Rituel taoïste et légitimité politique - article ; n°1 ; vol.84, pg 99-109
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Description

Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient - Année 1997 - Volume 84 - Numéro 1 - Pages 99-109
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

John Lagerwey
Rituel taoïste et légitimité politique
In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 84, 1997. pp. 99-109.
Citer ce document / Cite this document :
Lagerwey John. Rituel taoïste et légitimité politique. In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 84, 1997. pp. 99-
109.
doi : 10.3406/befeo.1997.2474
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_1997_num_84_1_2474Rituel taoïste et légitimité politique
John LAGERWEY
Les recherches menées depuis dix ans, sur les Ming en particulier, mais également
sur les Cinq Dynasties, ainsi que sur les origines du panthéon taoïste, permettent de
mieux cerner le problème du rapport entre le taoïsme religieux et l'État. Je tenterai
notamment de répondre à la question suivante : dans un État conçu, construit et
maintenu par des hommes qui se considéraient comme des confucéens et dont les
prétentions à l'hégémonie universelle étaient exprimées par des sacrifices prescrits par
le Canon confucéen, comment expliquer que le taoïsme n'ait pas disparu de la scène
politique, voire même qu'il semble être resté indispensable à l'obtention du « Mandat
céleste » ? Il s'agira d'abord d'aligner les faits, puis d'en chercher les principes de
cohérence.
Le film des événements
Commençons par résumer les étapes principales de l'histoire des rapports entre le
taoïsme religieux et l'État chinois (cf. Lagerwey 1987, ch. 15) :
En l'an 166 de notre ère, l'empereur Huan sacrifie pour la première fois à « Laozi
divinisé » (Seidel 1969).
En l'an 215, le troisième Maître céleste^Zhang Lu, se rend au père du futur fondateur des
Wei et ses cinq fils reçoivent des fiefs. À en croire le Tianshi jiaojie kejing,du milieu du
IIIe siècle, les Wei furent la première dynastie à recevoir la bénédiction de l'Église taoïste,
qui invite ses fidèles à se soumettre au « gouvernement pur et à l'ordre taoïste des Wei »
(Seidel, 1978).
Le troisième empereur des Toba Wei (311-535), Taiwu (r. 424-451), reconnaît l'ermite
Kou Qianzhi comme Maître céleste et décrète, en l'an 431, l'établissement d'aires sacrées
(tan) et de prêtres taoïstes dans chaque capitale provinciale, créant ainsi pour la première
fois dans l'histoire de la Chine un réseau de lieux de culte taoïstes officiels. En 442, Taiwu
devient le premier empereur à « recevoir les registres » (shoulu), c'est-à-dire à se faire
ordonner en taoïste. Deux ans plus tard, il décrète la proscription du bouddhisme. Les deux
empereurs suivants se font également initier par des prêtres taoïstes (Seidel, 1983 ;
Mather, 1979).
En l'an 567, l'empereur Wu des Zhou du Nord se fait initier au taoïsme puis organise des
débats entre les « trois religions » - débats qui débouchent, en 574, sur la proscription du
bouddhisme et l'établissement du taoïsme comme religion nationale. Lorsqu'en 578
l'empereur Wu étendit l'interdiction du bouddhisme à l'État nouvellement conquis de Qi,
il explique : « C'est un système étranger que celui des livres bouddhistes. Ce pays n'en a
nul besoin » (Lagerwey 1981, p. 20). 100 Etat et rituel JOHN LAGERWEY
Dès l'année 620, les Tang se réclament de leur divin ancêtre Laojun en établissant, à
l'endroit où Laozi aurait révélé le texte qui porte son nom, l'abbaye du Saint ancêtre
(Shengzu Guan). De nouveaux débats entre les trois religions conduisent à leur classement
dans l'ordre : taoïsme, confucianisme, bouddhisme. En 637, Li Shimin (r. 627-649), tout
en stigmatisant le bouddhisme comme religion étrangère, confirme ce classement, qui ne
sera renversé que pendant l'interrègne de la dynastie des Zhou (690-704). Xuanzong
(r. 713-755) est le premier empereur à écrire un commentaire du Laozi x . En 742, il fait
placer sa propre effigie à côté de celle de Laojun dans un temple dédié au dieu ; il crée un
système d'éducation taoïste et est lui-même ordonné prêtre en l'année 748. Pendant le
règne de Wuzong (r. 840-846), l'anniversaire de Laozi est déclaré fête nationale de trois
jours et une nouvelle persécution du bouddhisme est lancée. L'empereur Xizong (r. 873-
888) se fait également ordonner et, en 885, se voit adresser par le « taoïste de cour » Du
Guangting (850-933) l'« Histoire de la vénération du Dao à travers les âges » {Lidai
chongdao jí), une histoire de la Chine dans laquelle chaque crise politique est résolue par
la manifestation du Saint ancêtre (Barrett, 1996 ; Benn, 1977, 1987 ; Verellen, 1989 ; cf.
Seidel, 1978, p. 160).
En l'an 907, le même Du Guangting célèbre, pour Wang Jian qui venait de fonder le
royaume de Shu, un rituel de « destin personnel » (benming), donnant ainsi « une
consécration cosmologique à son règne sur Shu » (Verellen 1989a, p. 71). En 923 Du
Guangting ordonne en taoïste le deuxième empereur de Shu, Wang Yan (r. 918-925).
Suite à une « révélation », le troisième empereur des Song, Zhenzong (r. 997-1023), imite
l'exemple des Tang et se dote d'un ancêtre divin taoïste. Le même empereur écrit un
commentaire du Daode jing et, à l'instar de Xuanzong, accomplit les sacrifices Feng et
Shan de légitimité dynastique (Soymié, 1975, 1976 ; Lamouroux, 1996). L'empereur
Huizong (r. 1101-1126), écrit aussi un commentaire du Laozi et, après de nouvelles
révélations, s'identifie à une divinité taoïste puis décrète la création de temples taoïstes
dédiés à cette divinité à travers tout l'empire (Strickmann, 1978).
Fondée pendant la décennie 1160-70, la nouvelle secte de la Perfection intégrale
(Quanzhen) attire dès 1188 l'intérêt de la Cour des Jin. En 1219, après avoir refusé les
invitations des empereurs des Jin et des Song du Sud, Qiu Chuji (1148-1227) se rend
auprès de Genghis Khan en Asie centrale ; lorsqu'il revient en Chine en l'année 1222,
c'est en tant que responsable de tous les religieux du pays, qu'ils soient bouddhistes ou
taoïstes. Les taoïstes ayant abusé de leur pouvoir sur les bouddhistes, leur Canon est brûlé
en 1281, ce qui n'empêche pas l'empereur Chengzong (r. 1295-1307) de demander à Wu
Quanjie (1269-1346), grand lettré et chef de file des Maîtres célestes, de célébrer pour lui
le sacrifice taoïste (jiao) d'accession au trône (Yao, 1980). La construction de Pékin est
l'occasion de plusieurs manifestations du dieu Zhenwu (Vrai Guerrier), auquel les
Mongols semblent associer leur obtention du Mandat céleste : « La montée des Yuan a
commencé dans le Nord. Le souffle du nord étant alors en phase ascendante, le dieu du
nord envoya des signes prophétiques : c'est ainsi que le Ciel annonça [le changement
dynastique] » (Lagerwey, 1992, p. 298).
Le fondateur des Ming, l'empereur Taizu (r. 1368-1398), auteur d'un commentaire sur le
Laozi (Langlois et Sun, 1983, p. 126-134), fait construire un temple dédié au Vrai Guerrier
dans sa capitale, Nankin. Son fils, l'empereur Chengzu (r. 1403-1424), convaincu qu'il
doit sa conquête du pouvoir au Vrai Guerrier, fait élever sur le Wudang Shan dans le
Hubei des sanctuaires taoïstes en l'honneur de cette divinité, qui apparaît dès lors comme
Г alter ego de l'empereur, au même titre que les dieux de la Cité sont le double des
1. D'après T. Barrett (1992, p. 17), «The emperor himself composed, and ordered the widest
possible circulation for, a commentary making explicit his view of the relationship between Taoism
and government. »
BEFEO84(1997) taoïste et légitimité politique 1 0 1 Rituel
magistrats locaux dans la bureaucratie universelle des Ming (une tradition veut que la
statue de Zhenwu au Wudang Shan était fondée sur le portrait de Chengzu ; voir Seaman,
1987, p. 206). À partir de Chengzu, chaque empereur Ming envoie, dès son ascension sur
le trône, une annonce sacrificielle au Wudang Shan (Lagerwey, 1992, p. 326, n. 2).
L'empereur Shizong (r. 1522-66), dont la légitimité est fort contestée, a recours aux
taoïstes Shao Yuanjie (1459-1539) puis Tao Zhongwen (c. 1481-1560) d

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