Rouen et les « libraires forains » à la fin du XVIIIe siecle : la veuve Machuel et ses correspondants (1768-1773) - article ; n°1 ; vol.147, pg 503-538
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Rouen et les « libraires forains » à la fin du XVIIIe siecle : la veuve Machuel et ses correspondants (1768-1773) - article ; n°1 ; vol.147, pg 503-538

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Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1989 - Volume 147 - Numéro 1 - Pages 503-538
Jean-Dominique Mellot, Rouen et les « libraires forains » à la fin du XVIIIe siècle : la veuve Machuel et ses correspondants (1768-1773). — Bibliothèque de l'École des chartes, t. 147, 1989, p. 503-538.
Délibérément sous-évaluée lors de l'enquête royale de 1764, la librairie de Rouen figure au XVIIIe siècle parmi les grands centres européens de transit et d'approvisionnement en livres contrefaits, clandestins ou populaires. Mais en parallèle, en complémentarité même avec le réseau à large trame des clients sédentaires, les libraires de Rouen alimentent un actif commerce « forain », reposant sur des intermédiaires jusqu'ici fort mal connus. La correspondance nourrie qu'a entretenue avec eux la veuve de Jean-Baptiste III Machuel entre 1768 et 1773 révèle tout l'intérêt, pour les producteurs et fournisseurs rouennais, de pareils libraires sans boutique. Des dizaines de ces marchands forains, originaires en grande majorité de la campagne coutançaise, quadrillent en famille ou en groupe le quart nord-ouest de la France, ne regagnant leurs bases qu'à la morte saison ou pour de courtes trêves. « Errants », « va-nu-pieds » aux dires des gens de justice, les « marchands de livres », comme ils se dénomment eux-mêmes, savent où ils mènent leurs charrettes. Loin de vivre de la charité de leurs pourvoyeurs, ils leur sont devenus, et depuis longtemps, d'efficaces « facteurs » pour le débit de toute sorte de marchandise... la plus demandée n'étant certes pas la moins compromettante.
36 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 49
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Jean-Dominique Mellot
Rouen et les « libraires forains » à la fin du XVIIIe siecle : la
veuve Machuel et ses correspondants (1768-1773)
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1989, tome 147. pp. 503-538.
Résumé
Jean-Dominique Mellot, Rouen et les « libraires forains » à la fin du XVIIIe siècle : la veuve Machuel et ses correspondants
(1768-1773). — Bibliothèque de l'École des chartes, t. 147, 1989, p. 503-538.
Délibérément sous-évaluée lors de l'enquête royale de 1764, la librairie de Rouen figure au XVIIIe siècle parmi les grands
centres européens de transit et d'approvisionnement en livres contrefaits, clandestins ou populaires. Mais en parallèle, en
complémentarité même avec le réseau à large trame des clients sédentaires, les libraires de Rouen alimentent un actif
commerce « forain », reposant sur des intermédiaires jusqu'ici fort mal connus. La correspondance nourrie qu'a entretenue avec
eux la veuve de Jean-Baptiste III Machuel entre 1768 et 1773 révèle tout l'intérêt, pour les producteurs et fournisseurs rouennais,
de pareils libraires sans boutique. Des dizaines de ces marchands forains, originaires en grande majorité de la campagne
coutançaise, quadrillent en famille ou en groupe le quart nord-ouest de la France, ne regagnant leurs bases qu'à la morte saison
ou pour de courtes trêves. « Errants », « va-nu-pieds » aux dires des gens de justice, les « marchands de livres », comme ils se
dénomment eux-mêmes, savent où ils mènent leurs charrettes. Loin de vivre de la charité de leurs pourvoyeurs, ils leur sont
devenus, et depuis longtemps, d'efficaces « facteurs » pour le débit de toute sorte de marchandise... la plus demandée n'étant
certes pas la moins compromettante.
Citer ce document / Cite this document :
Mellot Jean-Dominique. Rouen et les « libraires forains » à la fin du XVIIIe siecle : la veuve Machuel et ses correspondants
(1768-1773). In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1989, tome 147. pp. 503-538.
doi : 10.3406/bec.1989.450546
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1989_num_147_1_450546ROUEN ET LES « LIBRAIRES FORAINS »
A LA FIN DU XVIIIe SIÈCLE :
LA VEUVE MACHUEL ET SES CORRESPONDANTS
(1768-1773)
par
Jean-Dominique MELLOT
Voici plus de vingt ans, un article d'Anne Sauvy mettait en lumière un
aspect quasi ignoré de l'histoire du livre sous l'Ancien Régime : à travers la
personnalité de Noël Gille dit La Pistole et de ses semblables se révélait
l'existence de libraires forains «roulant par la France »*. Depuis, la
connaissance de tels marginaux de la librairie n'a que peu progressé. Dans
Y Histoire de l'édition française, A. Sauvy a repris pour l'essentiel les conclu
sions de ses recherches sur Noël Gille afin d'illustrer l'activité des libraires
forains dans la France du XVIIIe siècle2. S'attachant aux filières de diffusion
clandestine du livre à la veille de la Révolution, Robert Darnton a de son
côté souligné le rôle primordial de pareils personnages, mobiles, discrets,
en liaison constante avec les plus massifs fournisseurs d'ouvrages prohibés
ou contrefaits 3. Mais, faute de documents abordant directement cette obs
cure population, les pratiques et la portée de la « librairie foraine » n'ont pu
jusqu'à présent être étudiées pour elles-mêmes et n'ont fait l'objet que de
reconstitutions partielles et hypothétiques. En fait, la mobilisation docu
mentaire sur ce thème n'en est encore qu'à ses débuts.
1 . Anne Sauvy, Noël Gille dit la Pistole, « marchand foirain libraire roulant par la
France», dans Bulletin des bibliothèques de France, t. 12, mai 1967, p. 177-190.
2. A. Sauvy, Le livre aux champs, dans Histoire de l'édition française, Paris, t. II, 1984,
p. 430-443 (en particulier les p. 432-433).
3. Robert Darnton, Le monde des libraires clandestins sous l'Ancien Régime, dans Bohème
littéraire et Révolution, Paris, 1983, p. 111-153 et, du même, à partir des mêmes sources
neuchâteloises, Le livre prohibé aux frontières : Neuchâtel, dans Histoire de l'édition française,
Paris, t. II, 1984, p. 343-359 (en particulier les p. 351-358), en attendant sur les corres
pondants de la Société typographique de Neuchâtel (STN) un tableau plus détaillé, à pa
raître.
Bibliothèque de l'Ecole des chartes, t. 147, 1989. 504 JEAN-DOMINIQUE MELLOT
D'où l'intérêt d'un matériau qu'il s'agit maintenant de présenter. La
Bibliothèque municipale de Rouen conserve un ensemble de lettres reçues
entre 1768 et 1773 environ par une libraire locale, la veuve de Jean-
Baptiste III Machuel4. Cette correspondance passive ne se singulariserait
en rien des autres fonds ou épaves d'archives de librairies aujourd'hui
connus si l'on ne comptait, parmi ses 534 unités, plus de 200 lettres éma
nant précisément de libraires « forains » (avérés ou assimilés). Sans doute
ne sommes-nous pas en présence d'une mine comparable aux milliers de
lettres de librairie archivées par la Société typographique de Neuchâtel.
Mais ce nouveau corpus, tout modeste soit-il, est suffisamment homogène
pour permettre de préciser les contours de ce que fut au quotidien la librai
rie provinciale d'Ancien Régime.
Quel rôle pouvait tenir la place de Rouen dans ce commerce ? Qui étaient
ces libraires forains ? Quelles pouvaient être leurs attaches et leurs origines,
leurs pratiques et leurs routes? Quelle marchandise débitaient-ils et pour
quelles clientèles ? Autant de questions auxquelles la correspondance de la
veuve Machuel apporte, dans les limites de la France du Nord-Ouest et des
années 1770, les éléments d'une réponse, sinon complète, du moins éto
nnamment vivante.
Rouen et le(s) commerce(s) du livre. — « Le commerce de la librairie est
très borné à Rouen; le fort de ce commerce sont les livres de piété,
quelques nouveautés, des livres classiques et de droit et de la Bibliothèque
bleue. La moitié du commerce se fait par échanges... avec Lyon, Toulouse,
Avignon, Bordeaux et autres villes du royaume et de l'étranger... Le reste
des éditions faites à Rouen est distribué par détail dans les villes où il n'y a
point d'imprimeries, ou aux libraires de Rouen qui les débitent dans leur
détail... Ceux qui ne font que la librairie paroissent avoir de la peine à
vivre... Sur vingt libraires qui ne sont point imprimeurs, il n'y en a pas cinq
auxquels il soit adressé un ballot de livres par an venant de dehors. »
Ainsi s'exprime en 1764 le premier président du parlement de Normand
ie dans sa réponse à l'enquête sur la librairie et l'imprimerie du
royaume5. Précieux par sa clarté, son point de vue n'en escamote pas
moins une réalité plus complexe. A lire cet exposé on ne voit guère en effet
en quoi Rouen se distingue des autres centres de fabrication et de négoce
4. Bibl. municipale de Rouen, ms g. 190 bis.
5.nat., fr. 22185, fol. 103-104, États de la librairie et imprimerie du royaume
envoyés à Monsieur de Sartine, lieutenant général de police en 1764, Intendance de Rouen,
ville de Rouen. La réponse rouennaise à l'enquête et la lettre du premier président de Miro-
mesnil du 8 août 1764 qui l'accompagna ont été présentées et commentées par Georges de
Beaurepaire, Le contrôle de la librairie à Rouen à la fin du XVIII' siècle, Rouen, 1929 (notam
ment p. 7-8). FORAINS À ROUEN 505 LIBRAIRES
du livre en province. Mais ce parti se conçoit, car en minimisant et en simp
lifiant l'activité des libraires rouennais, le premier magistrat de la province
atténue d'abord la réputation de bastion de la librairie interlope dont la
ville de Rouen est chargée ; d'autre part, le constat ci-dessus le met dans le
cas de proposer (une fois de plus depuis un siècle!) une réduction draco
nienne des effectifs des métiers du livre : de vingt-huit à seize... Projet qui
pourrait procéder d'un malthusianisme avant la lettre, mais vise plus vra
isemblablement à imposer un renforcement du contrôle et de la centralisa
tion sur le plan administratif.
Toujours est-il qu'en dépit du regard minimaliste des pouvoirs publics, la
librairie de Rouen tient une place non négligeable sur l'échiquier européen.
E

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