Pourquoi les Présocratiques? - article ; n°91 ; vol.66, pg 397-419
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1968 - Volume 66 - Numéro 91 - Pages 397-419
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Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Clémence Ramnoux
Pourquoi les Présocratiques?
In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 66, N°91, 1968. pp. 397-419.
Citer ce document / Cite this document :
Ramnoux Clémence. Pourquoi les Présocratiques?. In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 66, N°91,
1968. pp. 397-419.
doi : 10.3406/phlou.1968.5443
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1968_num_66_91_5443les Présocratiques ? (*) Pourquoi
Les Présocratiques ont été quelque temps les objets d'une mode.
La mode est passée : c'est pourquoi le moment est venu d'expliciter
les raisons qui nous ont attachée à leur étude, qui nous y attachent,
en résumant l'essentiel du bénéfice que nous croyons en avoir tiré. Les
Présocratiques retiennent l'attention pour leur beauté propre, et pour
toutes sortes d'autres raisons, entre autres pour celle-ci : leur pensée
s'articule en un moment de divergence, divergence entre la branche,
disons, « précoce », ou « attardée » d'une tradition, et la branche « tar
dive » ou « mutante » d'une culture devenue progressive. On pourrait
aussi s'exprimer en disant que les Présocratiques restent les témoins
d'une mutation : c'est pourquoi leur travail conteste toujours quelque
chose. Tous ils sont d'accord pour contester le mode de pensée d'avant,
la pensée déjà fortement organisée des « vieux théologiens ». Les
uns avec les autres ils sont en désaccord, et ne cessent de se contester
mutuellement. Les Présocratiques nous obligent donc à approfondir
la fonction propre de la philosophie en un âge de mutation rapide.
L'attrait qu'ils ont paradoxalement exercé sur une génération de
ce siècle-ci ne tient pas seulement au prestige de quelques maîtres
amoureux de leur pensée, mais au fait que nous nous sentons tous
vivre dans un âge de mutation rapide, et obligés de répondre à sa pro
vocation en reconstituant jusqu'aux racines l'anamnèse de la pensée
occidentale.
C'est à une contestation de la philosophie que mène le projet
initial. La philosophie est à traiter comme un phénomène de culture
parmi d'autres, sans privilège sur les autres. On ne lui reconnaîtra
par postulat aucun sur le mode de pensée qui s'exprime
« par images », « en conte », ou sur le mode du « récit sacré ». Les généal
ogies et les catalogues de la tradition grecque constituent des arran
gements signifiants de noms divins. Mises à côté d'eux, les sagesses
surgissent comme un arrangement singulier de mots qui ne sont
plus des noms divins. Elles se distinguent par l'abstraction semi-
laïcisée de leur vocabulaire, et la complication croissante des moules
( *) Texte d'une leçon publique donnée à Bruxelles, à l'École des Sciences philoso
phiques et religieuses de la Faculté universitaire Saint-Louis, le 21 février 1968. 398 Clémence Ramnoux
de phrases et des concaténations d'énoncés. Pour les Présocratiques
de la couche plus ancienne, ces mots ont paru neufs par leur sévérité,
et l'arrangement des énoncés bien plus satisfaisant que l'arrangement
des généalogies et des catalogues. Il reste vrai que ces formations
singulières ont émis la prétention de prendre dans leurs filets «les
plus grandes choses», «les choses divines» : tout, et y compris la
genèse de l'homme et du monde.
Pour ne pas prolonger outre mesure une simple introduction,
nous nous contenterons d'évoquer quelques problèmes : dans quelles
conditions une pensée de ce type naît-elle, meurt-elle ? Quelle fonction
positive ou négative joue-t-elle dans une culture? Est-elle ferment,
témoin, résidu? Pourquoi certaines cultures changent-elles leurs
religions en philosophie, tandis que d'autres changent leurs philo
sophies en religion? Pour aborder semblables problèmes, nul ne
contestera que la Grèce n'offre une illustration de choix : non pas
parce que la culture grecque fut mère de la nôtre, mais parce que la
philosophie y fut indigène, et née d'une mutation spontanée. A l'évo
cation de cette problématique, qu'on ajoute la suggestion d'une
provisoire réponse : le verbe de ceux qu'on appelle encore, à tort
ou à raison, les premiers « penseurs » de la Grèce ne surgirait-il pas
dans la brèche ouverte entre la tradition encore vivante et la
conscience toute neuve d'une rationalité qui fut liée en Grèce à la
refonte des institutions politiques, à la réflexion sur la langue, et au
développement de diverses techniques, dont les techniques géomét
riques et astronomiques. Le verbe des penseurs décorés du nom de
« philosophes » surgirait dans la divergence, et vivrait de la médiatiser
ou de la surmonter. La philosophie meurt de la fermeture de cet
écart. Elle a donc deux façons de mourir : ou bien parce que nulle
progression vivante ne conteste la tradition, ou bien parce que la
tradition déjà morte ne suscite aucune fidélité. Ainsi envisagé, ce
phénomène de culture que nous appelons « philosophie », loin d'être
éternel, apparaîtrait prédestiné à ne s'épanouir que dans des cultures
singulières et pour des âges relativement limités. Il répond d'une
certaine façon à une problématique, en aidant les hommes problé-
matisés à trouver leur réponse, à surmonter leur crise, ou plus simple
ment à vivre avec elle. Quand les hommes sont déproblématisés
par la bonne conscience d'une rationalité triomphante, il n'y a déjà
plus place que pour une politique et une épistémologie.
Nous voyons donc la philosophie naître en Grèce non pas de
rien, mais dans une relation singulière avec une tradition non mé- Pourquoi les Présocratiques ? 399
diocre encore vivante. La relation s'établit sur le mode principal
de la contestation. Principal, non pas unique, car les plus irénistes
parmi les Grecs furent singulièrement habiles à ménager des accom
modations. Mieux vaudrait dire que le mode de la contestation alterne
avec le mode de Y accommodation, et diversifier des types ou des familles.
Ce n'est pas ici le lieu ni le moment d'approfondir les motivations
historiques du goût grec de la polémique. Ce que nous tenterons
d'approfondir, dans la mesure du possible, et à la limite de l'impossible,
c'est le processus de la mutation, les étapes de la transformation.
Si on ne veut pas se contenter de banalités vagues, c'est au niveau
des mutations sémantiques qu'il faut tenter de les saisir. Beaucoup
de bon travail a déjà été fait avec la méthode qui consiste à étudier
l'évolution d'un vocable, ou mieux de quelques vocables prenant
leurs sens les uns avec les autres, ou les uns contre les autres (x). Ce
que nous tentons de faire se situerait à un niveau tout différent.
La jointure cherchée articulerait la pensée théologique, incluse dans
les récits sacrés, à la pensée incluse dans des textes tels que le discours
ontologique de Parménide, les formules d'Heraclite, ou le poème
d'Bmpédocle. Mais il reste difficile de choisir le juste point d'attaque.
Dans une communication précédente nous avions suggéré, sans
l'analyser davantage faute de place, un exemple. Qu'il soit permis
de le reprendre, au titre de transition vers l'entreprise plus aventurée
qui nous occupera ensuite. On sait qu'Aristote, au livre A de la Mét
aphysique^), loue et blâme de vieux philosophes qui ont ceci en
commun de présenter leurs « principes » par couples. Il loue les pythag
oriciens pour avoir réduit leurs couples à une série de dix, ce qui lui
donne l'occasion de citer une table pythagoricienne. Cette table présente
cette bizarrerie de juxtaposer des couples énoncés avec le vocabulaire
technique, et de technicité déjà avancée, de la mathématique, et des
couples empruntés à l'arsenal anthropologique de la magie. Nous
appelons «technique», et de technicité avancée, l'opposition, par
exemple, de Y égal et de Yhétéromèque. Pour comprendre, il faut recon
stituer des carrés de points, en ajoutant au point-unité des « gnomons»
impairs en série croissante, ou de l&#

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