Pratiques funéraires et jeux symboliques - article ; n°1 ; vol.27, pg 243-253
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Description

Travaux de la Maison de l'Orient méditerranéen - Année 1998 - Volume 27 - Numéro 1 - Pages 243-253
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Daniel Forest
Pratiques funéraires et jeux symboliques
In: Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 1998. pp. 1-2. (Travaux de la Maison de l'Orient
méditerranéen)
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Forest Jean-Daniel. Pratiques funéraires et jeux symboliques. In: Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean
Pouilloux, 1998. pp. 1-2. (Travaux de la Maison de l'Orient méditerranéen)
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mom_1274-6525_1998_act_27_1_1089PRATIQUES FUNÉRAIRES ET JEUX SYMBOLIQUES
Jean-Daniel FOREST *
Nous travaillons dans une région, la Mésopotamie, qui est relativement loin de la Méditerranée, et
sur des sociétés qui, tout en étant urbaines pour certaines, échappent très largement au champ chrono
logique ici retenu. Cela n'a guère d'importance à nos yeux, car les problèmes d'interprétation posés par les
pratiques funéraires sont partout les mêmes, quelle que soit par ailleurs la diversité des données. Cepend
ant, pour rendre notre propos plus facilement transposable, nous avons choisi de faire passer au second
plan l'information particulière qui est la nôtre et de n'utiliser celle-ci qu'à titre illustratif. Un tel parti ne
doit pas faire oublier que les quelques réflexions qui suivent sont fondamentalement issues d'une
pratique : malgré leur caractère très général, elles ne sauraient constituer une théorie du funéraire.
Dans quelle mesure et dans quelles conditions peut-on passer des données de l'archéologie funéraire
à la structure d'une société ? C'est là une question d'autant plus fondamentale, qu'elle intéresse en fait tous
les aspects de notre discipline dès lors que l'on cherche à tirer de notre information strictement matérielle
des inferences d'ordre social, politique, religieux. Si une telle démarche est possible, comme nous le
pensons, c'est parce que la plupart des éléments mobiliers et immobiliers qui sont créés par l'homme et
qui constituent son environnement familier, véhiculent une information, quelle que soit leur fonction
première et généralement pratique. Ce sont des signes qui, ne prenant sens que par rapport à d'autres
signes de même nature, s'organisent en réseaux pour former ce que l'on peut appeler des codes, et plus
précisément des codes symboliques, dans la mesure où des signifiants matériels renvoient conven-
tionnellement à des signifiés d'un autre ordre. Nous utilisons tous, en permanence, des codes de ce genre :
il suffit de songer par exemple à la façon dont nous nous habillons ou dont nous nous parons. Toutes les
sociétés, de la même façon, vivent ainsi dans un univers d'artifices qui reflète les valeurs ambiantes
conduisant à établir des distinctions, et qui témoigne ainsi de la structure sociale. C'est cet univers
d'artifices qui se manifeste à nous, archéologues, à travers les vestiges que nous exhumons, nous donnant
donc potentiellement accès à la structure sociale.
La nature même des codes symboliques implique cependant pour nous un certain nombre de
difficultés pratiques. Il faut d'abord souligner que la mise en relation d'une série de signifiants distincts
avec une gamme de signifiés également contrastés est culturellement définie, c'est-à-dire parfaitement
arbitraire. Tous ces codes que nous utilisons nous-mêmes ne nous posent évidemment aucun problème,
parce que nous les avons intégrés dès l'enfance mais, lorsque nous sommes confrontés à des codes
allogènes, nous perdons pied. Pour peu que ces codes soient encore en usage, il nous est encore assez
facile de les assimiler, à travers un processus d'apprentissage, et de la même façon que l'on apprend une
langue étrangère. En revanche, lorsque ces codes n'ont plus cours, comme c'est le cas de ceux que l'on
rencontre en archéologie, on ne peut plus y avoir accès qu'à travers un processus de déchiffrement.
D'autre part, dans la mesure où tout code repose sur un consensus, c'est-à-dire sur des valeurs partagées
* ERA 8 du CRA, Institut d'Art de d'Archéologie, Paris.
Nécropoles et pouvoir, TMO n° 27
Maison de l'Orient, Lyon. 244 J.-D. FOREST
par un certain groupe humain, le déchiffrement doit être recommencé à chaque fois que l'on change de
contexte. En fait, le changement peut souvent intervenir au sein même d'une culture donnée, d'un site à
un autre ou d'une phase à l'autre d'un même site, au point que l'on doive pratiquement recommencer le
travail d'analyse dans chaque cas. Enfin, et conformément à ce qui précède, chaque signifiant n'a de sens
que dans le cadre du code dans lequel il s'insère. Cela veut dire qu'un trait matériel a toutes chances de
prendre des valeurs différentes dans des contextes distincts tandis qu'à l'inverse, un même trait de struc
ture a toutes chances de s'exprimer différemment à travers la matière dans des groupes humains distincts.
Pour dire les choses autrement, une approche transculturelle n'est possible qu'au niveau des signifiés,
lorsque l'on est passé au-delà des apparences contingentes.
Nous venons de mettre l'accent sur la nécessité d'une opération de déchiffrement. Or cette opération
reste assez problématique, parce que les codes symboliques sont rarement très contraignants, et laissent
en général une part plus ou moins large à l'initiative personnelle. En effet, les codes symboliques
témoignent non seulement de la place qu'occupe l'individu dans son environnement social, ils lui
permettent aussi, éventuellement, d'intervenir dans cette relation, en affirmant tantôt sa conformité, tantôt
sa différence, et souvent les deux à la fois, car ces codes tendent à fonctionner sur plusieurs plans en
même temps. Dans nos sociétés par exemple, le costume traduit d'abord l'opposition des sexes. Mais il
nous donne aussi une foule d'informations sur l'âge, la richesse, l'activité professionnelle, le milieu auquel
se rattache l'individu. Et, à un niveau plus fin encore, il nous renseigne sur le caractère et les goûts des
gens, c'est-à-dire sur ce qui fait leur individualité.
Les signes mobilisés pour l'occasion ne sont pas à proprement parler polysémiques ; ils témoignent
plutôt de différents niveaux de signification au sein d'une construction en arborescence où ils établissent
des distinctions de plus en plus fines. Dans la mesure où les codes nous donnent accès aux valeurs
utilisées pour établir des distinctions à l'intérieur du corps social, ils nous livrent une part au moins de la
structure sociale. Mais, au niveau le plus fin, ils permettent à chacun de marquer sa différence
individuelle, en opposant alors deux catégories dont l'une se restreint à l'ego, et dont l'autre s'étend à tout
ce qui est autrui. Or cette marge de manœuvre individuelle non seulement présente pour nous un intérêt
moindre, mais elle complique aussi passablement notre tâche car, là où l'on souhaiterait rencontrer des
associations et des oppositions systématiques, on ne trouve que des relations tendancielles.
Cette part de laxisme est extrêmement variable selon les sociétés. Dans les sociétés traditionnelles,
par exemple, la norme est souvent plus précise, parce que l'information circule plus facilement au sein de
groupes étroits, et parce que les gens recherchent plus une conformité de bon aloi que la différence, jugée
suspecte. Tout se sait, tout se voit, et attirer l'attention suscite la réprobation. Les sociétés complexes, à
l'inverse, favorisent la différence, mais cette tendance globale se manifeste à la fois par un laxisme plus
grand dans la masse de la population, et par un durcissement des codes au sein des élites. Ces réactions
divergentes rappellent que la part de laxisme varie selon les enjeux sociaux, et donc selon l'importance
accordée aux différentes valeurs qui organisent le corps social. Dans le cas des élites, les enjeux sont
importants, puisqu'il s'agit pour elles d'apporter une preuve manifeste de leur statut exceptionnel. C'est ce
qui explique par exemple le protocole qui régnait chez nous à la cour de Louis XIV. On appelait cela
l'étiquette, et le terme était merveilleusement choisi puisqu'il s'agissait d'indiquer, 

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