Réforme et culture populaire en Béarn du XVIème siècle au XVIIIème siècle - article ; n°2 ; vol.3, pg 183-202
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Description

Histoire, économie et société - Année 1984 - Volume 3 - Numéro 2 - Pages 183-202
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Christian Desplat
Réforme et culture populaire en Béarn du XVIème siècle au
XVIIIème siècle
In: Histoire, économie et société. 1984, 3e année, n°2. pp. 183-202.
Citer ce document / Cite this document :
Desplat Christian. Réforme et culture populaire en Béarn du XVIème siècle au XVIIIème siècle. In: Histoire, économie et
société. 1984, 3e année, n°2. pp. 183-202.
doi : 10.3406/hes.1984.1355
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1984_num_3_2_1355REFORME ET CULTURE POPULAIRE EN BEARN
DU XVIe SIECLE AU XVDIe SIECLE
par Christian DESPLAT
Sur la foi d'exemples peu nombreux et peu sûrs, l'hypothèse d'un protestantisme
destructeur des cultures et des traditions populaires s'est imposée à l'historiographie
contemporaine (1). Au mieux admet-on l'existence d'un folklore « réformé » qui se
serait en entier ou en partie substitué à un fonds immémorial. Outre les démentis que
lui infligent de récents travaux, cette thèse s'inspire d'une problématique qui n'est
certainement pas la seule possible (2).
On lui reprochera en premier lieu une surestimation des effets des dispositions
des Églises-institutions. Celles-ci manquèrent souvent de temps et leur volonté pratique
d'éliminer les cultures dites populaires ne fut pas toujours évidente. Le corps pastoral
soucieux d'une action efficace sut souvent composer et manifester une tolérance non
avouée mais réelle. Trop sensible aux textes et aux institutions normatives, la thèse
de la destruction a par ailleurs sous-estimé les capacités de résistance populaire jusques
et y compris parmi les réformés eux-mêmes. Le cas de Jeanne d'Albret est à cet égard
révélateur des simplifications abusives de l'histoire : la reine de Navarre ne fut pas
toujours, le fut-elle jamais, la huguenote pure et dure de la légende. Le rôle du livre
et de l'écriture mérite enfin d'être lui aussi reconsidéré ; l'écrit n'a pas attendu la Ré
forme pour rencontrer les civilisations orales. Son influence n'est jamais à sens unique
et il vaut mieux la penser en termes de contaminations réciproques plutôt que d'op
pression unilatérale.
Pour être exact, le bilan des rapports entre Réforme et culture populaire devrait
être confronté à celui de la Réforme catholique. En apparence au moins, les intentions
de Rome suivirent et parfois tracèrent le chemin de celles de Genève. Ainsi, la question
peut se poser en termes différents, ceux d'un affrontement entre deux religions d'a
bord, l'une quotidienne mais nullement superficielle ou immobile, l'autre sujette à
variations et à mutations rapides. Ensuite, et plus généralement, la relation fut celle
de deux niveaux de culture, celui de la modernité et celui de la tradition qui n'ont
qu'un rapport lointain avec des classements sociaux inspirés de la fortune seule.
1. Parmi les travaux récents qui renouvellent la problématique, parfois dans une optique « ortho
doxe », citons : P. Chaunu, « Niveaux de culture et réforme », Bull. Soc. Hist. prot. fr. 1972 ; J. Delu-
meau, « Les réformateurs et la superstition », Colloque, L'amiral de Coligny et son temps, Paris,
1972, 1974 ; L. Couder, La lutte du protestantisme contre les superstitions dans La Mort des Pays de
Cocagne, Paris, 1976.
2. La mise en question de Philippe Joutard sur la situation cévenole démontre la nécessité absolue
de rouvrir le dossier. 1 84 HISTOIRE ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ
La situation particulière du protestantisme en Béarn suggère enfin quelques nuan
ces supplémentaires. Quoique la principauté ait été du fait du prince un Etat officie
llement réformé, la Réforme n'y eut jamais les moyens d'imposer ses principes à tous.
Le temps lui fit défaut ; assurée, en droit, par les Ordonnances de 1571, la primauté
du calvinisme était en réalité fragile. Les circonstances politiques la préservèrent
jusqu'en 1599 ; mais dès 1594 les députés de la vallée de Barétous demandaient aux
Etats la restauration du catholicisme. Le nombre manqua également ; au meilleur temps
de la Réforme, 15 % des Béarnais lui furent acquis (3). Dans de telles conditions il est
difficile d'imaginer une destruction durable de pratiques et de rites qui purent consti
tuer des positions de repli pour les catholiques résistants, d'attente pour les timorés.
*
* *
Les formes organisées de la coercition, celles de l'Etat ou des Eglises, sont naturel
lement les plus faciles à décrire. Leur degré de pénétration difficile à apprécier, on ne
peut toutefois pas négliger leur influence. En dépit de son monolithisme apparent,
la société béarnaise d'Ancien Régime offrait suffisamment de clivages pour qu'appar
aissent ou soient justifiées divisions et mépris culturels.
Promulguée en 1563, la Discipline ecclésiastique du Pays de Béarn exprimait le
point de vue doctrinal de l'église béarnaise à l 'encontre du « divertissement » et an
nonçait les ordonnances ultérieures de Jeanne d'Albret. Les articles 7 et 10 du Titre
10 s'en prenaient à des rites essentiels, ceux de la vie et de la mort. Article 7 : « les
ridelles n'assisteront point aux festins que ceux de l'Eglise romaine fairont à l'occasion
de leurs restes, nouvelles messes, anniversaires ou autres choses semblables... » ; Article
1 0 : « les consistoires exhorteront les fïdelles de garder l'humilité chrétienne dans les
enterremens et a en bannir la pompe mondaine, et veilleront à abolir la mauvaise
coutume qui s'observe en divers endroits de faire des festins ensuitte des enterre
mens... » (4). Volontaire ou non, la confusion entre les pratiques de l'église romaine
et les rites de passage conduisait au même résultat ; pour mieux condamner les pre
mières on méprisait l'authenticité des seconds. A cet égard les décisions du synode
de Nay en 1565 étaient de moindre portée : « finalement pour ce qui est de l'enterr
ement des morts dedans les temples, défendu par les loix et les anciens canons, et est
sorti de l'opinion du purgatoire et de la superstition de la prière pour les morts, qu'à
l'avenir les vifs se contentassent d'ensevelir leurs morts aux cimetières... » (5)
3. Voir notre mise au point sur la Réforme en Béarn, dans La Principauté de Béarn, Pau 1980,
chapitre 3 de la première partie.
4. Discipline ecclésiastique du Pays de Béarn, édition Ch. Frossard, Paris, 1 877.
5. Nicolas de Bordenave, Histoire de Béarn et de Navarre, publiée par Paul Raymond, S. H. F.,
Pau 1873, p. 125. Dans un tel cas, la Réforme visait d'abord le dogme romain mais aussi ses prolon
gements populaires. En fait la Réforme elle-même dut composer, voir J.M. Debard, « Piété populaire
et Réforme dans la principauté de Montbéliard du XVIe au XVIIIe siècle : une tentative d'approche
des mentalités religieuses en pays luthérien », 99e Congrès Soc. Sav. Besançon, 1974 et B. Vogler,
« La piété populaire luthérienne dans les pays rhénans au XVIe siècle », dans Le christianisme popul
aire, 1976. ET CULTURE POPULAIRE EN BÉARN 1 85 RÉFORME
En revanche la Discipline et le synode de Nay condamnaient des formes d'expres
sions verbales ou gestuelles fort prisées des Béarnais. L'article 9 de la première demand
ait aux ministres de faire « leur effort pour arracher le scandale que donnent les
comédies ». Sur le thème d'un peuple déchu de sa vertu originelle, idée souvent reprise
par les évêques réformateurs de la fin du XVIIe et du XVIIIe siècles, le synode avait
de son côté interdit : « tant de grandes dissolutions, jeux de hazard, usures, paillardises
et blasphèmes qui règnoient entre son peuple au grand déshonneur de Dieu... » (6)
La volonté de réduire le divertissement, d'en finir avec les « superstitions » romai
nes ou populaires ne fait aucun doute. Les sources ne permettent cependant guère
d'apprécier les effets de l'entreprise ; les sentences du consistoire d'Osse en vallée
d'Aspe démontrent toutefois la persistance du projet et des résistances tenaces. Le
1er décembre 1762 le pasteur Médalon déplorait « qu'on se licencie au grand scandale
de l'église et des gens de bien à dan

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