LE TRAVAIL - SANS SATISFACTION, QUE DEVIENT-IL?
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LE TRAVAIL - SANS SATISFACTION, QUE DEVIENT-IL?

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LE TRAVAIL - SANS SATISFACTION, QUE DEVIENT-IL?
Source: LAPLANTE, Laurent.
Revue Notre-Dame
, Vol. 100, No. 11, Décembre 2002.
À force de valoriser le travail, est- ce qu'on va trop loin? Le débat s'intensifie depuis quelque temps et il ne
semble pas vouloir s'apaiser. Dans un camp, il y a ceux et celles qui exigent que chaque personne fasse
sa part. Ceux-là détestent tout ce qu'ils identifient à la paresse et ils ne voient pas pourquoi une société
devrait traîner à son crochet les personnes qui ne travaillent pas. Dans l'autre camp, on refuse de punir les
gens qui font leur possible sans parvenir à se trouver un emploi. Entre ces deux positions tranchées, la
discussion fait surgir des nuances. On verra une différence, par exemple, entre le paresseux et le
malchanceux, entre celui qui ne se donne pas la peine de chercher un emploi et celui qui, faute de
qualifications scolaires ou d'expérience, ne parvient pas à s'insérer dans le monde du travail.
Puis, on ajoute des nuances aux nuances: on accepterait d'aider ceux qui se disent malchanceux ou trop
peu qualifiés, mais à condition qu'ils retournent aux études ou améliorent leurs apprentissages. Beaucoup
de programmes sociaux professent de telles exigences. Cela peut entraîner comme conséquence qu'il n'y
a pas de vie digne de ce nom pour la personne qui n'a ni emploi ni désir de travailler, pas d'existence
légale si on ne fait pas partie ou de la population active ou des gens qui cherchent un emploi, peu ou pas
de droits pour quiconque n'a ni revenu d'emploi ni impôt à payer. Le travail a-t-il comme sens et comme
rôle de déterminer qui existe et qui est mort?
Malgré les nuances et les nuances sur les nuances, il est clair qu'une certaine méfiance persiste dans
notre société à l'égard de ceux et de celles qui n'ont pas de gagne-pain quantifiable. On regarde même
de travers les gens qui ont l'air de manquer d'enthousiasme au travail. Tout se passe comme si, dès sa
naissance, chaque personne avait conclu un contrat moral avec la société et s'était engagée à travailler.
Forcément, on s'étonne et même on se scandalise si des gens, liés par ce genre de contrat moral,
n'éprouvent pas de véritable satisfaction à échanger leur force de travail contre une rémunération.
Pourtant, qu'on l'admette ou pas, le travail procure parfois si peu de satisfaction que le chômage et
l'assistance sociale paraissent préférables, aux yeux de certains ou pendant certaines périodes, à un
emploi mal rémunéré, épuisant, démoralisant. Cela, on le reconnaît et on ne nie pas qu'il y ait des emplois
qui donnent presque la nausée, mais cela, répètent et martèlent ceux et celles qui exigent le travail de
tous, ne doit pas servir d'excuse. La méfiance des citoyens les plus intransigeants ne désarme pas
aisément à l'égard des gens sans emploi: «On ne vous demande pas d'aimer l'emploi qui vous est offert ni
d'y trouver votre satisfaction. On vous demande de travailler.» Ce à quoi certains répliquent, sans toujours
convaincre, que le travail est un droit et non pas un devoir. Pour ceux-là, c'est de l'esclavage que de
soumettre un être humain à un système social construit par et pour des exploiteurs.
Si le monde de l'emploi ne procure une satisfaction qu'aux gens déjà favorisés par la richesse, l'instruction
ou le milieu familial, doit-on imposer un travail dépourvu de sens et de satisfaction aux marginaux, aux
démunis, aux vulnérables? Car la question se précise: s'il ne procure pas de satisfaction, que devient le
travail? On voit la conséquence qui s'y rattache: que doit faire une société face à ceux de ses citoyens qui
expliquent leur inactivité par l'insatisfaction qu'ils trouvent au travail? On revient ainsi, par un autre
parcours, à la question de départ: quand un individu ne parvient pas à trouver un sens à son travail, doit-
on admettre qu'il ne tirera jamais de ce travail une satisfaction même minimale? Ne devrait-on pas alors le
laisser tranquille et lui offrir de quoi survivre? Il donnera autre chose que du travail.
Ces questions sur la satisfaction au travail n'intéressent pas tout le monde. En tout cas, tous ne les
interprètent pas pareillement. Pour beaucoup, c'est un débat stérile et même un peu honteux. Se poser ce
genre de questions montrerait qu'une certaine éthique a disparu. Le travail, valeur universelle, ne recevrait
plus le respect que les générations précédentes lui ont accordé. L'important, selon cette opinion, c'est de
comprendre que le travail, auquel on reconnaît du bout des lèvres la dignité d'un droit, est surtout un
devoir. L'obligation est là: chacun doit travailler, sinon il agit de façon contraire à l'éthique et il se soustrait
aux responsabilités imposées par l'existence à tout être humain.
On admettra que cette manoeuvre est habile, du moins pour ceux qui font travailler les autres. De cette
manière, en effet, les employeurs n'ont plus à se préoccuper de la satisfaction ou de la frustration que les
gens retirent de leur travail. L'éthique remplace l'introuvable satisfaction, s'adresse à la conscience de
chacun et lui intime l'ordre de travailler. Le marché, forcément, trouve son avantage dans cette méthode
qui lui permet d'extraire du travail même des gens auxquels il ne procure ni satisfaction ni dignité ni même
une rémunération décente. Quand, en plus, le marché détermine quelles activités humaines seront
valorisées et rémunérées, la boucle est bouclée.
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