Précieux allié de la santé : le médicament - article ; n°306 ; vol.83, pg 31-42
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Description

Revue d'histoire de la pharmacie - Année 1995 - Volume 83 - Numéro 306 - Pages 31-42
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 7
Langue Français

Extrait

Pierre Delaveau
Précieux allié de la santé : le médicament
In: Revue d'histoire de la pharmacie. Supplément au N. 306, 1995. pp. 31-42.
Citer ce document / Cite this document :
Delaveau Pierre. Précieux allié de la santé : le médicament. In: Revue d'histoire de la pharmacie. Supplément au N. 306, 1995.
pp. 31-42.
doi : 10.3406/pharm.1995.4386
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pharm_0035-2349_1995_sup_83_306_4386Précieux allié
de la santé :
le Médicament
Membre et Pierre de l'Académie Delaveau de l'Académie Nationale Nationale de Pharmacie. de Médecine
Ainsi trois sociétés d'histoire se réunissent pour exposer idées et faits
concernant les médicaments. Vaste sujet! Posons-nous quelques questions leur découverte, leur nature, leur définition, la place dans notre
vie, enfin la notion même de médicament au cours du temps.
Le médicament tel qu'on l'imagine
dans les temps anciens
Pour nos lointains aïeux, comme il devait être difficile de saisir l'entité
même de la maladie, considérée une malédiction globale ! Elle n'était
individualisée qu'au moment d'accès aigus et méconnue dans ses phases silen
cieuses. On pourra lire encore en 1826, dans les Nouveaux éléments de Thé
rapeutique et de Matière médicale de J.-L. Alibert, médecin chef de l'Hôpital
Saint-Louis à Paris, spécialiste de la syphilis: il existe des «levains morbi-
fiques, inattaquables par l'action des remèdes» et «si par quelque moyen per
turbateur, on est parvenu à provoquer l'éruption du mal, le mercure employé
obtient alors des effets rapides et merveilleux». Que penserait cet auteur de
nos jours dans le cas des personnes séropositives menacées de SIDA?
D'autre part s'il était relativement facile de constater les maladies à tr
aduction externe (maladies de peau, fractures, stérilité et impuissance, réduction
de la diurèse...), pour la plupart les maladies internes restèrent longtemps inac
cessibles.
-31- Il est surprenant de constater la lenteur des progrès en biologie, com
parativement aux prouesses réalisées en architecture et dans l'invention des
armes.
Par provocation, disons que la thérapeutique a bien souvent précédé la
compréhension de la maladie, en quelque sorte la pharmacie avant la médecine :
il était plus facile en effet de constater par exemple des actions purgatives
ou diurétiques, un ralentissement du pouls, plus encore une toxicité, que de
saisir les causes et le cheminement physio-pathologique de la morbidité.
Le nom même de Pharmakon au double sens de remède et de toxique
ne traduit-il pas la puissance de tout produit actif? Pendant longtemps per
sistera la confusion entre ces deux aspects du médicament, l'activité et la
toxicité. La recherche moderne s'efforce de dépouiller la substance pharma-
cologiquement active de ses effets indésirables.
Mais un mouvement inverse peut se produire: l'exploitation en retour
de propriétés toxiques. Ainsi la maladie hémorragique du bétail provoquée
par la consommation de mélilot gâté, en Amérique du Nord, vers les années
1925-1935, avait conduit à identifier la substance responsable d'hémorragies:
un dérivé de la coumarine de la plante. On en tira ensuite un modèle moléc
ulaire, chef de file de médicaments anticoagulants dont chacun connaît le
succès. Mais ces effets antivitamine K furent ensuite retournés en vue d'une
action rodenticide, pour amener les rats qui se blessent souvent, à se saigner
eux-mêmes jusqu'à la mort...
La physostigmine ou ésérine, alcaloïde de l'éséré, poison d'ordalies, est
passée à des usages ophtalmologiques pour diminuer la pression intraoculaire
en cas de glaucome. Voici qu'elle retrouve de nos jours sa qualité de poison
(maîtrisé toutefois) pour prévenir l'action mortelle des organophosphorés,
toxiques de guerre: préalablement à leur attaque, son introduction thérapeu
tique préventive dans l'organisme lui fait occuper de façon temporaire une
partie des sites actifs des cholinestérases en jeu et les protège ainsi de Faction
irréversible des premiers.
Idée maîtresse, un médicament devait être aussi redoutable que les forces
mauvaises déchaînées contre le malade. Entendue, cette déclaration d'un gué
risseur africain à un père éploré par la mort de son fils, soigné avec des
remèdes toxiques : «ton fils était attaqué par des esprits si mauvais qu'il m'a
fallu employer de grands remèdes, pour les détruire; le combat contre les
esprits est gagné, mais ton fils n'était pas assez fort pour le supporter.»
En face de la maladie, que proposer? Outre les traitements proprement
religieux, les ressources de la nature furent longtemps les seules disponibles.
-32- Deux schémas directeurs au moins pouvaient intervenir: l'imitation des
animaux et le réflexe des signatures. Rappelons l'observation par des chas
seurs gabonais de buffles déterrant des racines d'un arbuste pour les consommer
et manifester ensuite une grande activité. Afin de pagayer sans relâche, les
bateliers de FOgooué consomment pareillement ces racines, maintenant ident
ifiées à celles de Fiboga. En Tanzanie, on connaît de même des «chimpanzés-
médecins» (ou pharmaciens !) reconnaissant au goût plusieurs Asteraceae qu'ils
absorbent ensuite - quelques principes actifs en sont connus : thiarubrine A,
acide kaurénoïque, à action anthelminthique.
De son côté, pratiquement universel, le réflexe des signatures a très la
rgement fonctionné : il revient à l'homme d'interpréter les signes qui lui sont
proposés par «la divinité» pour distinguer, parmi la multiplicité des minéraux,
plantes et animaux, des ressources spécialement réservées. Il lui faut décoder
le message constitué par une forme, une odeur, une couleur, le fait de la crois
sance dans un lieu particulier, caractères pouvant porter la marque d'un organe
malade. Ainsi parce qu'ils poussent dans des lieux humides favorables aux
rhumatismes, le saule et la reine des prés doivent apporter le remède comp
ensateur - d'où l'usage assidu de l'écorce de plusieurs espèces de saules,
dans la Grèce ancienne et en Europe du Nord, bien entendu sans que les
habitants de ces contrées lointaines se soient passés le mot... La naissance de
l'aspirine résulta du mariage du saule et de la reine des prés. Ce médicament
est devenu l'un des plus importants.
Présents dans de nombreuses civilisations et à divers moments, ces signes
furent en quelque sorte codifiés par Philippus Aureolus Theophrastus Bom-
bastus von Hohenheim, dit Paracelsus, eminent médecin et alchimiste suisse
(1493-1541), en une théorie que Gianbattista Porta devait ensuite porter à la
caricature dans sa Phytognomonica (Naples, 1583).
En réalité, le réflexe des signatures mérite mieux. C'est une hypothèse
de travail invitant à un emploi thérapeutique, expérimental en quelque sorte.
Les succès sont mémorisés et les échecs oubliés. Ensuite il a dû favoriser
l'identification et la reconnaissance du matériel recherché dans la nature - à
ce point de vue les pharmaciens ont été des champions des épreuves de recon
naissance !
Enfin le réflexe des signatures s'insère dans des plans plus profonds de
la pensée humaine, pour lutter contre l'angoisse métaphysique, le microcosme
se reflétant dans le macrocosme. En somme la forme l'emporte sur le fond.
33- La forme et le fond
On reconnaît là un des fondements du placebo : la confiance du malade
lui fait attendre la guérison de son mal et la forme même du médicament est
accordée à l'activité espérée - naguère un sirop était pectoral, un vin reconst
ituant et, malgré sa disparition complète, la forme cachet, tout à fait obsolète,
persiste dans le langage courant...
Le succès des formes injectables en Afrique profonde tenait à cette piqûre
mystérieuse et presque magique. En France, l'expression «mon médecin me
fait des piqûres» est gage de sécurité, même s'il ne s'agit que d'eau isoto-
nisée.
C'est encore un abus de la forme qui a conduit

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