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Les vrays
exercices
de la bienheureuse sœur
Marie de l’Incarnation.
Composez par elle mesme.
Très propres à toutes Ames qui désirent
ensuyvre sa bonne vie.
Seconde édition.
A Paris
Chez Denis Moreau
rüe Sainct Jacques à la
Salamandre
M.DC.XXIII.
Avec privilège du Roy.
LE COMMENCEMENT DE CET EXERCICE SERA PROPRE POUR CONFESSER
ET RECOGNOISTRE SON NÉANT ET PAUVRETÉ SPIRITUELLE, ET S’OFFRIR
1DU TOUT A DIEU
2 Hélas ! mon Dieu , qui suisje, qui me viens pr ésenter devant vostre divine
Majesté ? & qui estesvous qui me supportez ? j’en suis du tout indigne : mais la [3v]
confiance que j’ay en vous me faict prendre telle hardiesse, pour vous remercier
infiniment de tous les b énéfices que j’ay oncques receus de vostre paternelle bont é
& mis éricorde, spécialeme[n]t des b énéfices de cr éatio[n], rédemption, justification,
glorification & particuli ère vocation, et pareillement de ce que m’avez pr éservé de
tant de dangers, esquels je fusse tomb é sans vostre ayde & sp éciale grâce. Que
vous donneray je doncques, mon Dieu, pour iceux, moy qui n’ay rien ? Je vous offre
mon âme, afin qu’il vous plaise la rendre du tout aggr éable à vostre Majesté, mon
enten[4r]dement à vous cognoistre, ma volont é à vous aymer & ma m émoire à ne
vous oublier jamais.
Je vous offre mon Dieu, ma volont é dessusdite, que je ne veux plus faire &
ensuivre, ains la remettre totalement à la vostre, affin que je n’en aye plus du tout.
Je m’offre à vouloir effectuer du tout, ce que le benoist S. Esprit demande de moy,
je vous offre particuli èrement une parfaicte abnégation de moymesme, avec un
3retranchement de tous plaisirs se[n]suels. Je m’offre et r ésigne a estre privé de
toutes co[n]solations & d évotions sensibles, qui ne sont [4v] aucunement
nécessaires à mon salut : je m’offre d’abondant à supporter volontaireme[n]t toutes
sortes d’adversitez, à souffrir aussi maladies, confusions, peines, tribulations,
pressures de coeur, & g énéralement tout ce qu’il vous plaira m’envoyer en temps &
éternité. 4 Maintenant, mon Dieu , je suis tout à vous, c’est pourquoy je prendray la
hardiesse de demander non seulement vos dons et vos gr âces, mais aussi vous
mesme, & sp écialement en la réception de vostre trèspr écieux corps, en ce S.
Sacrement que je désire recevoir pour estre plus parfaicte[5r]ment conjoinct et uny
avec vous. H élas ! mon Dieu, combien mes p échez m’en rendentils indigne ?
Seigneur, vous le cognoissez beaucoup mieux que moy.
On fera icy une r écollection succcincte de ses fautes & imperfections, & on en
produira une contrition de cœur, en les jettant dans les playes sanglantes de ce bon
Seigneur, avec grande recognoissance de soy mesme, parlant à Dieu en la manière
qui s’ensuit ce qui servira d’exercice pour faire l’examen de sa conscience le soir et
5matin, ou devant que se présenter au sainct Sacrement de P énitence.
Hélas ! mon Dieu, il me desplaist grandement, [5v] que je ne puis passer ceste vie
présente, sans tomber en une infinit é d’imperfectio[n]s, c’est pourquoy je m’humilie
devant vous, & ne s çay que dire ou faire, sinon que je fleschis les genoux de mo[n]
cœur, j’humilie mon âme, & sousmets toutes ses puissances à vous seul, qui les
pouvez r éformer, & recognois mes p échez estre tr èsgriefs & énormes: car j’ay
péché contre vostre saincte Majesté, & ay mal faict en vostre pr ésence.
J’ay p éché contre vous, Seigneur, mon trèsb énin Créateur contre vous disje, qui
m’avez cr éé à vostre image & sembla[n]ce me donnant [6r] tant de cr éatures pour
mon usage & service, & me faisant capable de vous mesme: h élas ! mon Dieu, il me
desplaist fort de vous avoir tant offenc é.
J’ay p éché contre vous, ô bonté infinie ! qui estes mon tr ès doux R éde[m]pteur,
vous, disje, qui estant infiniment z élateur de mon salut, ne m’avez point voulu
perdre, mais estes descendu du Ciel en terre, pour endurer tant de travaux et
tourments comme vous avez faict, afin de me r éconcilier à vostre Père céleste, &
satisfaire pour moy à sa divine justice : c’est pourquoy d ésirant de jouyr de ses
grâces & b énéfi[6v]ces, je m’y dispose, en vous criant mercy des fautes par moy
commises.
J’ay p éché contre vous, mon Dieu, qui estes mon tr èsamoureux bief[n]aicteur,
contre vous, disje qui non content de m’avoir donn é tous vos do[n]s & gr âces, vous
vous estes donn é prodigalement vous mesme à moy, en ce très v énérable & tr ès
auguste Sacrement de l’Autel, auquel j’espère & d ésire m’unir, afin que je vous
demande pardon du plus profond de mon cœur, de tant d’ingratitudes par moy
comises contre vous.
Hélas ! Seigneur, combien de fois me suisje monstr é [7r] ingrat, desloyal &
infidèle en vostre prese[n]ce ? c’est pourquoy je cognois et confesse que je suis une
créature très indigne, je ne suis que pouldre et cendre, je ne suis rien, mon Dieu, et
pour ceste cause, je vous supplie tr èshumblement avoir piti é de moy, qui suis si
misérable, execrable, détestable, abominable devant vostre Majesté. Je prens, ô
doux J ésus ! tous les p échez qui sont en moy, & les plonge dans vos tr èsch ères
playes, pour estre perdus & an éantis ; je les jette, mon bienaym é, dans le feu
admirable de vostre divin amour, affin qu’il vous plaise [7v] les annichiler &
consommer enti èrement.
Je les jette, mon Dieu, da[n]s le feu sacr é de vostre sainct amour, afin qu’il vous
6plaise les suffoquer & submerger, afin qu’il n’en soit plus parl é , ô ! pleust à vostre
souveraine bo[n]té que je ne vous eusse jamais offens é, mais au contraire que j’eusse co[n]servé mon âme en ceste pureté et innocence, de laquelle l’aviez
embellie après le Baptesme, ô ! mon Dieu, que je suis dolent & marry, de ce que
jusques aujourd’huy j’ay servy au monde, aux p échez, & à la vanité, & par ce moyen
ay beaucoup empesche en moy les effects de [8r] vostre saincte gr âce.
Mais à la mienne volonté, mon bienaym é Jesus, que je vous eusse est é tout le
temps de ma vie plaisant & agr éable, & que j’eusse tousjours condescendu à vos
sainctes inspirations & volontez : je propose & d élibère, mon Dieu, moyennant vostre
grâce fuyr & éviter doresnavant tout ce qui vous desplaist, & suis prest & appareill é
d’endurer mille morts, s’il estoit possible, plustost que vous offencer, & commettre
une petite imperfection, que je cognoistray vous estre desagr éable.
Hélas ! mon doux Jesus [8v] pardonnez moy, s’il vous plaist, toutes les offences
que j’ay commises depuis l’heure que ie suis nay jusques à présent, & ce par les
mérites de vostre saincte humanit é, de vostre trèssacr ée mère, & de tous vos
esleus.
Continuation de cet exercice, qui servira de préparation avant que célébrer la
saincte Messe, ou communier.
Lavez moy, mon doux J ésus, de vostre précieux sang, guarissezmoy, & me
sanctifiez parfaictement, affin que je puisse estre dispos é à recevoir non seulement
ce très sainct et tr ès v énérable Sacrernent, mais [9r] aussi la vertu & efiicace
d’iceluy; ce que je ne puis faire, si mon âme n’est purifiée de toutes sortes de vices et
péchez : au moyen de quoy ressentant en moy une infinit é de fautes & imperfections,
je suis incit é à, me présenter audit Sacrement, esp érant par iceluy, comme par une
Hostie & offrande de douceur, estre purg é & nettoy é de tout péché.
Il faut icy former un acte de contrition de ses p échez, non seulement pour soy
mesme, mais aussi pour autruy.
D’avantage, Seigneur la multitude & nombre infiny de mes infirmi[9v]tez, avec le
désir que j’ay du salut de mon âme, m’excite à vous inviter comme mon M édecin,
pour recevoir ceste m édecine propre pour y rem édier.
L’affliction que j’ay de voir que je ne puis me contenir de vous offencer, & me tenir
uny et conjoi[n]ct à vous par amour, me faict d ésirer vostre pr ésence, affin qu’il vous
plaise m’en délivrer. Outre, le désir que j’ay d’obtenir quelque gr âce spéciale &
particulière de vous, me fait approcher de vostre pr ésence, à ce qu’estant uny à
vostre majesté, j’obtienne plus facilement par vous auquel [10r] le P ère éternel ne
peut rien dénier, ce que je demande.
Premièrement, une lumière intérieure, pour cognoistre vostre bon plaisir, volont é
de le faire, la puissance de l’exécuter & gr âce pour m’assister, un ornement de
toutes les vertus requises & n écessaires pour reposer vostre amour: comme une
parfaicte obédience, pauvreté Évangélique, chasteté immaculée, très profonde
humilité, pacifique simplicité, & s éraphique charité, une profonde révérence vers
vostre Majesté, un mépris de moy mesme, un d ésir d’estre mes[10v]pris é &
contemné, un désir tr ès ardant d’endurer, une parfaicte abn égation de moymesme
une promptitude de volonté à supporter esgallement toutes choses, tant en
adversité, qu’en prospérité, la vertu de mansuétude douceur, & debonnairet é, une grande bénignité & compassion int érieure de toutes les n écessitéz, afflictions &
tribulations de mes prochains, une lib éralité extérieure envers eux une forte vigilence
en tous mes exercices, la sobri été & temp érance pour en s çavoir user comme il faut
& auta[n]t qu’il est n écessaire pour m’unir à vous [11r], la chastet é de cœur &
d’affection, & finallement un amour envers vous, aussi grand que toutes les cr éatures
vous s çauroient porter.
7 D’abondant, mon Seigneur , le désir que j’ay de vous remercier de tous les
bénéfices que j’ay receus de vostre Majest é m’excite à la réception de ce très
vénérable Sacrement, veu que n’avons rien pour vous don[n]er de plus propre que le
Calice de celuy qui a op éré nostre salut en ce Sacrifice, une Hostie de louange, à
sçavoir J ésusChrist, en ce dessusdit tr èssainct & tr èsauguste Sacrement.
Il faudra en après remercier [11v] Dieu, des b énéfices de création, rédempt