Ravioli cristallins et tagliatelle rouges : les pâtes chinoises entre XIIe et XIVe siècle - article ; n°16 ; vol.8, pg 29-50
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Description

Médiévales - Année 1989 - Volume 8 - Numéro 16 - Pages 29-50
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Françoise Sabban-Serventi
Ravioli cristallins et tagliatelle rouges : les pâtes chinoises entre
XIIe et XIVe siècle
In: Médiévales, N°16-17, 1989. pp. 29-50.
Citer ce document / Cite this document :
Sabban-Serventi Françoise. Ravioli cristallins et tagliatelle rouges : les pâtes chinoises entre XIIe et XIVe siècle. In: Médiévales,
N°16-17, 1989. pp. 29-50.
doi : 10.3406/medi.1989.1134
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1989_num_8_16_1134Françoise SABBAN-SERVENTI
RAVIOLI CRISTALLINS ET TAGLIATELLE ROUGES :
LES PÂTES CHINOISES ENTRE XIIe ET XIVe SIÈCLE
La première manche de l'histoire des pâtes en Chine
En Chine, la transformation sémantique du mot bing (aujour
d'hui, galette, crêpe ou forme) au cours des siècles nous raconte la
première étape de l'histoire des pâtes alimentaires et de leur statut
comme nourritures ceréalières (Sabban, 1990).
Lorsqu'on peut dater les premiers usages alimentaires du blé dans
ce pays, vers le IIIe siècle avant J.-C, les préparations à base de sa
farine sont alors dénommées bing. Ce mot désigne à la fois ce que
nous appellerions aujourd'hui des pâtes alimentaires, mais aussi des
pains levés, cuits à la vapeur, ou encore des galettes rôties sur pla
que. Si bing, dans un premier temps, connote la farine de blé, son
acception s'élargit très progressivement jusqu'à pouvoir désigner toute
une série de préparations ceréalières ayant une forme particulière (Sab
ban, 1990)1. Nous avons ainsi montré que le sémantisme de bing
était en réalité fondé sur l'idée d'une plastique définie, — matériali
sée dans des pains, des galettes et des pâtes alimentaires — , s 'oppo
sant à celle de masses « informes » que sont les bouillies, polenta et
autres porridge en grains entiers, concassés ou moulus. L'évolution
sémantique du terme entre le IIIe siècle avant J.-C. et le VIe siècle après
J.-C. s'explique alors dans l'importance progressive prise par le con
cept de forme au dépens de la référence à la matière composante de
ces préparations.
Mais les choses n'en sont pas restées là. Si au vic siècle, le célè
bre traité d'agriculture Qimin yaoshu contient quatorze recettes de bing
1. L'idée de « forme » est tellement prégnante dans l'acception comprise par bing,
que dans le premier texte contenant des recettes culinaires, le traité d'agriculture Qimin
yaoshu, datant du vi« siècle de notre ère, le chapitre intitulé bing inclut aussi une
recette d'omelette type tortilla espagnole (Sabban, 1990). 30
dont les ingrédients de base, les modes de préparation et de cuisson
sont des plus variés mais témoignent du sens « fondamental » que
nous avons cru bon de lui attribuer, six siècles plus tard, bing a perdu
cette valeur générique. Entre le XIIe et le XIVe siècle, période qui nous
occupe ici, il ne référé désormais qu'à des éléments de pâtisserie (salée
ou sucrée) du type petits pains, galettes, ou crêpes, sens qu'il détient
encore aujourd'hui, et il n'est quasiment plus employé pour désigner
les pâtes alimentaires. Parallèlement, le mot mian dont le premier sens
était, et est encore aujourd'hui « farine (de blé) », apparaît avec une
signification générique proche du composé français actuel « pâtes
alimentaires ».
Cette désignation différenciée de produits jusqu'alors appelés du
même mot traduit bien le besoin à cette époque de nommer une caté
gorie alimentaire qui avait pris de l'importance et de la dissocier d'une
autre avec laquelle elle ne pouvait plus être confondue.
Nous nous proposons donc de faire ici l'analyse de cette « nouv
elle » catégorie, à partir de l'examen de textes de technique culinaire
ou contenant des informations sur les habitudes alimentaires (traités
culinaires, encyclopédie ménagère, descriptions de la vie de la capi
tale, manuel de lecture pour Coréens), mais dont les auteurs ont des
points de vue différents, répartis sur une chronologie allant de 1147
à 13922. Cette époque est marquée à la fois par le souvenir traumat
isant du déplacement en 1126 de la capitale des Song de Kaifeng à
Hangzhou au sud du Yangzi, et par la soumission, en 1279, de
l'ensemble du territoire chinois au pouvoir mongol. Ces deux faits ont
une incidence évidente sur notre propos.
De fait, l'accroissement de la consommation de pâtes de blé, cons
taté par les historiens, résulte en partie de changements d'ordre poli
tique et économique survenus sous la dynastie des Song. Avec l'av
ènement des Song, puis le déplacement de leur capitale à la suite d'une
poussée barbare continue commencée vers le Xe siècle et qui connaît
ra son apogée en 1276 avec la chute de Hangzhou sous la pression
mongole, le centre de civilisation chinoise s'est lentement déplacé vers
le sud (Gernet, 1978 : 13-14), entraînant dans ce glissement une modif
ication des habitudes et des goûts, et favorisant probablement la nais
sance d'une « nouvelle cuisine » chinoise.
Par ailleurs, l'afflux subit de populations venues du nord ayant
des pratiques alimentaires nouvelles provoqua au début des Song du
sud une augmentation du prix du blé. L'administration encouragea
alors sa culture dans les zones sud en exemptant d'impôt ceux qui
s'y consacreraient, ce qui provoqua une extension importante et cons
tante des surfaces cultivées en froment dans ces régions (Zhu Ruixi,
1983 : 3).
2. Compte tenu, bien entendu, de la difficulté à dater certains textes. Nous nous
sommes tenus aux datations couramment proposées par les spécialistes. Du temps de l'ancienne capitale, nous disent les auteurs nostal
giques de la vie d'antan, certaines auberges s'étaient spécialisées dans
la cuisine du midi destinée aux lettrés en mission ou de passage, non
préparés à absorber les mets nordiques. Mais après le transfert dans
le sud, les premiers restaurants de Hangzhou ayant été ouverts par
des personnes originaires de Kaifeng, l'art culinaire venu du froid
s'imposa, et bien vite, saveurs septentrionales et méridionales se trou
vèrent confondues (MLL : 135 ; DCJS : 6). Ces témoignages nous ren
seignent à la fois sur l'élaboration d'une cuisine urbaine, mise au rang
de cuisine nationale, et sur l'existence réelle d'une opposition nord/sud,
traduite sur le plan culinaire, par le topos : les pâtes de blé au nord,
le riz et ses vermicelles au sud (Qian Zhongshu, 1979 : 1169 ; Sab-
ban, 1990).
La disparité des contenus de nos sources, pourtant contemporain
es, n'est pas étrangère à ces inflexions des modes et des tendances
culinaires dépendant à la fois de l'action des hommes et de l'influence
des temps ou des lieux.
Pâtes mouillées, pâtes sèches, « pâtisseries »
Lorsque Meng Yuanlu, réfugié à Hangzhou, se souvient de Kai
feng, l'ancienne capitale des Song du nord, dans le rapport scrupu
leux qu'il rédige des activités de la cité perdue (préface datée de 1148)
(West, 1985), il ne manque pas d'énumérer celles tournant autour des
différents commerces de l'agglomération : cabarets, restaurants, étals
de boucherie, de poissonnerie et... boutiques de bing. Les bing étaient
en effet confectionnés dans ce que nous appellerions des boulangeries-
pâtisseries. Leurs dénominations indiquent qu'ils étaient frits, cuits à
la vapeur, aromatisés au sucre, à la moelle, en forme de chrysanthème
etc. Dans chaque fabrique, plusieurs personnes se relayaient sans arrêt
pour façonner ces gâteaux, les décorer et les enfourner. Mais deux
maisons seulement, les Zhang et les Zheng étaient très prospères, di
sposant d'ailleurs d'une installation dépassant la cinquantaine de
fours3 ! Cette spécialisation démontre qu'au Xlle siècle, le mot bing,
effectivement, désignait des préparations de type pâtisserie et non des
pâtes alimentaires. En revanche, si l'on en croit toujours ce texte, des
plats divers de nouilles, appelés mian, figuraient, avec d'autres mets,
au menu de restaurants spécialisés (DJMHL : 127-130) 4.
3. Cette r

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