De la notion de philosophie chrétienne - article ; n°34 ; vol.34, pg 153-186
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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1932 - Volume 34 - Numéro 34 - Pages 153-186
34 pages

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Publié le 01 janvier 1932
Nombre de lectures 44
Langue Français
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Extrait

Jacques Maritain
De la notion de philosophie chrétienne
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 34° année, Deuxième série, N°34, 1932. pp. 153-186.
Citer ce document / Cite this document :
Maritain Jacques. De la notion de philosophie chrétienne. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 34° année, Deuxième
série, N°34, 1932. pp. 153-186.
doi : 10.3406/phlou.1932.2654
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1932_num_34_34_2654vin
De la notion
de philosophie chrétienne*)
I
1 . Sous des formes et à des degrés très variés, un certain
courant de pensée, dont on rencontre des représentants à
presque toutes les époques de l'histoire chrétienne, et dont
l'origine remonte très loin dans le passé, — on pourrait dire
jusqu'à la sagesse toute sacrée d'Israël, — tend à refuser à
la sagesse humaine, à la philosophie, un caractère d'auto
nomie à l'égard de la foi religieuse; on estime alors que la
philosophie, pour autant qu'elle est une doctrine de vérité,
requiert de soi la foi chrétienne, ou du moins quelque anti
cipation de la vie de foi, ou quelque orientation positive vers
cette vie, et qu'au surplus la distinction d'une sagesse pure
ment naturelle et d'une sagesse du Saint-Esprit est une sorte
de blasphème; certains penseurs russes estiment de leur côté
que l'avènement de la foi dans l'homme change la philo
sophie dans son essence même, lui confère une nouvelle
nature, de nouveaux principes, une nouvelle lumière propre.
Une autre tradition, au contraire, s'inspire plutôt de la
Minerve hellénique. Les rationalistes, et même certains néo-
*) Ces pages sont, avec quelques additions, le texte d'une conférence pro
noncée à l'Université de Louvain en décembre t93I, et où nous reprenions et
développions une communication faite en mars 1931 à la Société française de
Philosophie. I 54 Jacques Mariiaïn
thomistes, jugent que la philosophie, étant distincte de la foi,
h*a rien à voir avec celle-ci, sinon d'une façon tout extrin
sèque, en sorte que la notion de philosophie chrétienne est
une notion non seulement complexe, mais bâtarde, et qui ne
peut soutenir l'analyse. Beaucoup, s'ils ne le disent pas, sem
blent bien conduire leur pensée comme si il en était ainsi.
Le pire est que les uns et les autres semblent avoir raison
dans ce qu'ils reprochent à leurs adversaires, ce qui ne suffit
pas pour aient raison absolument parlant, mais ce qui
suffit à jeter l'esprit dès l'abord dans un certain embarras.
M. E. Gilson a récemment donné à ce débat une impul
sion vigoureuse, et posé la .question de la façon la plus
nette J). Il n'a pas seulement posé la question, il en a apporté
une précieuse elucidation historique dans son ouvrage L'esp
rit de la Philosophie Médiévale. Marquons ici dès mainte
nant notre accord foncier avec lui. Mais tandis qu'il s'est
délibérément placé au point de vue de l'histoire, ce sont les
éléments d'une solution d'ordre doctrinal que nous voudrions
essayer de rassembler.
2. Un autre historien de la philosophie, M. Emile Bré-
hier, s'est aussi occupé du même problème. Son étude 2) ne
manque ni d'intérêt ni de vigueur, toutefois elle se donne
des choses une vue si sommaire qu'elle reste presque
constamment hors de la question. Redoutant les concepts
« fixes » et les « choses toutes faites », l'auteur ne veut rien
savoir de ce que sont en soi-même philosophie et christi
anisme, et interroge l'histoire. Mais de quelle arbitraire façon !
Ce n'est pas l'histoire qui répond qu'il n'y a pas de philo
sophie chrétienne, et qu'a on ne peut pas plus parler d'une
philosophie chrétienne que d'une mathématique chrétienne
'\ Cf. Bulletin de la Société française de Philosophie, mars-juin 1931.
s) « Y a-t-il une Philosophie chrétienne », Revue de Métaph. et de Morale,
avril-juin 1931. Cf. son intervention à la .séance de la Société de Philosophie,
Bulletin cité ci-dessus. la notion de philosophie chrétienne 1 55 De
ou d'une physique chrétienne ». Même si les choses s'étaient
passées (ce que nous sommes très loin d'accorder) comme il
se les représente, c'est-à-dire si l'on avait vu une série d'essais
de philosophie chrétienne échouer successivement, depuis
saint Augustin jusqu'à M. Blondel, ces essais n'en auraient
pas moins existé, et marqué de leur empreinte la pensée
occidentale : depuis quand l'histoire n'accorde-t-elle de réalité
qu'aux synthèses réussies? Et quels sont les systèmes qui ne
se résorbent pas finalement en autre chose qu'eux? Une seule
doctrine se targue d'être perdurable, et c'est justement celle
dont M. Bréhier est le moins disposé à reconnaître la valeur.
Il semble que de nos jours un critère nouveau, dû à une sorte
de Schwàrmerei rationaliste, s'introduise au sein de l'histo-
ricisme lui-même, et réserve le privilège de l'existence histo
rique à cela seul dont les préjugés de l'historien ont approuvé
les mérites et la solidité. . *->*•''- "
Mais surtout, et c'est ce qu'il convient principalement
de faire observer, les instruments de discernement employés
par M. Bréhier, et qui se bornent au repérage de grosses
apparences matérielles, ont une portée et une précision beau
coup trop faibles pour permettre de juger de l'influence
exercée sur le régime de la pensée rationnelle par une doctrine
et une vie qui transcendent toute philosophie *). j
II apparaît au surplus qu'il se représente lui-même (bien
qu'il redoute les concepts « tout faits ») la religion comme
') « Le triage que M. Bréhier opère à la grosse chez un saint Augustin entre
sa philosophie (« celle de Platon et de Plotin ») et sa foi chrétienne, donne uni
quement le sentiment que cet historien dont nul ne conteste le savoir et la probité
est parfaitement incapable de pénétrer dans une doctrine où précisément les él
éments que son analyse dissocie sont intimement fondus. M. Gilson qui commun
ique au contraire par le dedans avec l'augustinisme a fait l'effort le plus remar
quable pour montrer comment chez les, grands docteurs et surtout peut-être chez
saint Thomas les notions empruntées à la philosophie grecque sont affectées" d'un
indice radicalement nouveau qui en modifie profondément la nature. En procédant
simplement à des inventaires, en confrontant isolément des termes, beaucoup plutôt
que des idées, on ne peut espérer atteindre à cette vérité vivante qui, même et
peut-être avant tout pour le philosophe, est la seule qui importe ». Gabriel MARCEL,
* ~ Nouvelle Revue des Jeunes, 15 mars 1932.Jacques Maritain 156
quelque chose d'étranger par nature à l'intellectualité, et que
cette opinion privée n'est pas sans répandre sa lumière sur
toute sa discussion. Enfin, s'il a raison de marquer que parmi
les systèmes qu'il passe en revue, certains ne sont chrétiens
que. matériellement, en revanche, quand il examine la philo
sophie qu'on regarde d'ordinaire comme le type de la chrétienne, je veux dire la philosophie médiévale, et
singulièrement la philosophie de Thomas d'Aquin, son i
nformation reste toute superficielle, et les erreurs qu'on peut
relever dans son exposé sont d'un ordre tel qu'on ne par
donnerait certes pas à un scolastique d'en commettre de sem
blables à l'égard d'un système moderne. Saint Thomas, par
exemple, regarde bien l'intellect humain comme le plus faible
dans l'échelle des esprits, mais jamais il ne s'est fait de la
raison le modèle purement dialectique et misérablement pré
caire que lui prête M. Bréhier, jamais il n'a refusé à la raison
« la possibilité d'être à elle-même son propre juge » (ce qui
ne veut pas dire son juge suprême). Jamais non plus il n'a
réduit les rapports de la raison et de la foi à cette simple
(( censure » extrinsèque dont M. Bréhier s'imagine le jeu
d'une façon si naïvement arbitraire (que la f

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