Quand faire sien, c est faire autrement - article ; n°1 ; vol.77, pg 5-16
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Quand faire sien, c'est faire autrement - article ; n°1 ; vol.77, pg 5-16

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Description

Communications - Année 2005 - Volume 77 - Numéro 1 - Pages 5-16
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 29
Langue Français

Extrait

Mme Martyne Perrot
Quand faire sien, c'est faire autrement
In: Communications, 77, 2005. pp. 5-16.
Citer ce document / Cite this document :
Perrot Martyne. Quand faire sien, c'est faire autrement. In: Communications, 77, 2005. pp. 5-16.
doi : 10.3406/comm.2005.2260
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_2005_num_77_1_2260Martyne Perrot
Quand faire sien, c'est faire autrement
l'objet Ce c'est qui le qui sort est entre important qui lui dans est le dans fait groupe par l'emprunt, le technique milieu ce intérieur. nouveau, n'est pas
André Leroi-Gourhan *
L'ethnographie cosmopolite, ou macro-ethnographie,
prend un caractère d'urgence au vu des perturbat
ions dont souffrent les grands récits post-Lumières.
Il est difficile d'avancer autre chose que des hypot
hèses.
Arjun Appadurai
Faut-il désespérer des sciences humaines pour comprendre le chant du
monde contemporain, sa polyphonie, ses accents perdus et retrouvés, ses
bizarreries syncrétiques, sa cacophonie et ses harmonies inattendues ?
Ce chant est-il encore audible, et donc décryptable, alors que s 'accélère
et se généralise la circulation des choses, des images et des hommes ?
Anthropologues, historiens, géographes ont forgé et forgent toujours
davantage de nouveaux outils pour penser le multiple et le divers, tâche
classique de V anthropologie, mais aujourd'hui il reste à saisir l'hétéro
gène, l'hybride, l'instable, l'inachevé. Tout un inventaire lexical peut être
d'ores et déjà établi qui va oFinter- à transculturel, de métissage à bran
chement3, en passant par rhizome et mangrove, qui évoquent des rami
fications et racines multiples 4, et bien d'autres encore. La prolifération
des métaphores témoigne de Vincessante quête pour traquer le sens des
choses et des Autres dans un contexte de mise en relation universelle.
Quelques amarres voyantes existent néanmoins, comme la World
Culture, la globalization, et leur version française, la « culture-monde »,
la mondialisation, le « village planétaire 5 », qui masquent l'horizon plus
5 Martyne Perrot
qu 'elles ne le dévoilent et n 'empêchent pas le navire des sciences humaines
de tanguer ni de rouler. Beaucoup se sont déjà lancés dans l'aventure
pour « croiser les regards6 » (celui des disciplines sur un même objet), ou
analyser le croisement même des cultures 7, « penser ailleurs 8 », révéler
la «pensée métisse9 10 » et les « logiques 11 », en débusquer les «passeurs »,
ou encore tenter de pénétrer dans ce que Georges Balandier appelle ces
« nouveaux Nouveaux Mondes » « dissociés de leurs territoires », enfantés
par les techniques nouvelles, la science et Véconomisme « conquérant » 12.
Ce monde qui ne se découpe plus, depuis longtemps déjà, en espaces
culturels aux identités bien localisées n 'est pourtant pas dépourvu de
paysages, ceux, par exemple, qu'Arjun Appadurai identifie par le néo
logisme ethnoscapes. Produits « par des individus qui constituent le monde
mouvant dans lequel nous vivons, touristes, immigrants, réfugiés, exilés,
travailleurs invités... », et les différents avatars qu'ils subissent au gré de
cette migration, ils font la part belle à l'imagination13.
Il a aussi ses « nuages », ces formes « aléatoires, incertaines et pour une
part méconnaissables » auxquelles Serge Gruzinski assimile les « métis
sages » 14.
Dans cette perspective critique, le local en tant que tel n 'existe pas, il
se réinvente en permanence 15. Ne se repère plus alors d'ancrage mémoriel
intangible mais des espaces diasporiques, des fabriques culturelles aux
quelles les migrations humaines et les nouvelles technologies offrent une
mobilité sinon une ubiquité inédites.
Cependant, établir un inventaire des recherches concernant ces nouvell
es configurations sociales et culturelles n'est pas l'objectif de ce numéro.
Il «fait sien », en revanche, le constat d'un monde brassé, et mêlé, préa
lable à toute analyse qui tente de se dégager de l'ethnocentrisme et du
chronocentrisme. Il retient également, à l'instar de Serge Gruzinski et
Louise Bênat Tachot, que ces notions restent d'une « médiocre efficacité »
si l'on ne porte pas attention « aux mécanismes, procédures, et aux pass
eurs, c'est-à-dire aux agents, qu'ils soient moteurs ou simples vec
teurs »16. Cela implique de réintroduire les échelles géographiques et la
profondeur historique, c'est-à-dire de suivre la trace des emprunts aussi
fidèlement que possible dans un espace- temps à géométrie variable.
C'est dans ce faisceau de références et d'exigences que s'est inscrite la
demande faite aux auteurs de ce numéro. Son titre dit assez clairement
qu'il s'agira d'emprunts et d'appropriations. La plupart des thèmes abor
dés sont inédits et représentatifs du cosmopolitisme et de l'éclectisme
contemporains, qu'il s'agisse de coutumes alimentaires, de musique, de
jeux de cartes, de mondes virtuels, d'architecture, de cartographie, de
lexique, ou d'objet « ethnique ». Quand faire sien, c'est faire autrement
Les disciplines représentées sont l'anthropologie, l'architecture, la
sociologie, la géographie, l'histoire et la linguistique. Dans l'attente de
« sciences nomades 17 » qui restent à inventer, leur variété est apparue
comme une compensation.
Face au foisonnement lexical et méthodologique, s 'en tenir à cette termi
nologie peut néanmoins paraître restrictif, en renvoyant à une univocité
apparente. Elle est aussi très connotée par l'étude du changement et de
l'acculturation, dont une grande partie de l'anthropologie culturelle
anglo-saxonne a fourni des catégories d'analyse et décrit les modalités 18.
Pour autant, l'emprunt ne renvoie ici ni à des modèles culturels stables ni
à l'hypothèse d'un métissage irrépressible ou porteur d'une créativité
innée.
Emprunter a été retenu de façon minimaliste dans son sens littéral,
qui est «prendre ailleurs » mais aussi « s'engager une voie », comme
dans l'expression « emprunter un chemin ». Défait, étudier des pratiques
« emprunteuses » et le destin des objets concernés, en les regardant de
près et sur la durée, a conduit tous les auteurs à privilégier la part active,
volontaire mais aussi conjoncturelle et hasardeuse de l'appropriation.
L'emprunt au risque de l'origine.
Cette attention au devenir de l'objet emprunté, en l'occurrence l'objet
technique, est la tâche que s'était fixée André Leroi-Gourhan, grande
figure de la recherche préhistorique, trop peu cité en dehors de ce milieu,
savant « inclassable », transdisciplinaire à lui tout seul, préhistorien,
technologue, ethnologue. Dans l'ouvrage intitulé Milieux et Techniques,
il consacrait un chapitre important à l'emprunt de l'objet technique. « Ce
qui est important dans l'emprunt, écrivait-il, ce n'est pas l'objet qui entre
dans le groupe technique nouveau, c'est le sort qui lui est fait par le
milieu intérieur. » La question de l'origine n'était pas prioritaire et n'était
due qu'à « ce pli inconscient hérité d'une tradition héroïque de l'ethno
logie à voir rapports et à déduire origines ». Ainsi^ « recevant un couteau
de pierre ou une marmite indienne, dès la première copie, l'Eskimo en
fait un objet eskimo. Dès lors la prise de l'historien est minime, s'il ne
tombe pas exactement sur la génération qui pourra encore affirmer
l'emprunt, il est libre d'expliquer que les Eskimos ont inventé l'objet,
qu'ils l'ont transmis aux Indiens ou que les deux groupes le tiennent d'une
unité plus ancienne » 19.
Bien sûr, Leroi-Gourhan écrivait ces lignes en 1945, et la question de
la mondialisation des échanges ne nourrissait pas encore les débats, mais
cette façon de privilégier le devenir d'un emprunt plutôt que l'origine
7 Martyne Perrot
supposée mérite toute notre attention. Si cette recommandation est deve
nue un leitmotiv des travaux sur le

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