Recherche et technologie : Économie et organisation des programmes de recherche « lointains » - Au-delà de la frontière des connaissances - article ; n°1 ; vol.61, pg 99-110
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Description

Revue d'économie industrielle - Année 1992 - Volume 61 - Numéro 1 - Pages 99-110
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Emanuelle Cosena
Dominique Foray
Recherche et technologie : Économie et organisation des
programmes de recherche « lointains » - Au-delà de la frontière
des connaissances
In: Revue d'économie industrielle. Vol. 61. 3e trimestre 1992. pp. 99-110.
Citer ce document / Cite this document :
Cosena Emanuelle, Foray Dominique. Recherche et technologie : Économie et organisation des programmes de recherche «
lointains » - Au-delà de la frontière des connaissances. In: Revue d'économie industrielle. Vol. 61. 3e trimestre 1992. pp. 99-
110.
doi : 10.3406/rei.1992.1442
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rei_0154-3229_1992_num_61_1_1442Chronique : Emanuelle CONES A
Recherche et Technologie Dominique foray
ÉCONOMIE ET ORGANISATION
DES PROGRAMMES DE RECHERCHE
« LOINTAINS »
AU-DELÀ DE LA FRONTIÈRE
DES CONNAISSANCES
Certains ont la particularité programmes de porter recherche, sur des pourtant questions étroitement scientifiques liés et à technologil'industrie,
ques situées largement au-delà de la frontière des connaissances. Ces programmes
dits « lointains » sont donc marqués par une incertitude extrême, qui concerne
à la fois la faisabilité même de la recherche, les coûts et les délais, les marchés
et les produits attendus.
Une illustration exemplaire est le projet récemment annoncé de mise au point
de circuits intégrés, permettant le stockage de 256 Megabits. On mesure mieux
l'éloignement de l'objectif quand on sait qu'à l'heure actuelle, seules les mémoir
es d'une capacité de 1 et 4 Méga sont produites industriellement ; celles de 16 Méga
commencent seulement à être conçues et celles de 64 Mégabits sont encore à l'état
de projet dans l'agenda des chercheurs. « L'objectif 256 » qui suppose l'accom
plissement d'une sorte de « double leap frog », désigne donc une frontière tech
nologique presque insensée. Cet exemple surprend en outre puisqu'il met en évi
dence la possibilité d'une allocation de ressources exclusivement privées (IBM, Si
emens et Toshiba) ; ce qui semble contradictoire avec les caractéristiques d'incerti
tude extrême que l'on vient d'énoncer. La contradiction n'est qu'apparente. En
effet, dans ce secteur, la loi de Moore peut être analysée comme une sorte de
convention de progrès technique, une structure consistante d'anticipation mutuelle
sur le rythme de l'innovation (Foray et Garrouste, 1993), qui détermine un puis
sant effet de réduction de l'incertitude sur les marchés et les produits. L. Benzoni
(1991) a parfaitement analysé cette spécificité du rythme de l'innovation : la loi
de Moore prédit que tous les ans, le nombre de composants dans les circuits inté
grés doublera. La formulation de cette loi en 1964 ne repose sur aucune investiga
tion scientifique. Elle résulte simplement de l'expérience liée à l'évolution techno
logique initiale de la microélectronique, de 1959 à 1964, et fonctionne depuis lors
comme une contrainte exogène qui dicte le rythme et l'orientation de l'innovat
ion. Elle constitue la « convention de progrès technique » de cette industrie, qui
REVUE D'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE — n° 61, 3e trimestre 1992 99 permet d'aligner les anticipations individuelles, favorisant ainsi la coordination
des innovations avec l'amont et l'aval. La loi « présente ainsi les caractéristiques
d'une prophétie auto-réalisatrice car elle s'auto-renforce au cours du temps en rai
son de sa capacité à assurer le succès de ceux qui s'y conforment » (Benzoni, 1991).
Cette loi a écarté en outre d'autres trajectoires technologiques possibles pour
l'industrie en mettant l'accent sur une orientation déterminée : l'accroissement de
la densité des dispositifs (Steinmueller, 1991). Compte tenu de l'existence de cette
convention, il est alors possible d'annoncer un projet, situé largement au-delà de
la frontière des connaissances, avec de bonnes chances que cette annonce consti
tue une sorte de signal qui déterminera le rythme et maintiendra les orientations
de l'ensemble des recherches du secteur. Ainsi, quoique ce programme porte effe
ctivement sur un domaine situé au-delà de la frontière des connaissances, il ne peut
être qualifié de « lointain » : l'incertitude sur les marchés et les produits est réduite,
tandis que l'objectif du projet n'implique pas un changement de paradigme tech
nologique (1). De ce fait, la conception organisationnelle du programme ne se
démarque pas fondamentalement des projets plus classiques dans leurs objectifs
technologiques et leurs horizons temporels.
Dans d'autres secteurs en revanche, les programmes de recherche lointains ne
bénéficient pas de ces mécanismes de réduction de l'incertitude et de préservation
du paradigme technologique existant. D'intéressantes questions apparaissent alors,
à propos de la conception organisationnelle la plus appropriée à la mise en œuvre
de ces projets de longue haleine dans lesquels ni les marchés ni les technologies
ni les institutions ne sont stabilisés. Au-delà de certaines évidences (forte implica
tion des agences publiques de recherche civile ainsi que de l'institution militaire),
la question organisationnelle reste ouverte (2). L'option la plus souvent retenue,
en vue de réaliser une certaine cohérence entre procédures incitatives et mécanis
mes de coordination, est celle de la création d'une entité organisationnelle spécifi
que qui regroupe l'ensemble des acteurs publics et privés intervenant dans le
domaine. Or cette tendance à la concentration technico-industrielle comporte des
risques évidents en ce qui concerne l'efficacité de l'allocation des ressources aux
programmes de recherche. Elle est ainsi sévèrement critiquée aux États-Unis sur
le cas du programme National Aerospace Plane (NASP). La rationalité d'une telle
option est cependant évidente si l'on s'attache à regarder de plus près ce qui est
effectivement réalisé dans le cadre du programme. Autrement dit, un bref détour
par l'analyse des tâches requises pour mener à bien une recherche située très au-
delà de la frontière des connaissances, permet de mieux comprendre la véritable
nature des choix organisationnels effectués. C'est ce petit exercice qui est proposé
ici avec les exemples du NASP et de son équivalent français, le PREPHA ; ceci
en vue de restituer l'un des débats les plus intéressants du début des années quatre
vingt dix, dans le domaine des politiques scientifique et technologique.
(1) II semble que l'on parviendra aux 256 Mbits sur la base des mêmes technologies de conception
et de gravure et du même matériau (le silicium).
(2) La chronique de 1990 portait sur quelques problèmes spécifiques de l'organisation des program
mes de recherche militaire (Foray, 1990). Sur cette question, voir aussi, Cowan et Foray, 1992.
100 REVUE D'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE — n° 61, 3e trimestre 1992 — DE NOUVEAUX OBJECTIFS AÉRONAUTIQUE ET AÉROSPATIAL I.
On pense depuis plusieurs années déjà à la possibilité de réaliser un appareil
capable d'atteindre par ses propres moyens la vitesse de satellisation, tout en décol
lant du sol à la manière d'un avion classique et en y revenant une fois sa mission
accomplie. Le ravitaillement des stations orbitales reviendrait à un prix considé
rablement moins élevé qu'avec les lanceurs à moteur fusée actuels, qui ne sont
ni récupérables ni réutilisables ; un transporteur aérospatial piloté pourrait en effet
effectuer un très grand nombre de vols successifs. Par ailleurs, le même projet
devrait conduire, moyennant certaines modifications, à un appareil de transport
hypersonique, capable de relier deux points de la terre distants de plusieurs mil
liers de kilomètres, à des vitesses de l'ordre de Mach 8 (3).
L'objectif essentiel des recherches sera donc de réconcilier les exigences de per
formance jusque-là contradictoires, respectivement assignées aux engins aéronaut
iques et spatiaux. Il s'agira en un mot d'allier dans la conception d'un engin uni
que les avantages économiques des concepts aéronautiques (coût, rapport de masse,
opérationnalité, maintenance) aux critères de performance des engins spatiaux en
termes de vitesse de vol et d'accessibilité &#

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