La tradition du Miroir des simples âmes au XVe siècle : de Marguerite Porète († 1310) à Marguerite de Navarre - article ; n°4 ; vol.143, pg 1347-1366
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La tradition du Miroir des simples âmes au XVe siècle : de Marguerite Porète († 1310) à Marguerite de Navarre - article ; n°4 ; vol.143, pg 1347-1366

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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1999 - Volume 143 - Numéro 4 - Pages 1347-1366
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 40
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Geneviève Hasenhor
La tradition du Miroir des simples âmes au XVe siècle : de
Marguerite Porète († 1310) à Marguerite de Navarre
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 143e année, N. 4, 1999. pp.
1347-1366.
Citer ce document / Cite this document :
Hasenhor Geneviève. La tradition du Miroir des simples âmes au XVe siècle : de Marguerite Porète († 1310) à Marguerite de
Navarre. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 143e année, N. 4, 1999. pp. 1347-
1366.
doi : 10.3406/crai.1999.16088
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1999_num_143_4_16088COMMUNICATION
LA TRADITION DU MIROIR DES SIMPLES ÂMES AU XV SIÈCLE :
DE MARGUERITE PORÈTE (t 1310) À MARGUERITE DE NAVARRE,
PAR Mme GENEVIÈVE HASENOHR
Le lundi de Pentecôte 1er juin 1310, au terme d'un procès d'In
quisition dont l'instruction, commencée à l'automne 1307, avait
été menée parallèlement à celle de la cause des Templiers, trois
semaines après le tragique autodafé qui avait vu périr dans les
flammes cinquante -quatre de ces malheureux (13 mai), montait à
son tour sur le bûcher en place de Grève celle que l'auteur des
Grandes Chroniques qualifie de « béguine clergesse »', Marguerite
Porète. Sa constance impressionna vivement la foule.
Nous connaissons trois des quinze, ou plus, propositions que le
tribunal lui reprochait d'avoir persisté à soutenir et à répandre, au
mépris de la mise en garde qui lui avait été adressée naguère par
son évêque diocésain (Gui de Colmieu, à Cambrai), dans les
années 1300, lorsque son livre avait été brûlé une première fois à
Valenciennes. Les propositions condamnées seront reprises par le
concile de Vienne2. Elles ne touchent pas au fond de la doctrine,
centrée sur l'anéantissement de la volonté et la transformation de
l'âme dans l'union d'amour, et ne suffisent pas, en elles-mêmes, à
rendre compte de la sentence : l'âme anéantie donne congé aux
vertus, elle ne leur est plus soumise, ce sont elles qui lui obéis
sent; cette âme ne se soucie ni des consolations ni des dons
divins, elle ne doit ni ne peut le faire, car toute son intention est en
Dieu ; l'âme anéantie dans l'amour du créateur peut et doit don
ner à la nature tout ce qu'elle désire, sans remords de conscience.
Il y a un peu plus de cinquante ans, à Londres, Simone Weil,
lisant les mystiques médiévaux (Ruusbroec, lacopone da Todi), pre
nait connaissance, dans une version anglaise modernisée, du
« Miroir des âmes simples » d'un « mystique français du XIVe siècle »3,
1. P. Fredericq, Corpus documentorum Inquisitionis... Neerlandicae, t. II, Gand-La Haye,
1896, texte n° 38.
2. Décrétale /!</ nostrum (1311;.
3. S. Weil. Cahiers d'Amérique et Notes écrites à Londres, regroupés sous le titre posthume
de La connaissance surnaturelle, Paris, Gallimard, 1950, p. 162 et 334, parmi les dernières
notes. COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 1348
encore anonyme, dont la pensée et la sensibilité vibraient à l'unis
son des siennes4.
C'est en 1946 seulement, en effet, que le rapprochement sera
fait entre le Miroir des simples âmes que Simone Weil lut à la veille
de sa mort (22 août 1943) et l'œuvre qui coûta la vie à Marguerite
Porète. Le mérite de cette identification revient à l'historienne
italienne Romana Guarnieri. Et depuis qu'elle a publié, en 1965,
le texte vernaculaire français du Miroir en tant que pièce centrale
d'une remarquable enquête sur la doctrine et le mouvement du
libre esprit (XIIe- XVIIe s.)3, les études sont allées en se multipliant,
portées par le renouveau d'intérêt pour la philosophie et la mys
tique médiévales sensible depuis les années 806. Un tardif, mais
juste hommage est ainsi rendu à la béguine « blessée d'amour »7,
dont la doctrine profonde et subtile, le lyrisme fervent et véhé
ment, reprennent leur vraie place et retrouvent leur vraie
dimension, au sein de la communauté spirituelle et littéraire des
mystiques du Nord8, au-delà des clivages linguistique latin / ver-
naculaires, thiois / roman. Resterait à dire la virtuosité de cer
taines pages9.
4. Par exemple : « Dieu m'a créée comme du non être qui a l'air d'exister, afin qu'en
renonçant par amour à cette existence apparente, la plénitude de l'être m'anéantisse»
(p. 42) ; « Comme les Hindous l'ont vu, la grande difficulté pour chercher Dieu, c'est que
nous le portons au centre de nous mêmes. Comment aller vers moi ? Chaque pas que je fais
me mène hors de moi. C'est pourquoi on ne peut pas chercher Dieu. Le seul procédé, c'est
de sortir hors de soi et de se contempler du dehors. Alors, du dehors, on voit au centre de
soi Dieu tel qu'il est. Sortir de soi, c'est la renonciation totale à être quelqu'un, le consen
tement complet à être seulement quelque chose » (p. 223) ; « La foi est croire que Dieu est
amour et rien d'autre. Ce n'est pas encore la bonne expression. La foi est que la réal
ité est amour et rien d'autre » tp. 222).
5. R. Guarnieri, « II movimento del Libero spirito. Testi e documenti », Archivio italiano
per la Storia délia Pietà 4, 1965, p. 353-708.
6. Le point est fait dans la Nota biliogrqfica qui accompagne l'excellente traduction it
alienne du Miroir publiée par les soins de G. Fozzer, R. Guarnieri et M.Vannini : Margherita
Porete, Lo specchio délie anime semplici. Prima versione italiana commentata con testo medio-
francese afronte, Cinisello B., 1994, p. 107-116 (Classici del Pensiero cristiano, 9). On peut
ajouter, parmi les études les plus récentes, C. Bérubé, L'amour de Dieu selon Jean Duns Scot,
Porète, Eckhart, Benoît de Canfield et les Capucins, Rome, 1997 ; G. Lachaussée, « L'influence
du Miroir de simples âmes... sur la pensée de l'auteur anonyme du Nuage d 'inconnaissance »,
Recherches de Théologie ancienne et médiévale 64, 1997, p. 385-399 ; et bien documenté, M. C.
Sargent, « The annihilation of Marguerite Porete », Viator 28, 1997, p. 253-279, dont on peut
néanmoins hésiter à suivre telle ou telle analyse.
7. Pour reprendre le sous-titre du beau livre de Marie Bertho, Le Miroir des âmes simples
et anéanties de Marguerite Porète. Une vie blessée d'amour, Paris, 1993.
8. La plus belle anthologie de langue française reste celle de J.-B. Poiron, Hadewijch
d'Anvers. Ecrits mystiques des béguines, Paris, 1954 (Points Seuil) ; mais on consultera aussi
G. Epiney-Burgard, E. Zum Brunn, Femmes troubadours de Dieu, Turnhout, 1988.
9. Le chancelier Gersori, peu suspect d'indulgence, juge le livre « incredibili pêne sub-
tilitate...composit[us] » et précise que, s'il s'était agi de décrire l'état des bienheureux, « vix
altius quicquam de divina fruitionc.dici potuerat » (De distinctione spiritum, éd. Glorieux,
t. III, 1962, p. 51 sq.). LE MIROIR DES SIMPLES ÂMES AU XV SIÈCLE 1349
Mais, dans ce concert, les philologues, et particulièrement les
philologues français, sont en retrait et en retard. Malgré la
condamnation qui le frappa, le Miroir des simples âmes fut traduit à
plusieurs reprises au XIV siècle. La genèse et la tradition textuelle
des traductions, aussi bien latine que vernaculaires (anglaise, ita
lienne), ont été retracées, en faisant la part des hypothèses les
renseignements exploitables sont de valeur inégale. L'histoire
externe de la version française originale, elle, n'a pas encore été
entreprise. Les circonstances ne sont pas favorables : du Miroir en
langue d'oïl subsiste en tout et pour tout un manuscrit, actuell
ement conservé au musée Condé, et il n'y a guère d'apparence
qu'un autre exemplaire refasse miraculeusement surface : une
copie du XVIIe siècle a disparu en 1961, lors d'un envoi de la Biblio
thèque municipale de Bourges au Service central des prêts de la
Bibliothèque nationale et n'a jamais été retrouvée ; l'existence
d'un exemplaire du XIV siècle qui serait jalousement gardé par
une communauté religieuse féminine située hors de l'hexagone,
paraît des plus douteuses10. Cer

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