Remarques sur l'iconographie de Constantin. À propos du remploi de portraits des «bons empereurs» - article ; n°2 ; vol.103, pg 785-806

Cécile Evers

Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité - Année 1991 - Volume 103 - Numéro 2 - Pages 785-806
Cécile Evers, Remarques sur l'iconographie de Constantin. À propos du remploi de portraits des «bons empereurs», p. 785-806. Les bases de l'iconographie de Constantin sont beaucoup plus fragiles qu'on ne l'a cru jusqu'à présent. En effet, sur son arc de triomphe, les portraits des tondi ne sont que des images à peine retouchées d'Hadrien, suivant le type II, créé en 118 - ce qui nous permet par ailleurs de redater ces reliefs au tout début du règne et non en 138. De même, les portraits de la Grande frise trajane se surimposent à des têtes de Trajan du «type Mariemont». Le colosse de la Basilica Nova est lui aussi un portrait retravaillé d'Hadrien, cette fois du type III - provenant peut-être originellement du temple de Vénus et de Rome. Il est tout aussi difficile de retrouver une (v. au verso) œuvre entièrement constantinienne dans les autres portraits du nouvel empereur. Le fils de Constance Chlore a ainsi habilement récupéré, outre le marbre, la charge iéologique des portraits des «bons empereurs» du IIe siècle.
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: MELANGES_DE_L-ECOLE_FRANCAISE_DE_ROME
• Publié le: 01 janvier 1991
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Extrait

Cécile Evers
Remarques sur l'iconographie de Constantin. À propos du
remploi de portraits des «bons empereurs»
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 103, N°2. 1991. pp. 785-806.
Résumé
Cécile Evers, Remarques sur l'iconographie de Constantin. À propos du remploi de portraits des «bons empereurs», p. 785-806.
Les bases de l'iconographie de Constantin sont beaucoup plus fragiles qu'on ne l'a cru jusqu'à présent. En effet, sur son arc de
triomphe, les portraits des tondi ne sont que des images à peine retouchées d'Hadrien, suivant le type II, créé en 118 - ce qui
nous permet par ailleurs de redater ces reliefs au tout début du règne et non en 138. De même, les portraits de la Grande frise
trajane se surimposent à des têtes de Trajan du «type Mariemont».
Le colosse de la Basilica Nova est lui aussi un portrait retravaillé d'Hadrien, cette fois du type III - provenant peut-être
originellement du temple de Vénus et de Rome. Il est tout aussi difficile de retrouver une
(v. au verso) œuvre entièrement constantinienne dans les autres portraits du nouvel empereur.
Le fils de Constance Chlore a ainsi habilement récupéré, outre le marbre, la charge iéologique des portraits des «bons
empereurs» du IIe siècle.
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Evers Cécile. Remarques sur l'iconographie de Constantin. À propos du remploi de portraits des «bons empereurs». In:
Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 103, N°2. 1991. pp. 785-806.
doi : 10.3406/mefr.1991.1735
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5102_1991_num_103_2_1735CÉCILE EVERS
REMARQUES SUR L'ICONOGRAPHIE
DE CONSTANTIN
À PROPOS DU REMPLOI DE PORTRAITS DES «BONS EMPEREURS»1
Depuis les études de R. Delbrueck et de H. P. L'Orange, toute l'icono
graphie de Constantin le Grand repose sur deux œuvres auxquelles on a
tenté de rattacher diverses répliques : d'une part, la tête de l'empereur du
tondo hadrianique de la chasse au sanglier2 (fig. 1) et, d'autre part, la sta
tue acrolithe colossale retrouvée dans la basilica nova et conservée dans
la cour du Palais des Conservateurs3 (figg. 5, 7).
Cependant, l'image que ces portraits nous livrent n'est peut-être pas
aussi purement constantinienne qu'on ne l'a cru jusqu'à présent.
1 Mes remerciements les plus vifs s'adressent au Professeur J. Ch. Balty pour
avoir aimablement accepté de relire le manuscrit et m'avoir fait part de ses pré
cieuses remarques, et au Professeur N. Hannestad pour sa relecture critique. Outre
les sigles préconisés par X Archäologische Bibliographie (1989), j'utiliserai les abré
viations suivantes :
- Delbrueck, Spätantike Kaiserporträts = R. Delbrueck, Spätantike Kaiserport
räts. Von Constantinus Magnus bis zum Endes des Westreichs, Berlin, 1933.
- L'Orange, Studien : H. P. L'Orange, Studien zur Geschichte des spätantiken
Porträts, Oslo, 1933.
-Herrscherbild III. 4 = H. P. L'Orange, Das spätantiken Herrscherb
ild von Diokletian bis zu den Konstantin-Söhnen (284-361), Berlin, 1984 (= Das
römische Herrscherbild, III. 4).
- Koeppel = G. M. Koeppel, Die historische Reliefs der römischen Kaiserzeit IV.
Stadtrömische Denkmäler unbekannter Bauzugehörigkeit aus hadrianischer bis
konstantinischer Zeit, dans BJb, 186, 1986, p. 1-90.
- Kapitol I = Kl. Fittschen-P. Zanker, Katalog der römischen Porträts in den
Capitolinischen Museen (. . .) I. Kaiser- und Prinzenbildnisse, Mayence, 1985.
2 Koeppel, p. 27 n° 5 (bibliographie p. 33-34); P. Zanker, Kapitol I, n° 122 répli
que Al ; L'Orange, Herrscherbild III. 4, pl. 34-36.
3 Zanker, Kapitol I, n° 122 (avec toute la bibliographie antérieure), pi. 151-152.
MEFRA - 103 - 1991 - 2, p. 785-806. 786 CÉCILE EVERS
1 - Les rcwz)/ hadrianiques4
Le tondo de la chasse au sanglier fait partie d'une série de huit reliefs
remployés par Constantin pour la décoration de son arc de triomphe.
L'empereur a réutilisé de la même manière, on le sait, des morceaux de la
grande frise trajane5 et des panneaux de Marc Aurèle6, suivant en cela un
programme idéologique précis puisqu'il a manifestement opéré une sélec
tion dans ce qui se trouvait alors à sa disposition7.
Si tout le monde s'accorde, à présent, pour dater les tondi de l'épo
que hadrianique, les interprétations et les datations plus précises varient
fort. Sur les huit reliefs, quatre représentent des scènes de chasse et quat
re des scènes de sacrifice. L'accent est donc mis sur la virtus et la pietas
de l'empereur. Y chercher des allusions précises à des chasses historiqu
ement attestées 8 est un exercice vain : Hadrien a chassé depuis son plus
jeune âge et notre documentation est à cet égard bien lacunaire. Les asso
ciations proposées sont hasardeuses9, et une telle tentative ne tient pas
compte du côté hautement symbolique des reliefs romains. Quoi de plus
naturel que d'employer la chasse comme manifestation de la virtus impér
iale, comme Hadrien l'a d'ailleurs fait sur ses monnaies et médailles?10
4 La dernière synthèse à leur sujet est celle de M. T. Boatwright, Hadrian and
the City of Rome, Princeton, 1987, p. 190-202.
5 A. M. Leander-Touati, The Great Trajanic Frieze. The Study of a Monument
and of the Mechanisms of Message Transmission in Roman Art, Stockholm, 1987 (=
Ada Instituti Romani Regni Sueciae, ser. in-4°, XLV).
6 Koeppel, cat. n° 26-33, p. 56-75 (avec bibliographie antérieure).
7 Nous en sommes en tout cas sûrs pour les reliefs auréliens puisqu'on en a
retrouvé encore trois au XVIe siècle, dans l'église S. Martina, qui ont conservé les
portraits de Marc Aurèle intacts. Voir : Koeppel, cat. n° 23-25, p. 47-56.
8 H. Bulle, Ein Jagddenkmal des Kaisers Hadrian, dans Jdl, 34, 1919, p. 144-172,
sp. p. 148-151.
9 Sur ce point, je suis totalement l'argumentation de J. Aymard, Essai sur les
chasses romaines des origines à la fin du siècle des Antonins (Cynegetica) , Paris,
1955, p. 527-537 (plus spécialement p. 530-532).
10 E. Condurachi, Les «tondi hadrianei» de l'arc de Constantin, dans Atti del se
ttimo Congresso internazionale di archeologia classica, voi. II, Rome, 1961, pi. II,
fig. 4-5, reprises par Boatwright, op. cit., fig. 53 a-b, p. 198. Pour un sesterce, voir
Strack II, p. 129, η°491. Dans la sphère privée, cette symbolique sera utilisée sur
toute une série de sarcophages : B. Andreae, Die römischen Jagdsarkophage, Berlin,
1980 (= ASR, V. 2); G. Koch et H. Sichtermann, Römische Sarkophage, Munich,
1982, p. 92-97. REMARQUES SUR L'ICONOGRAPHIE DE CONSTANTIN 787
Le terminus post quern de 132 (retour du deuxième voyage d'Orient) par
fois proposé sur cette base me semble donc devoir être écarté.
Un moyen plus séduisant d'approcher une chronologie plus précise
consiste à chercher à identifier les personnages représentés. L'étude de
ces têtes a été entreprise systématiquement, dès 1910, par Salomon Rei
nach11, à partir de moulages conservés au Musée des antiquités national
es à Saint-Germain-en-Laye. Depuis lors, pas moins de cinq identifica
tions ont été tentées, sans qu'un consensus ait jamais pu être atteint.
En 1932, Carl Blümel a retrouvé la tête manquant sur le tondo du sacrifice à
Hercule et, l'associant à celle du compagnon d'Hadrien dans la scène du à
Apollon, proposa d'y reconnaître Antonin le Pieux en tant que successeur dé
signé12. L'avantage de cette théorie est double : elle permet d'interpréter ce cycle
de reliefs comme un monument dynastique, et le date précisémment d'entre le 25
février (adoption d'Antonin) et le 10 juillet 138 (mort d'Hadrien).
Cependant la ressemblance entre ces deux têtes n'est que générique u : l'indice
capillaire est similaire mais non identique (particulièrement sur le front), les poils
de la barbe partent dans des sens différents - vers le bas sur la tête de Berlin, vers
l'arrière pour l'autre - et, plus grave pour un même personnage, les oreilles sont
entièrement dissemblables.
De même, l'associtation au futur empereur Antonin le Pieux est plutôt fragile.
Elle a d'ailleurs été mise en cause, dès l'année suivante, par Fr. von Lorentz et a
également été réfutée peu après par Max Wegner14. Parmi les points essentiels,
notons un d