Psychopathologie de l alimentation quotidienne - article ; n°1 ; vol.31, pg 93-106
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Description

Communications - Année 1979 - Volume 31 - Numéro 1 - Pages 93-106
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 50
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Aimez
Psychopathologie de l'alimentation quotidienne
In: Communications, 31, 1979. pp. 93-106.
Citer ce document / Cite this document :
Aimez Pierre. Psychopathologie de l'alimentation quotidienne. In: Communications, 31, 1979. pp. 93-106.
doi : 10.3406/comm.1979.1471
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1979_num_31_1_1471Pierre Aimez
Psychopathologie
de l'alimentation quotidienne
anciens Nutrition manuels et reproduction de physiologie ont en longtemps tant que « figuré grandes côte fonctions à côte vitales dans les »
au service, l'une de l'individu, l'autre de l'espèce. Chacune des compos
antes de ce naïf assemblage, aujourd'hui disjoint, a été morcelée à son
tour en multiples champs d'investigation scientifique. De l'endocrinologie
moderne, s'adossant elle-même à la biologie moléculaire, à l'anthropologie
psychanalytique, la découpe scientifique contemporaine nous livre de
la sexualité humaine une vision quasi pointilliste.
Le comportement alimentaire humain résiste mieux à cette parcellisa
tion. Peut-être parce qu'en cet acte apparemment très simple : l'introduc
tion à l'intérieur de soi d'une substance étrangère, se précipitent, se cris
tallisent, se condensent une foule de processus hétérogènes.
Il en résulte que la spécialisation extrême des savoirs s'oppose à une
compréhension véritable des conduites alimentaires humaines.
Nous nous proposons de montrer :
a) Comment le jeu extrêmement serré des interactions et imbrications
biologiques, psychologiques et socioculturelles dans le domaine nutritionnel
rend illusoire toute analyse unidimensionnelle du comportement alimentaire
de l'homme.
b) Comment, plus en profondeur, une psychologie et une psychopathol
ogie du comportement alimentaire s'ouvrent sur un territoire mal connu,
psychosomatique au sens strict, où la classique distinction entre psycholet biologie perd toute valeur opératoire.
I. LE CONCEPT DE MALADIE NUTRITIONNELLE INTERPELLE
LA SPÉCIALISATION DES SAVOIRS.
Postée aux confins de la biologie, de la pathologie clinique, de la psychol
ogie et des diverses sciences humaines, la médecine possède sans doute
les éléments théoriques nécessaires à l'approche synthétique du phéno
mène alimentaire.
De fait, on constate que l'alimentation de l'être humain a toujours
revêtu, aux yeux des médecins, la plus extrême importance. Sur la soixan
taine d'oeuvres qui composent la « collection hippocratique », une bonne
93 Pierre Aimez
dizaine sont exclusivement consacrées à la diététique. Quant au
célèbre Regimen sanitatis de l'École de Salerne qui a connu deux cent
quarante éditions et inspiré tous les traités d'hygiène et de médecine pré
ventive jusqu'au xixe siècle, il accorde également une place cruciale à
l'alimentation, intuitivement perçue comme le phénomène central de
l'état de santé et de maladie. La vieille théorie des humeurs, intégralement
psychosomatique, récuse toute distinction, même sémantique (la mélanc
olie est une bile noire), entre les dispositions et indispositions du corps et
celles du psychisme.
Les progrès de la technologie médicale et de la pharmacothérapie
moderne ont fait subir une longue éclipse à ces courants de pensée, dont
l'inspiration magico-religieuse est encore manifeste.
Aujourd'hui, face aux abus de cette technologie, face à une iatrogenèse
croissante, une diététique médicale rationnelle et scientifique tente de
s'imposer. Mais elle se heurte, comme il se doit, à la permanence dans
les mentalités de ce fonds archaïque où la nourriture occupe une place
essentielle.
Les progrès de l'épidémiologie contemporaine révèlent qu'il n'est pra
tiquement pas un grand secteur de la pathologie dans lequel le phéno
mène alimentaire ne puisse être soupçonné de jouer un rôle plus ou moins
direct1. L'usage se répand de dresser des « cartes alimentaires » que l'on
superpose et confronte aux données de l'épidémiologie classique, hydro-
climatiques, parasitaires, infectieuses, etc.
Expérimentalement, on découvre que la longévité, chez le rat, peut être
directement influencée par le mode alimentaire (1) (démonstration scien
tifique qui eût fait sourire plus d'un médecin-hygiéniste du siècle dernier,
comme Von Huseland, l'auteur de la Macrobiotique (2)). Ce que l'on
remarque, c'est l'extrême variété des mécanismes par lesquels l'alimenta
tion peut jouer un rôle pathogène (chacun de ces dangers suscitant de son
côté une série de ripostes ou de défenses appropriées) :
1° II peut s'agir d'une composante toxique directement pathogène.
C'est le cas de l'aflatoxine responsable de cancers du foie, des hypogly
cémies mortelles dues à l'ingestion du fruit vert de YAckee tree, de l'hémo-
chromatose des Bantous liée à l'utilisation d'une vaisselle riche en fer et à
l'usage de certaines boissons fermentées.
Ce modèle de l'alimentation toxique ou polluée conserve chez nous toute
sa valeur et survit dans les thèmes du « festin empoisonné » : la méfiance
demeure vive vis-à-vis des colorants, insecticides, hormones, conserva
teurs chimiques et autres additifs, etc.
Touchant directement aux fibres de la sensibilité paranoïde, ce thème est
susceptible d'une audience infinie. Nous verrons qu'on en retrouve :
a) Les prémisses biologiques chez le rat, cet autre omnivore, sous les aspects
de la « néophobie », décrite par P. Rozin (3) (attitude de refus suspicieux
devant toute nourriture nouvelle, inconnue).
b) Les prolongements psychologiques sous forme de l'angoisse schizo-
1. C'est le cas en particulier de l'athérome et des maladies cardiovasculaires, de
l'obésité et du diabète, de certains cancers digestifs, etc.
94 de V alimentation quotidienne Psychopathologie
paranoïde, déjà perceptible chez le nourrisson (M. Klein), liée à la peur
d'incorporer le « mauvais objet » ou de détruire le bon à l'intérieur du corps.
2d La nourriture peut être aussi dangereuse par ce qu'elle n'apporte pas
que par ce qu'elle apporte. Il aura cependant fallu des millénaires à l'homme
pour se débarrasser des maladies de carence, telles que le scorbut — dont
Joinville rapporte les ravages pendant les Croisades — ou le béribéri
connu depuis l'Antiquité. Car le concept de carence a longtemps fait
défaut 1. De nos jours encore, les concepts d'équilibre alimentaire, de
nutrition optimale sont mal compris. A fortiori, celui d'un rapport per
sonnel, inventif et créatif à la nourriture.
3d L'épidémiologie contemporaine, par-delà les notions élémentaires
de carence ou de toxicité alimentaire, a le mérite de mettre en évidence
V omniprésence d'une variable culturelle ou sociale soutenant les conduites
alimentaires pathogènes d'un groupe humain ou le préservant au contraire
d'une pathologie nutritionnelle.
On se contentera de citer ici l'exemple de la transmission du Kuru,
touchant électivement les femmes dans certaines tribus de Nouvelle-
Guinée. Cette maladie, que l'on pourrait croire liée au sexe, est due à un
slow-virus logé dans le système nerveux central. Or c'est aux femmes que
revient la tâche de faire cuire les cervelles des ennemis tués. Elles sont
par là exposées à la consommation de cerveaux insuffisamment cuits et
encore virulents... (14).
De même l'incidence élevée de pathologie thyroïdienne (goitre et créti-
nisme) dans certains sous-ensembles de la population zaïroise a pu être rap
portée à la consommation de manioc, riche en thiocyanate. Or il existe un mode
culinaire de préparation du manioc qui permet d'en éliminer le thiocyanate ;
ce mode culinaire a été transmis en même temps que le manioc a été intro
duit en Afrique par les Portugais au xvie siècle (3). C'est donc ici une « perte »
culturelle qui soutient la pathologie thyroïdienne. Katz, on le sait, a démont
ré que certains rituels culinaires, soigneusement transmis, possédaient une
signification biologique profonde (extraction de la lysine du maïs par la
ch

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