Henri BERGSON (1907)
L’évolution
créatrice
Un document produit en version numérique par Gemma Paquet, bénévole,
professeure à la retraite du Cégep de Chicoutimi
Courriel: mgpaquet@videotron.ca
dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"
fondée dirigée par Jean-Marie Tremblay,
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi
Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html
Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque
Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi
Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htmHenri Bergson, L’évolution créatrice (1907) 2
Cette édition électronique a été réalisée par Gemma Paquet, bénévole,
professeure à la retraite du Cégep de Chicoutimi à partir de :
Henri Bergson (1907)
L’évolution créatrice.
Une édition électronique réalisée à partir du livre L’évolution créatrice.
Originalement publié en 1907. Paris : Les Presses universitaires de France,
e1959, 86 édition, 372 pages. Collection Bibliothèque de philosophie
contemporaine..
Polices de caractères utilisée :
Pour le texte: Times, 12 points.
Pour les citations : Times 10 points.
Pour les notes de bas de page : Times, 10 points.
Les formules ont été générées par l’éditeur d’équations de
Microsoft Word 2001.
Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2001
pour Macintosh.
Mise en page sur papier format
LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’)
Édition complétée et corrigée le 14 août 2003 à Chicoutimi, Québec
Avec la précieuse coopération de M. Bertrand Gibier, bénévole, professeur de
philosophie, qui a réécrit en grec moderne toutes les citations ou expressions
grecques contenues dans l’œuvre originale : bertrand.gibier@ac-lille.fr.Henri Bergson, L’évolution créatrice (1907) 3
Table des matières
Avertissement à l’édition numérique [JMT]
Introduction
Chapitre I: l'évolution de la vie. – Mécanisme et finalité.
De la durée en général. Les corps inorganisés. Les corps organisés:
vieillissement et individualité
Du transformisme et des manières de l'interpréter. Le mécanisme radi-
cal : biologie et physico-chimie. Le finalisme radical : biologie et
philosophie
Recherche d'un criterium. Examen des diverses théories transformistes
sur un exemple particulier. Darwin et la variation insensible. De
Vries et la variation brusque. Eimer et l'orthogenèse. Les néo-
Lamarckiens et l'hérédité de l'acquis
L'élan vital
Chapitre II: Les directions divergentes de l'évolution de la vie. Torpeur,
intelligence, instinct.
Idée générale du processus évolutif. La croissance. Les tendances diver-
gentes et complémentaires. Signification du progrès et de l'adapta-
tion
Relation de l’animal à la plante. Schéma de la vie animale. Développe-
ment de l'animalité
Les grandes directions de l'évolution de la vie : torpeur, intelligence,
instinct
Fonction primordiale de l'intelligence
Nature de l'instinct
Vie et conscience. Place apparente de l'homme dans la natureHenri Bergson, L’évolution créatrice (1907) 4
Chapitre III : de la signification de la vie. L'ordre de la nature et la Forme de
l'intelligence.
Rapport du problème de la vie au problème de la connaissance. La
méthode philosophique. Cercle vicieux apparent de la méthode pro-
posée. Cercle vicieux réel de la méthode inverse
De la possibilité d'une genèse simultanée de la matière et de l'intelli-
gence. Géométrie inhérente à la matière. Fonctions essentielles de
l'intelligence
Esquisse d'une théorie de la connaissance fondée sur l'analyse de l'idée
de désordre. Les deux formes opposées de l'ordre : le problème des
genres et le problème des lois. Le désordre et les deux ordres
Création et évolution. Le monde matériel. De l'origine et de la desti-
nation de la vie. L'essentiel et l'accidentel dans les processus vitaux
et dans le mouvement évolutif. L'humanité. Vie du corps et vie de
l'esprit
Chapitre IV : Le mécanisme cinématographique de la pensée et l'illusion
mécanistique. Coup d'œil sur l'histoire des systèmes. Le devenir réel et le faux
évolutionnisme.
Esquisse d'une critique des systèmes fondée sur l'analyse des idées de
néant et d'immutabilité. L'existence et le néant
Le devenir et la forme
La philosophie des formes et sa conception du devenir. Platon et
Aristote. Pente naturelle de l'intelligence
Le devenir d'après la science moderne. Deux points de vue sur le temps
Métaphysique de la science moderne. Descartes, Spinoza, Leibniz
La critique de Kant
L'évolutionnisme de SpencerHenri Bergson, L’évolution créatrice (1907) 5
Du même auteur
Aux Presses universitaires de France
Œuvres, en 1 vol. in-8º couronné. (Édition du Centenaire.) (Essai sur les
données immédiates de la conscience. Matière et mémoire. Le rire.
L'évolution créatrice. L'énergie spirituelle. Les deux sources de la morale et
de la religion. La pensée et le mouvant.) 2e éd.
Essai sur les données immédiates de la conscience, 120e éd., 1 vol.in-8º,
de la « Bibliothèque de Philosophie contemporaine ».
Matière et mémoire, 72e éd., 1 vol. in-8°, de la « Bibliothèque de
Philosophie contemporaine ».
Le rire, 233e éd., 1 vol. in-16, de « la Bibliothèque de Philosophie
contemporaine ».
L'évolution créatrice, 118 éd., 1 vol. in-8°, de la« Bibliothèque de
Philosophie contemporaine».
L'énergie spirituelle, 132e éd., 1 vol. in-8°, de la «Bibliothèque de
Philosophie contemporaine ».
La pensée et le mouvant, Essais et conférences, 63e éd., 1 vol. in-8º, de
la « Bibliothèque de Philosophie contemporaine ».
Durée et simultanéité, à propos de la théorie d'Einstein, 6e éd., 1 vol. in-
16, de la « Bibliothèque de Philosophie contemporaine ». (Épuisé)
Écrits et paroles. Textes rassemblés par Rose-Marie MOSSÉ-
BASTIDE, 3 Vol. in-8°, de la « Bibliothèque de Philosophie contem-
poraine ».
Mémoire et vie, 2e éd. Textes choisis, 1 vol. in-8° couronné, « Les
Grands Textes ».Henri Bergson, L’évolution créatrice (1907) 6
Avertissement
à l’édition numérique
Retour à la table des matières
La seule modification apportée à cette œuvre de Bergson est l’ajout des
sous-titres des chapitres dans le corps du texte, pour faciliter la compréhen-
sion de la structure de l’œuvre. Ces sous-titres sont ceux de la table des
matières du livre [JMT]
Ces sous-titres sont en Times 10, vert foncé, dans le corps du texte.Henri Bergson, L’évolution créatrice (1907) 7
L’évolution créatrice (1907)
Introduction
Retour à la table des matières
L'histoire de l'évolution de la vie, si incomplète qu'elle soit encore, nous
laisse déjà entrevoir comment l'intelligence s'est constituée par un progrès
ininterrompu, le long d'une ligne qui monte, à travers la série des Vertébrés,
jusqu'à l'homme. Elle nous montre, dans la faculté de comprendre, une annexe
de la faculté d'agir, une adaptation de plus en plus précise, de plus en plus
complexe et souple, de la conscience des êtres vivants aux conditions
d'existence qui leur sont faites. De là devrait résulter cette conséquence que
notre intelligence, au sens étroit du mot, est destinée à assurer l'insertion
parfaite de notre corps dans son milieu, à se représenter les rapports des
choses extérieures entre elles, enfin à penser la matière. Telle sera, en effet,
une des conclusions du présent essai. Nous verrons que l'intelligence humaine
se -sent chez elle tant qu'on la laisse parmi les objets inertes, plus spéciale.
ment parmi les solides, où notre action trouve son point d'appui et notre
industrie ses instruments de travail, que nos concepts ont été formés à l'image
des solides, que notre logique est surtout la logique des solides, que, par là
même, notre intelligence triomphe dans la géométrie, où se révèle la parenté
de la pensée logique avec la matière inerte, et où l'intelligence n'a qu'à suivre
son mouvement naturel, après le plus léger contact possible avec l'expérience,
pour aller de découverte en découverte avec la certitude que l'expérience
marche derrière elle et lui donnera invariablement raison.Henri Bergson, L’évolution créatrice (1907) 8
Mais de là devrait résulter aussi que notre pensée, sous sa forme purement
logique, est incapable de se représenter la vraie nature de la vie, la signifi-
cation profonde du mouvement évolutif. Créée par la vie, dans des
circonstances déterminées, pour agir sur des choses déterminées, comment
embrasserait-elle la vie, dont elle n'est qu'une émanation ou un aspect ? Dépo-
sée, en cours de route, par le mouvement évolutif, comment s'appliquerait-elle
le long du mouvement évolutif lui-même ? Autant vaudrait prétendre que la
partie égale le tout, que l'effet peut résorber en lui sa cause, ou que le galet
laissé sur la plage dessine la forme de la vague qui l'apporta. De fait, nous
sentons bien qu'aucune des catégories de notre pensée, unité, multiplicité,
causalité mécanique, finalité intelligente, etc., ne s'applique exactement aux
choses de la vie : qui dira où commence et on finit l'individualité, si l'être
vivant est un ou plusieurs, si ce sont les cellules qui s'associent en organisme
ou si c'est l'organisme qui se dissocie en cellules ? En vain nous poussons le
vivant dans tel ou tel de nos cadres. Tous les cadres craquent. Ils sont trop
étroits, trop rigides surtout pour ce que nous voudrions y mettre. Notre
raisonnement, si sûr de lui quand il circule à travers les choses inertes, se sent
d'ailleurs mal à son aise sur ce nouveau terrain. On serait fort embarrassé pour
citer une découverte biologique due au raisonnement pur. Et, le plus souvent,
quand l'expérience a fini par nous montrer comment la vie s'y prend pour
obtenir un certain résultat, nous trouvons que sa manière d'opérer est pré-
cisément celle à laquelle nous n'aurions jamais pensé.
Pourtant, la philosophie évolutionniste étend sans hésitation aux choses de
la vie les procédés d'explication qui ont réussi pour la matière brute. Elle avait
commencé par nous montrer dans l'intelligence un effet local de l'évolution,
une lueur, peut-être accidentelle, qui éclaire le va-et-vient des êtres vivants
dans l'étroit passage o