Pour en finir avec la communication - article ; n°46 ; vol.9, pg 119-126
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Réseaux - Année 1991 - Volume 9 - Numéro 46 - Pages 119-126
La notion de communication ne permet pas de délimiter une discipline : on peut parler de communication à propos de n'importe quel phénomène, à condition que des êtres vivants y soient mêlés. La plupart de ceux qui parlent de communication ont une conception linéaire du processus ainsi désigné, y compris les différents courants de la sémiologie. L'auteur propose de parler de production de sens, et de se donner les moyens de traiter la circulation de sens comme processus complexe, non linéaire : il y a un décalage constitutif entre la production et la reconnaissance du sens. Cela mène, sous l'inspiration de Peirce, à proposer un modèle ternaire comme unité élémentaire du sens. La question cruciale de l'observateur, enfin, soulève une hypothèse sur l'indécidabilité de la relation entre la tiercéité impliquée en production et celle en reconnaissance.
The notion of communications does not permit a discipline to be delimited. One can speak of communications in the context of any phenomenon that living beings are take part in. Most of those who speak of communications, including members of the various schools of semiology, conceive of an inherently linear process. Here, the author proposes that we speak of the production of sense, and gives himself the means of treating the construction of sense as a complex, non-linear process : there is an interval or gap that is an important component that places itself between the production and the acknowledgement of sense. This leads, under the inspiration of Peirce, to the proposal of a compound model as the basic means by which sense may be constructed. In the end, the crucial question for the observer is based on a hypothesis that rests upon the undecidability of the way this implied third level stands between production and recognition.
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 16
Langue Français

Extrait

Eliséo Veron
Pour en finir avec la "communication"
In: Réseaux, 1991, volume 9 n°46-47. pp. 119-126.
Résumé
La notion de communication ne permet pas de délimiter une discipline : on peut parler de communication à propos de n'importe
quel phénomène, à condition que des êtres vivants y soient mêlés. La plupart de ceux qui parlent de communication ont une
conception linéaire du processus ainsi désigné, y compris les différents courants de la sémiologie. L'auteur propose de parler de
production de sens, et de se donner les moyens de traiter la circulation de sens comme processus complexe, non linéaire : il y a
un décalage constitutif entre la production et la reconnaissance du sens. Cela mène, sous l'inspiration de Peirce, à proposer un
modèle ternaire comme unité élémentaire du sens. La question cruciale de l'observateur, enfin, soulève une hypothèse sur
l'indécidabilité de la relation entre la tiercéité impliquée en production et celle en reconnaissance.
Abstract
The notion of communications does not permit a discipline to be delimited. One can speak of communications in the context of
any phenomenon that living beings are take part in. Most of those who speak of communications, including members of the
various schools of semiology, conceive of an inherently linear process. Here, the author proposes that we speak of the production
of sense, and gives himself the means of treating the construction of sense as a complex, non-linear process : there is an interval
or gap that is an important component that places itself between the production and the acknowledgement of sense. This leads,
under the inspiration of Peirce, to the proposal of a compound model as the basic means by which sense may be constructed. In
the end, the crucial question for the observer is based on a hypothesis that rests upon the undecidability of the way this implied
third level stands between production and recognition.
Citer ce document / Cite this document :
Veron Eliséo. Pour en finir avec la "communication". In: Réseaux, 1991, volume 9 n°46-47. pp. 119-126.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1991_num_9_46_1835POUR EN FINIR AVEC
LA COMMUNICATION
Eliséo VERON
Réseaux n° 46-47 CNET - 1 991
119 — rentes. Dans le premier cas, je désigne une
discipline et je lui assigne un objet ; dans le
second, je ne fait ni l'un ni l'autre, car la
communication n'étant pas un objet
réparable, la désignation de la discipline
reste précisément sans objet.
A une époque où le terme "communicat
ion" est devenu une rubrique permanente
des médias grand public, tout effort de
clarification peut paraître, à juste titre,
quelque peu Don Quichottesque. Le comble
du paradoxe advient quand on parle, à pro
pos du recrutement de cadres, des « métiers
de la communication » : il y a donc des
professionnels de quelque chose qui n'est
pas un savoir constitué et qui n'a pas de
territoire propre. La marchandise existe et se
vend, puisqu'il y a des experts en commun
ication et des recherches en communicat
ion, mais personne ne saurait dire exactement le « nœud » qui s'est fait Aujourd'hui,
comment ces marchandises sont arrivées sur autour de la notion de communication
est inextricable, et l'on a le droit d'être le marché.
pessimiste quant à la possibilité de dissiper Curieusement, à l'origine de cette im
les multiples malentendus qu'elle traîne mense confusion se trouve le succès
avec elle. Il en a sans doute toujours été incontournable de la linguistique. Seule vé
ainsi, mais l'effet de mode, qui s'est ritable science de la signification, la li
considérablement accentué ces dernières nguistique formelle construit son objet en
années, ne nous aide en rien à produire, à Г arrachant au « circuit de la communicat
son égard, quelques éclaircissements. Car ion ». J'ai analysé ailleurs le processus de
cette notion ne permet pas de délimiter une production de la signification linguistique en
tantqu'objetd'une science du langage.1 Je me discipline : toutes les sciences humaines
peuvent lui être accolées (psychologie de la bornerai ici à rappeler que la phrase du
communication, sociologie de la commun linguiste est un objet construit, obtenu par
ication, anthropologie de la communicat annulation de toute considération concernant
ion, et ainsi de suite) et la plupart l'ont été. son usage. C'estpourquoiune seule et même
De plus, et malgré l'illusion créée par ce théorie permet de rendre compte à la fois de
genre d'expression, le terme « communic la production et de la reconnaissance des
ation » ne désigne pas un objet empirique, phrases ; c'est pourquoi le linguiste est en
un processus d'un certain type, localisable droit de ne pas distinguer le locuteur de
dans la réalité : on peut parler de communic l'auditeur ; c'est pourquoi la théorie linguis
ation (et on l'a déjà fait) à propos de tique rend compte à la fois des phrases écrites
n'importe quel phénomène, à condition que et des phrases parlées. Et personne ne peut
des êtres vivants (humains ou non humains) aujourd'hui, me semble-t-il, sérieusement
y soient mêlés. En somme : parler de « So contester l'efficacité d'une telle démarche.
ciologie des médias », par exemple, et parler La science « mère » de la linguistique n'aura
de « Sociologie de la communication » ce donc pas été la sociologie, comme l'imagi
sont deux opérations radicalement nait Saussure, mais la biologie. La
l) E. Véron, La sémiosis sociale. Fragments ď une théorie de la discursivité, Paris, Presses Universitaires de Vincennes,
1988, Troisième partie, chap.4.
121 — scientificité de la linguistique n'en est que s'enfermait dans le message afin d'identifier
sa« structure » ; la sémiologie de « deuxième plus solidement assise.
Il n'est peut-être pas inutile d'insister sur génération », représentée entre autres par
le caractère construit de l'objet "phrase" Julia Kristeva à une certaine période de son
travail, est devenue generative, intéressée (caractère qu'il partage, d'ailleurs, avec
n'importe quel autre objet de science) et aux conditions d'engendrement du message ;
celle que certains qualifient de sémiologie partant aussi de sa composante sémantique,
de « troisième génération » focalise la signification . Car cela veut dire que la
"phrase" n'est pas ce que les gens utilisent aujourd'hui son attention sur la réception. La
« pragmatique des actes de langage », née lorsqu'ils parlent. Nous pouvons ainsi nous
autour de la question de savoir ce que l'on débarasser du grave malentendu
épistémologique sur lequel reposent toutes fait avec des mots (point de vue du locuteur),
les tentatives de faire de la « pragmatique ». est devenue une pragmatique qui s'interroge
sur la question de savoir comment on fait A l'origine de ce terme se trouve, il ne faut
pas l'oublier, la célèbre trilogie de Morris : pour interpréter correctement l'intention du
la syntaxe, étude des rapports des signes locuteur (point de vue du récepteur). Dans un
entre eux, la sémantique, étude des cas comme l'autre, on a tourné, si j'ose dire,
par rapport à ce qu'ils représentent, et la autour du pot (le message), sans remettre en
pragmatique, étude des signes par rapport à question la nature du processus: on continue
ceux qui les utilisent. Comme si, en passant à penser qu'il n'y a de véritable "communic
ation" que lorsque quelque chose passe d'un champ à l'autre, l'objet signe restait le
même. Or, il n'en est rien. Ce qui veut dire (avec, bien entendu, plus ou moins de for
que si nous nous intéressons (comme c'est tune) de A à B.
mon cas) à d'autres choses que la significa Je prétends que pour avoir une chance de
construire un véritable objet de science tion linguistique, nous ne pouvons pas faire
l'économie de la construction de notre objet. correspondant au domaine de ce que l'on
Il est clair que la notion de "communication" appelle aujourd'hui la "communication", il
est tout sauf un objet scientifique construit. faut abandonner définitivement la notion
La plupart de ceux qui parlent de "com elle-même, inévitablement liée à une con
munication" ont une conception linéaire des ception linéaire de

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