Le lit, la Vierge, la mort - article ; n°3 ; vol.217, pg 607-622
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 2000 - Volume 217 - Numéro 3 - Pages 607-622
Pourquoi y a-t-il souvent, à l'époque moderne comme aujourd'hui encore, des images pieuses dans les chambres à coucher ? À partir d'exemples empruntés pour l'essentiel au monde germanique, ma communication tentera de répondre à cette question. On se tournera donc vers des sources et des documents généralement associés à ce que l'on appelle, non sans ambiguïté, « culture matérielle » : inventaires après décès, scènes d'intérieurs, projets de meubles et, surtout, meubles peints ou sculptés encore visibles aujourd'hui. Assez nombreux et assez fiables, ils révèlent l'importance de la question de la localisation exacte des images dans l'espace domestique et permettent donc de repenser en partie les rapports entre image de dévotion et piété privée.
The Bed, the Virgin and Death : Intimacy, and Devotional Pictures in Early Modern Times
Why were there often pious images in bedrooms in early modern times, as in our time ? Using examples from the Germanic world, this paper will address this question using sources - inventories of furniture, pictures of homes, drafts for pieces of furniture, and most of all, painted and carved pieces of furniture which can still be seen today - associated with what is ambiguously called « culture matérielle. » They are relatively numerous and reliable and stress the importance of the exact location of pictures in domestic space, thus enabling the researcher to partly reassess the relationship between devotional pictures and private piety.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Olivier Christin
Le lit, la Vierge, la mort
In: Revue de l'histoire des religions, tome 217 n°3, 2000. pp. 607-622.
Résumé
Pourquoi y a-t-il souvent, à l'époque moderne comme aujourd'hui encore, des images pieuses dans les chambres à coucher ? À
partir d'exemples empruntés pour l'essentiel au monde germanique, ma communication tentera de répondre à cette question. On
se tournera donc vers des sources et des documents généralement associés à ce que l'on appelle, non sans ambiguïté, « culture
matérielle » : inventaires après décès, scènes d'intérieurs, projets de meubles et, surtout, meubles peints ou sculptés encore
visibles aujourd'hui. Assez nombreux et assez fiables, ils révèlent l'importance de la question de la localisation exacte des
images dans l'espace domestique et permettent donc de repenser en partie les rapports entre image de dévotion et piété privée.
Abstract
The Bed, the Virgin and Death : Intimacy, and Devotional Pictures in Early Modern Times
Why were there often pious images in bedrooms in early modern times, as in our time ? Using examples from the Germanic
world, this paper will address this question using sources - inventories of furniture, pictures of homes, drafts for pieces of
furniture, and most of all, painted and carved pieces of furniture which can still be seen today - associated with what is
ambiguously called « culture matérielle. » They are relatively numerous and reliable and stress the importance of the exact
location of pictures in domestic space, thus enabling the researcher to partly reassess the relationship between devotional
pictures and private piety.
Citer ce document / Cite this document :
Christin Olivier. Le lit, la Vierge, la mort. In: Revue de l'histoire des religions, tome 217 n°3, 2000. pp. 607-622.
doi : 10.3406/rhr.2000.1051
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_2000_num_217_3_1051OLIVIER CHRISTIN
Université de Lyon II
Institut universitaire de France
Le lit, la Vierge, la mort
Intimité et image de dévotion
à l'époque moderne
Pourquoi y a-t-il souvent, à l'époque moderne comme aujourd'hui
encore, des images pieuses dans les chambres à coucher ? À partir
d'exemples empruntes pour l'essentiel au monde germanique, ma
communication tentera de répondre à cette question. On se tournera
donc vers des sources et des documents généralement associés à ce que
l'on appelle, non sans ambiguïté, « culture matérielle » : inventaires
après décès, scènes d'intérieurs, projets de meubles et, surtout,
meubles peints ou sculptés encore visibles aujourd'hui. Assez
nombreux et assez fiables, ils révèlent l'importance de la question de
la localisation exacte des images dans l'espace domestique et
permettent donc de repenser en partie les rapports entre image de
dévotion et piété privée.
The Bed, the Virgin and Death :
Intimacy, and Devotional Pictures in Early Modern Times
Why were there often pious images in bedrooms in early modern
times, as in our time ? Using examples from the Germanic world, this
paper will address this question using sources - inventories of
furniture, pictures of homes, drafts for pieces of furniture, and most of
all, painted and carved pieces of furniture which can still be seen
today - associated with what is ambiguously called « culture
matérielle. » They are relatively numerous and reliable and stress the
importance of the exact location of pictures in domestic space, thus
enabling the researcher to partly reassess the relationship between
devotional pictures and private piety.
Revue de l'histoire des religions, 217 - 3/2000, p. 607 à 622 Dans son happening de 1975, Conscious Vandalism,
Armand Fernandez Arman réussit à caractériser une chambre
à coucher par quelques objets : un lit, bien sûr, mais aussi une
image de religion qui le surplombe, comme si celle-ci faisait
nécessairement partie de cet espace intime particulier1. Sa pré
sence ne nous étonne guère tant elle nous rappelle la banalité
de certaines chambres vues en voyage, ou dans un musée des
arts et traditions populaires, ou dans des hôtels de pays latins
avec leurs pauvres reproductions de madones de la Renais
sance ou leurs crucifix.
Mais cette banalité même soulève une question centrale
pour l'histoire des usages domestiques de l'image religieuse et
de la dévotion privée. Pourquoi les images religieuses - Vierge,
Sainte Famille, saints patrons des habitants, crucifix - pren
nent-elles place de façon privilégiée dans l'espace de la
chambre à coucher, comme l'attestent des sources imparfaites
mais complémentaires et concordantes? Comment penser la
relation qui se noue d'emblée, dès la fin du Moyen Âge, entre
espace domestique (ou personnel puisqu'il peut s'agir aussi de
la cellule d'un religieux), intériorité et image de dévotion ?
L'IMAGE, LA CHAMBRE
Dans son travail sur la Vierge à l'Enfant à Florence au
XVe siècle2, Ronald Kecks remarque que les rares informations
sur la localisation des images dans l'espace domestique dont
nous disposons suffisent à montrer l'importance particulière
de la chambre. Pour preuve, il produit près d'une quarantaine
de scènes d'intérieur du Quattrocento florentin dans lesquelles
1. D. Gamboni, The Destruction of art. Iconoclasm and Vandalism since
the French Revolution, Londres, Reaktion Books, 1997, p. 266.
2. R. G. Kecks, Madonna und Kind. Das huusliche Andachtsbild im Flo-
renz des 15. Jahrhunderts, Berlin. LE LIT, LA VIERGE, LA MORT 609
se remarque la présence de Madones à l'Enfant : là encore, les
scènes de chambre à coucher paraissent être de loin les plus
nombreuses. Des inventaires, par exemple celui des Médicis
en 1492, confirment cette première impression.
Sans doute mesure-t-on ici les effets des coutumes matri
moniales à Florence et notamment de l'obligation faite au
jeune époux de verser des cadeaux maritaux d'un montant
parfois considérable, d'une part, pour la parure de sa femme,
d'autre part, pour la décoration de la chambre nuptiale. Deux
exemples pris au début et à la fin du XVe siècle suffisent à
illustrer l'ampleur de cette contre-dot maritale : en 1410, le fils
de Valorino Ciurianni reçoit 700 florins de dot, mais en
dépense 430 pour vêtir sa femme et 74 pour « faire la
chambre » ; en 1482, Tribaldo dei Rossi dépense 270 florins
pour la parure et la chambre conjugales3. Certaines images
paraissent en outre avoir été commandées et offertes à
l'occasion de mariages, comme le suggèrent les armes des
deux familles sur le cadre ou sur l'image elle-même, dans le
cas de reliefs sculptés notamment4.
La fréquence des images religieuses dans les chambres
n'est cependant pas un trait distinctif de la renaissance florent
ine, pas plus d'ailleurs que le lien entre image et mariage. À
Lyon ou à Anvers, les inventaires après décès des xvie-
xvif siècles, et même au-delà, apportent de nombreux exemp
les confirmant la singularité des pièces destinées en grande
partie au repos, au sommeil et à la sexualité, dont l'aménage
ment et la décoration se distinguent des autres pièces de la
maison. Plus de la moitié des images religieuses saisies par les
inventaires lyonnais de la seconde moitié du xvne siècle se
trouvent ainsi dans des chambres5. Certes, la destination des
pièces n'est pas toujours évidente ni même bien définie : les
3. C. Klapisch-Zuber, La maison et le nom. Stratégies et rituels dans
l'Italie de la Renaissance, Paris, ehess, 1990, p. 189 sq.
4. R. G. Kecks, Madonna und Kind.
5. F. Asloune, Prier chez soi à Lyon, dans le Lyonnais et le Beaujolais
au xvíř siècle, maîtrise Université de Lyon II, sous la direction de Franç
oise Bayard, 1998. Je remercie Fadila Asloune de son aide précieuse. 610 OLIVIER CHRISTIN
meubles nomades6 transforment l'apparence et la fonction
d'une pièce au gré des besoins ou des heures de la journée.
Les inventaires d'ailleurs ne proposent que des distinctions
sommaires et souvent peu explicites : « salette », « comptoir »,
cabinet, « Kamin », « chambre ». En outre, l'accumulation
des images de toutes sortes et de tous types dans certains inté
rieurs anversois, très précoce, tend parfois à brouiller les pis
tes en multipliant les exemples et les exemplaires : Michael
Van de

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