Ernst Troeltsch : un dépassement des «lumières» / Ernst Troeltsch : Beyond the Enlightenment - article ; n°1 ; vol.89, pg 83-94

Pierre Gisel

Description

Archives des sciences sociales des religions - Année 1995 - Volume 89 - Numéro 1 - Pages 83-94
Troeltsch's works are linked to the modem project of the Enlightenment and of the historicism that followed in its steps, at the same time, his problematic can lead to a reflexive reevaluation. Troeltsch does analyse modernity with a critical eye, but his is an internal criticism. His work may aptly be described as an example of second-degree historicism. Troeltsch's reading of modernity places it in a wide genealogical perspective, especially as far as the religious problematic is concerned. He stresses and analyses the internal differenciations of modern society, the pole constituted by the individual subject, as well as the ambivalence at work everywhere. He concludes his analysis with the project of a cultural synthesis of the present yet to be achieved with the tools offered by a philosophy of history combined to a philosophy of religion that is to be distinct both from theology and from the science of religion.
L'oeuvre de Troeltsch s'inscrit dans le projet moderne des Lumières européennes et l'historicisme qui l'a prolongé, tout en en proposant une problématisation pouvant ouvrir sur une reprise reflexive. Si Troeltsch instruit bien une critique de la modernité, il s'agit donc d'une critique interne. On peut parler à son propos d'historicisme de deuxième degré. Troeltsch y relit la modernité dans une perspective généalogique large, et notamment en fonction de la problématique religieuse. Les différenciations internes à la société moderne, le pôle de l'individu ou du sujet et l'ambivalence de toutes choses sont ici soulignés et réfléchis. Troeltsch ouvre au final sur une synthèse culturelle du présent, à instaurer, et selon une philosophie de l'histoire conjointe à une philosophie de la religion (distincte d'une théologie à proprement parler ainsi que distincte des sciences religieuses).
La obra de Troeltsch se inscribe en el proyecto moderno del siglo de las Luces europeo e historicista al tiempo que propone una problemática que puede permitir el desarrollo de una dinámica reflexiva. Si Troeltsch intruye bien una crítica de la modernidad, se trata, por lo tanto, de una crítica interna. Podemos hablar, refiriéndonos su obra, de un «historicismo de segundo grado». Troeltsch relee la modernidad a partir de una perspectiva genealógica amplia y, sobre todo, en función de la problemática religiosa. Las diferenciaciones internas propias de la sociedad moderna, el polo del individuo o del sujeto y la ambivalencia de toda la realidad es señalado y reflexionado. Troeltsch amplía al final su reflexión sobre «una síntesis cultural del presente» que es necesario intaurar a partir de una filosofía de la historia conjuntamente con una filosofía de la religión (distinta de una teología propiamente hablando y distinta también de las ciencias religiosas)
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Philosophie et théologie

Informations

• Publié par: Archives-des-sciences-sociales-des-religions
• Publié le: 01 janvier 1995
• Nombre de lectures: 28
• Langue: Español
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Pierre Gisel
Ernst Troeltsch : un dépassement des «lumières» / Ernst
Troeltsch : Beyond the "Enlightenment"
In: Archives des sciences sociales des religions. N. 89, 1995. pp. 83-94.
Citer ce document / Cite this document :
Gisel Pierre. Ernst Troeltsch : un dépassement des «lumières» / Ernst Troeltsch : Beyond the "Enlightenment". In: Archives des
sciences sociales des religions. N. 89, 1995. pp. 83-94.
doi : 10.3406/assr.1995.979
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/assr_0335-5985_1995_num_89_1_979Resumen
La obra de Troeltsch se inscribe en el proyecto moderno del siglo de las Luces europeo e historicista al
tiempo que propone una problemática que puede permitir el desarrollo de una dinámica reflexiva. Si
Troeltsch intruye bien una crítica de la modernidad, se trata, por lo tanto, de una crítica interna.
Podemos hablar, refiriéndonos su obra, de un «historicismo de segundo grado». Troeltsch relee la
modernidad a partir de una perspectiva genealógica amplia y, sobre todo, en función de la problemática
religiosa. Las diferenciaciones internas propias de la sociedad moderna, el polo del individuo o del
sujeto y la ambivalencia de toda la realidad es señalado y reflexionado. Troeltsch amplía al final su
reflexión sobre «una síntesis cultural del presente» que es necesario intaurar a partir de una filosofía de
la historia conjuntamente con una filosofía de la religión (distinta de una teología propiamente hablando
y distinta también de las ciencias religiosas)
Abstract
Troeltsch's works are linked to the modem project of the Enlightenment and of the historicism that
followed in its steps, at the same time, his problematic can lead to a reflexive reevaluation. Troeltsch
does analyse modernity with a critical eye, but his is an internal criticism. His work may aptly be
described as an example of "second-degree historicism". Troeltsch's reading of modernity places it in a
wide genealogical perspective, especially as far as the religious problematic is concerned. He stresses
and analyses the internal differenciations of modern society, the pole constituted by the individual
subject, as well as the ambivalence at work everywhere. He concludes his analysis with the project of a
"cultural synthesis of the present" yet to be achieved with the tools offered by a philosophy of history
combined to a philosophy of religion that is to be distinct both from theology and from the science of
religion.
Résumé
L'oeuvre de Troeltsch s'inscrit dans le projet moderne des Lumières européennes et l'historicisme qui l'a
prolongé, tout en en proposant une problématisation pouvant ouvrir sur une reprise reflexive. Si
Troeltsch instruit bien une critique de la modernité, il s'agit donc d'une critique interne. On peut parler à
son propos d'"historicisme de deuxième degré". Troeltsch y relit la modernité dans une perspective
généalogique large, et notamment en fonction de la problématique religieuse. Les différenciations
internes à la société moderne, le pôle de l'individu ou du sujet et l'ambivalence de toutes choses sont ici
soulignés et réfléchis. Troeltsch ouvre au final sur une "synthèse culturelle du présent", à instaurer, et
selon une philosophie de l'histoire conjointe à une philosophie de la religion (distincte d'une théologie à
proprement parler ainsi que distincte des sciences religieuses).de Sc soc des Rel. 1995 89 janvier-mars 83-94 Arch
Pierre GISEL
ERNST TROELTSCH
UN PASSEMENT DES LUMI RES
ASSUMER LA MODERNITE
bien des égards Troeltsch 1865-1923 inscrit dans le prolonge
ment des Eumières et de la modernité Il les assume en tout cas on
pense avant tout la tradition historique et critique dans laquelle il insère
sa prise de position constante en faveur un christianisme qui ne soit pas
inféodé ses origines historiques ou ses premières formulations son plai
doyer pour un rapport au monde soi et absolu qui soit foncièrement
médiatisé où notamment la catégorie de compromis 2) son parti
pris théologiquement assumé pour une reconnaissance de valeurs proprement
modernes on ne saurait rapporter directement au christianisme ni histo
riquement ni essentiellement fût-ce au christianisme considéré sous les
modalités les plus ouvertes du protestantisme ses références Schleierma
cher et son travail délibérément inséré dans une orbite de réflexion post
kantienne sa valorisation du moment mystique inhérent la tradition
chrétienne et au pôle irréductiblement singulier que représentent les indivi
dualités ou les personnalités libres
Eire Troeltsch ce est donc nullement consonner avec une dépréciation
principielle de la modernité on estimerait abord marquée anthropo
centrisme et ce est jamais entendre appel un retour en arrière une
origine plus pure ou plus essentielle est que Troeltsch entend débusquer
toute attitude qui pourrait cacher un recours secret quelque moment su-
pranaturaliste ou apologétique une attitude qui lui paraît finalement inca
pable de faire droit au présent tel il se donne et qui ne peut nourrir
terme que des germes de sectarisation
uvre de Troeltsch ne saurait dès lors faire nombre avec les critiques
de la modernité qui se sont déployées majoritairement après 1914-18 que ce
soit en théologie chez les tenants de la théologie dialectique Karl Barth
et autres 3) et de plusieurs types de renouveaux confessionnels no
tamment 5) ou que ce soit en philosophie chez Heidegger par exemple en
rupture avec les néo-kantismes et leurs recherches épistémologiques arti
culations entre les différentes disciplines ou leur validation de instance cultu-
83 ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS
relie comme telle sur fond de différenciations sociales proprement modernes)
pour ne pas évoquer ici tel ou tel courant qui pu traverser le champ poli
tique Lire Troeltsch hui est expliquer au contraire critique-
ment avec ces héritages qui furent finalement dominants au ur du
XXe siècle et est reprendre du coup certaines questions léguées par la mo
dernité on avait laissées en suspens ou on avait récusées 7)
bien des égards la relecture de Troeltsch actuellement en cours dans
plusieurs orbites culturelles francophone et germanophone 9) mais ita
lienne et américaine aussi me paraît en effet parallèle une réflexion nou
veau ouverte touchant le statut du religieux ainsi que la force des symboles
et la pertinence des héritages ou de la mémoire au ur des généalogies his
toriques concrètes Elle rejoint en outre intérêt encontre de tout totali
tarisme et de toute idéologie globalisante pour une affirmation de la nécessité
des différenciations sociales et pour attention accorder aux différences en
tre savoir esthétique morale ou religion On sait un tel ordre de réflexion
est hui réactivé par la question des frontières de ces différents do
maines ou instances ainsi que par une interrogation touchant leurs interfé
rences ou éventuelles recompositions enseigne une prise de
conscience des limites une raison instrumentalisée technocratique et indû
ment autonomisée il passe également par le souci de ne pas se nourrir un
appel aux seules vertus une critique dite radicale ou par la volonté de
ne pas attribuer une fonction purement protestataire un moment religieux
ou culturel voire esthétique unilatéralement individualisé il fait enfin écho
aux voix qui disent titres divers irréductible pertinence une question
portant sur absolu sur ses promesses comme sur ses déviations spécifiques)
Dans le champ plus spécifiquement philosophique la relecture de
Troeltsch est ainsi pas sans parallèle avec celle de Ernst Cassirer 10 cou
pant avec une dominante de type heideggérien 11)) de Georg Simmel 12
ou de Max Weber coupant avec une dominante de type marxiste 13) ni
non plus par delà avec le retour une interrogation multiforme touchant les
dimensions proprement culturelles de homme 14) individuel et collectif
Dans le même contexte de questions on aussi pu faire résonner certaines
problématiques relues chez Troeltsch et les thématiques centrales de cole
de Francfort 15)
II DEPLACEMENTS ET REPRISE REFLEXIVE
Placer Troeltsch dans le prolongement de la modernité en sa forme clas
sique née avec le XVIIIe siècle et épanouie avec le XIXe entend pourtant
pas dire il la poursuivrait selon une ligne continue sans remise en cause
critique ni sans reprise reflexive ni non plus sans déplacements Troeltsch
me paraît au contraire tout particulièrement habité par la conscience une