Qui a peur de l an mil ? Un débat électronique aux approches de l an 2000 - article ; n°37 ; vol.18, pg 15-55
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Qui a peur de l'an mil ? Un débat électronique aux approches de l'an 2000 - article ; n°37 ; vol.18, pg 15-55

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Description

Médiévales - Année 1999 - Volume 18 - Numéro 37 - Pages 15-55
Un débat par courrier électronique entre quatre médiévistes anglophones. La discussion est principalement centrée sur l'interprétation de quatre textes-clés : une charte du cartulaire de Saint- Victor, un passage de l' Apologétique d'Abbon de Fleury, des fragments du Chronicon de Thietmar de Mersebourg et du De ortu et tempore Antichristi d'Adson de Montier-en-Der. Les discussions font apparaître des stratégies radicalement différentes dans la lecture et les interprétations de ces sources. Dans la partie finale du débat est posé le difficile problème de la généralisation : jusqu'à quel point est-il possible de généraliser, géographiquement, d'une région à l'autre et socialement, d'une classe à une autre ?
Who's afraid of the Year 1000 ? An E-mail Debate at the Approach of 2000 - A debate conducted via e-mail among four Anglophone medievalists. The discussion focuses largely on the interpretation of four key texts : a charter from the cartulary of St. -Victor, a portion of the Apologeticus by Abbo of Fleury ; passages from the Chronicon by Thietmar of Merseburg and De ortu et tempore Antichristi by Adso of Montier-en-Der. The discussants reveal radically different interpretative strategies in their reading and assessment of these sources. In the final portion of the debate, the participants address the complex issue of generalization : to what degree can we generalize geographically across regions and socially across classes ?
41 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Patrick J. GEARY
Prof. Richard Landes
Amy G. Remensnyder
† Timothy Reuter
Barbara H. Rosenwein
Bernadette Grandcolas
Qui a peur de l'an mil ? Un débat électronique aux approches de
l'an 2000
In: Médiévales, N°37, 1999. pp. 15-55.
Résumé
Un débat par courrier électronique entre quatre médiévistes anglophones. La discussion est principalement centrée sur
l'interprétation de quatre textes-clés : une charte du cartulaire de Saint- Victor, un passage de l' Apologétique d'Abbon de Fleury,
des fragments du Chronicon de Thietmar de Mersebourg et du De ortu et tempore Antichristi d'Adson de Montier-en-Der. Les
discussions font apparaître des stratégies radicalement différentes dans la lecture et les interprétations de ces sources. Dans la
partie finale du débat est posé le difficile problème de la généralisation : jusqu'à quel point est-il possible de généraliser,
géographiquement, d'une région à l'autre et socialement, d'une classe à une autre ?
Abstract
Who's afraid of the Year 1000 ? An E-mail Debate at the Approach of 2000 - A debate conducted via e-mail among four
Anglophone medievalists. The discussion focuses largely on the interpretation of four key texts : a charter from the cartulary of St.
-Victor, a portion of the Apologeticus by Abbo of Fleury ; passages from the Chronicon by Thietmar of Merseburg and De ortu et
tempore Antichristi by Adso of Montier-en-Der. The discussants reveal radically different interpretative strategies in their reading
and assessment of these sources. In the final portion of the debate, the participants address the complex issue of generalization :
to what degree can we generalize geographically across regions and socially across classes ?
Citer ce document / Cite this document :
J. GEARY Patrick, Landes Richard, G. Remensnyder Amy, Reuter Timothy, H. Rosenwein Barbara, Grandcolas Bernadette.
Qui a peur de l'an mil ? Un débat électronique aux approches de l'an 2000. In: Médiévales, N°37, 1999. pp. 15-55.
doi : 10.3406/medi.1999.1462
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1999_num_18_37_1462Médiévales 37, automne 1999, pp. 15-55
Patrick J. GEARY, Richard LANDES, Amy G. REMENSNYDER,
Timothy REUTER, coordination Barbara H. ROSENWEIN
QUI A PEUR DE L'AN MIL ? UN DÉBAT ÉLECTRONIQUE
AUX APPROCHES DE L'AN 2000
La discussion suivante s'est déroulée par e-mail entre le 15 janvier
et le 15 février 1998. Les participants étaient Patrick J. Geary, Richard
Landes, Amy G. Remensnyder, Timothy Reuter. Barbara H. Rosenwein
a assuré la mise en scène et la mise en forme1.
L'ensemble des contributions formait une liasse de presque
300 pages. Ce qui est présenté ici n'est qu'un échantillon de cette dis
cussion animée et variée. Chaque source (textes 1-4) a été choisie par
le participant qui lançait la discussion à son sujet.
L'an mil/l'an 2000
Rosenwein
Dans la mesure où ce numéro de Médiévales est inspiré par l'an
2000, je commencerai par les questions suivantes :
1. Quel intérêt y a-t-il à se pencher sur l'an mil parce que nous
sommes à la veille de l'an 2000 ?
2. Les historiens comme tels peuvent-ils ouvrir des perspectives
spécifiques sur la question de l'an 2000 ?
Reuter
Chacun considère le passé en général à la fois avec sa propre curios
ité intellectuelle et en fonction de l'air du temps. Mais il existe aussi
une convention, déjà ancienne, qui veut que le moment anniversaire des
événements ou des personnalités soit favorable pour faire le point. Il en
est de même pour le millénaire, sauf que peut-être, alors que d'autres
dates auraient pu être différentes, le millénaire et le moment de sa célé-
1. Nous tenons à remercier Laura Wilson Baird, de l'Université de Loyola (Chi
cago), pour son aide précieuse au moment de l'élaboration du dossier. 16 P. J. GEARY, R. LANDES, A. G. REMENSNYDER, T. REUTER, B. H. ROSENWEIN
bration se définissent par eux-mêmes : il ne s'agit pas d'un événement,
mais d'un point sur l'échelle de la mesure du temps.
Les historiens ont-ils quelque chose de spécial à offrir ? Oui, peut-
être. Nous pouvons jouer un rôle modeste en corrigeant certaines inter
prétations erronées, sauf que nous ne sommes pas sûrs d'être entendus.
Voici quelques questions globales que les historiens peuvent se
poser :
1 . Que nous pensions à comparer des millénarismes ou des chan
gements socio-politiques majeurs, nous supposons trop facilement que
la comparaison de croyances et d'expériences publiquement partagées
et collectives est possible à 1 000 ans de distance. Je doute qu'elle le
soit, parce qu'avec Habermas, je ne pense pas que la notion de « public »
ait pu faire sens en l'an mil.
2. Dans notre monde, nous opposons facilement les experts et les
leaders (qui sont souvent manipulateurs) à ceux qui détiennent moins
de pouvoir et d'information. Mais si l'on parle des années autour de
l'an mil, des analyses qui se fondent sur une division entre la religion
savante de l'élite et une religion populaire potentiellement dangereuse
me laissent profondément sceptique, surtout parce que je pense qu'il
est vraiment très difficile de connaître les pratiques et les croyances
populaires.
Landes
La meilleure façon de répondre aux questions de Rosenwein est de
se demander si le comportement populaire au tournant du premier mil
lénaire a été affecté par des attentes eschatologiques associées à cette
date. Pour moi, c'est seulement si nous répondons « oui » à cette ques
tion que regarder notre propre millénaire avec une compréhension issue
du précédent a un sens. Sinon, il nous reste la réponse positiviste : rien
à ce moment-là, rien maintenant. Personnellement je pense que l'Europe
de l'Ouest a vu naître beaucoup d'attentes apocalyptiques à l'approche
et à la suite de l'an mil pour les raisons suivantes :
1. Il est impossible de ne pas tenir compte de l'importance centrale
de l'eschatologie dans le christianisme. Et, dès le ir siècle, la tradition
de la rattacher à la venue du millénaire a été une partie importante de
la pastorale en matière d'eschatologie. Ce n'est pas dans l'Eglise grec
que, où elle avait commencé (Barnabas, Hippolyte), qu'elle a été la plus
forte, mais dans l'Église latine occidentale (Julien l'Africain, Sulpice
Sévère, Grégoire de Tours, Frédégaire, etc.), où chaque fois que se
présentaient des dates telles que 500, 801, l'élite modifiait la chrono
logie pour éviter la date fatidique. Cette tradition rattachait le milléna-
risme classique (la croyance au retour du Messie pour 1 000 ans) au
millénarisme chronologique (la fin du monde à la fin de ce millénaire).
2. Depuis l'époque de Bède (et sûrement depuis l'époque carolin
gienne), la réponse normale aux attentes apocalyptiques populaires
était : attendez l'an mil. QUI A PEUR DE L'AN MIL ? 17
3. Une série d'événements naturels et « surnaturels » a augmenté
les attentes liées à la venue de l'an mil : la comète de Halley (989), de
nombreuses et violentes manifestations de « feu sacré », divers signes
et prodiges racontés en divers endroits. Peut-être n'ont-ils pas été plus
nombreux qu'à l'ordinaire, mais les chroniques du temps y accordent
une grande attention. En même temps, comme le rapporte Abbon de
Fleury et le confirment d'autres sources, la tradition qui prévoyait que
la fin du monde se produirait quand le Vendredi Saint et l'Annonciation
coïncideraient (le 25 mars, 8 des calendes d'avril) connut une grande
diffusion et donna aux années 970, 981 et 992 une intensité eschatolo
gique particulière.
4. Dans plusieurs endroits, des événements historiques ont encore
augmenté cette attente eschatologique. L'Angleterre et la France surtout
montrent les signes d'une attente intense, la première à la suite de l'inva
sion des Danois, la seconde, encore plus forte, parce que la fin de
l'Empire carolingien a réveillé l'idée apocalyptique selon laquelle la fin
de romain amènerait l'Antéchrist. A cela s'ajoutent la multi
plication des sites fortifiés et toutes les tactiques mafieuses de « paci
fication » ainsi permises, ce qui a créé une atm

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