou entre les lignes) par l'idéo-
génèse thomiste, restent de la plus brûlante actualité.
C'est dans le sentiment d'accomplir tout autre chose qu'un
rite commémoratif, que je vais, après tant d'autres, ouvrir
le respectable bahut médiéval, pour en tirer, telles quelles,
les pièces robustes dont nous pourrons faire usage.
Au moment de l'appréhension intellectuelle d'un objet,
nous trouvons essentiellement en présence, disent les Sco-
lastiques, d'une part une « intelligence en acte premier » l),
et d'autre part un objet concret, * intelligible en puis-
1) Songeant à quelques lecteurs, auxquels la terminologie scolastique est
moins familière, je me permets de rappeler qu'une « puissance operative », ou
une < faculté », est dite en < acte premier », préalablement à son opération, qui
constitue son < acte second ». 312 J. Maréchal
sance », offert sous les espèces d'un phantasme, d'une
image sensible.
Pour que l'intellection s'effectue, il faut que l'intellect
passe à l'acte second, et que l'intelligible en puissance
devienne intelligible en acte ; et cela, de telle manière
que l'intellect en acte et l'intelligible en acte coïncident
dans l'unité d'une opération immanente : intellectus in
actu et intelligibile in actu sunt idem.
Nous allons examiner l'un après l'autre les divers él
éments impliqués dans ce classique et nécessaire état de la
question.
L'intelligence. Elle est d'abord en puissance de déter
minations intelligibles ; non en pure puissance, toutefois,
mais en « acte premier », comme L'est une faculté qui,
dans sa passivité même, ne laisse pas d'être principe d'ac
tivité. Etant un acte premier, en puissance réelle d'intel
ligibles extérieurs, elle ne demeure point indifférente vis-
à-vis de ces intelligibles : elle est, par nature, ordonnée
à eux, en tension vers eux ; disons qu'elle est tendance
radicale à les posséder. Saint Thomas met un « appétit
naturel » au cœur de toute faculté, même spéculative. On
peut donc parler d'un dynamisme intellectuel. Cela n'est
pas plus choquant que d'appeler l'intelligence une « puis
sance operative » , une « potentia praedicamentalis » : « po-
tentia » se dit en grec, je pense, Sûvajuç, expression qui ne
signifie pas primitivement « pure passivité indéterminée » .
Que, maintenant, des intelligibles soient fournis à l'i
ntelligence en tension, et l'acte second, l'intellection, jaillira
comme une étincelle : la tendance naturelle, bandée dans
l'acte premier, entrera en exercice, par actuation, au moins
partielle, de sa « potentialité ». Loin de n'être qu'un reflet
passif du dehors, l'intellection présente donc les caractères
les plus décisifs d'une activité qui s'éploie : activité d'acca
parement, certes, d'abord, non de production.
Mais tout agent agit pour une fin, et avant tout pour
une fin dernière : finis est primum in or dîne intentionis. Abstraction et intuition 313
La fin propre d'une faculté se mesure à l'objet formel de
cette faculté ; or l'objet formel total de l'intelligence, Yens
qua ens, s'étend au delà de toute limitation concevable ;
pareillement donc, la fin dernière de l'activité intellec
tue

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