Sainteté, gestion du pratimoine et réforme monastique en Italie à la fin du Xe siècle : la vie de saint Aldemar de Bucchianico - article ; n°15 ; vol.7, pg 51-72
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Sainteté, gestion du pratimoine et réforme monastique en Italie à la fin du Xe siècle : la vie de saint Aldemar de Bucchianico - article ; n°15 ; vol.7, pg 51-72

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Description

Médiévales - Année 1988 - Volume 7 - Numéro 15 - Pages 51-72
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Laurent Feller
Sainteté, gestion du pratimoine et réforme monastique en Italie
à la fin du Xe siècle : la vie de saint Aldemar de Bucchianico
In: Médiévales, N°15, 1988. pp. 51-72.
Citer ce document / Cite this document :
Feller Laurent. Sainteté, gestion du pratimoine et réforme monastique en Italie à la fin du Xe siècle : la vie de saint Aldemar de
Bucchianico. In: Médiévales, N°15, 1988. pp. 51-72.
doi : 10.3406/medi.1988.1119
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1988_num_7_15_1119Laurent FELLER
SAINTETÉ, GESTION DU PATRIMOINE ET RÉFORME
MONASTIQUE EN ITALIE À LA FIN DU Xe SIÈCLE :
LA VIE DE SAINT ALDEMAR DE BUCCHIANICO
Parmi les figures de saints issues du Mont-Cassin au Xe siècle, ou
appartenant à des milieux s'y rattachant, saint Aldemar occupe une
place particulière. Quoique cité dans les nécrologes de l'abbaye, il n'y
fit, au moins jusqu'au XIIe siècle, l'objet d'aucun culte. Les thèmes
abordés par sa Vita, de même que la façon dont celle-ci nous a été
transmise, ne vont pas, d'autre part, sans poser de nombreux problèmes.
C'est, en effet, Pierre Diacre, archiviste du monastère campanien entre
1120 et 1140, qui a écrit, ou plus vraisemblablement copié en partant
d'un texte anonyme parvenu à lui on ne sait comment, la Vita
Aldemarii, qu'il a insérée à la fin de son De ortu et Vita iustorum cenobii
casinensisK Ce fait seul invite à la prudence : on sait que Pierre Diacre
a passé la plus grande partie de son existence active à falsifier les sources
de l'histoire du Mont-Cassin, posant aux érudits d'inextricables pro
blèmes de critique. On est donc largement fondé à se demander dans
quelle mesure la Vita Aldemarii n'est pas un pur produit de sa fantaisie
imaginative.
Le De ortu et Vita iustorum cenobii casinenm
Le De ortu fut composé dans les années 30 du XIIe siècle, et fut sans
doute achevé dès avant 1137. Il s'agit d'une compilation littérairement
médiocre de toutes les vies de saints ayant vécu au monastère depuis sa
fondation au début du VIe siècle. Pierre Diacre en a tiré les éléments des
Dialogues de Grégoire le Grand, des Dialogues rédigés à l'imitation de
l'œuvre de saint par l'abbé Didier à la fin du XIe siècle, et enfin
1. R. H. RODGERS, éd. : Pétri Diaconi Ortus et Vita Iustorum Cenobii Casinensis,
Berkeley, Los Angeles, London, 1972, p. 183-193. Bibliotheca Hagiographica Latina, n° 251,
Ada Sanctorum, Martii 24, t. II, Antwerpiae, 1668. 52
des notices éparses dans la grande chronique de Léon d'Ostie, écrite au
tournant des XIe et XIIe siècles. Le travail de Pierre Diacre se présente
de la sorte comme une succession de fiches biographiques, classées par
ordre chronologique, permettant au lecteur d'accéder facilement aux
gesta des principaux personnages ayant illustré l'histoire du Mont-Cas-
sin. Les notices sont tirées vers le spectaculaire et le merveilleux, et les
informations fournies par ses prédécesseurs souvent déformées. Sans
doute Pierre Diacre avait-il dans l'idée de faciliter la constitution de
légendiers, par l'établissement d'une version officielle de l'histoire de ces
saints. Sa situation de bibliothécaire et d'archiviste, de gardien de la
mémoire de la communauté, chargé aussi de l'élaboration de son histoire
(il fut le continuateur de la chronique entreprise par Léon d'Ostie), lui
donnait, d'une certaine façon autorité pour produire des textes qui
constitueraient l'histoire officielle du Mont-Cassin, ce dont le monastère
voulait se souvenir, et faire se ressouvenir les autres. Pierre Diacre ne se sans doute pas autre chose qu'un historien officiel. Or, au mo
ment où il vit, le Mont-Cassin a dépassé son apogée. Il existe désormais
une distorsion entre ce que le monastère est, un centre religieux secon
daire, en butte à l'hostilité des papes et à celle de saint Bernard, et ce
que les moines imaginent qu'il devrait être, le point de référence essentiel
du monachisme, et, en tous cas, l'établissement religieux le plus riche
de la chrétienté, matériellement et spirituellement. Les manipulations
opérées sur les sources, les falsifications avérées, sont autant de manières
pour Pierre Diacre de restaurer l'image d'une grandeur passée et de
l'imposer à tous, à l'intérieur comme à l'extérieur d'une abbaye qui
prétend être Y archicenobium, le monastère par excellence. L'auteur
comme ses commanditaires devaient penser qu'il ne s'agissait là que
d'un travail légitime de restitution du passé, destiné à permettre au
Mont-Cassin de regagner son rang.
Pierre Diacre et la Vita Aldemaru
La Vita Aldemaru pose un problème particulier en ceci qu'elle
semble avoir échappé aux entreprises de «désinformation» de Pierre
Diacre, du moins dans un premier temps : il en existe, en effet, deux
autres versions, abrégées et déformées, contenant des erreurs matérielles
absentes de la première2. D'autre part, notre Vita n'est issue d'aucun des
textes habituellement utilisés par l'auteur. Ni l'abbé Didier, ni Léon
d'Ostie ne parlent de ce personnage, totalement oublié au Mont-Cassin,
à ce qu'il semble, jusqu'à ce que Pierre Diacre ait exhumé le texte dont
2. Dans une œuvre postérieure, le Registrum Sancti Placidi, Pierre Diacre donna une
autre version de la Vita Aldemarii. Voir Michaelis MONACHUS : Sanctuarium Capuanum,
Naples, 1630, p. 166-176. C'est ce texte qui fut utilisé par Mabillon, qui, victime des ma
nipulations de Pierre Diacre, situe Aldemar à la fin du XIe siècle. Mabillon : Annales
Ordinis Sancti, Benedicti, VI, 2, p. 627-630. 53
nous nous servons. Il a été démontré, au début du siècle, que Pierre
Diacre n'était pas l'auteur de la Vita Aldemarii, et que celle-ci avait été
écrite dans le courant du XIe siècle par un auteur demeuré anonyme3.
Elle n'appartient pas au premier jet du De ortu, mais a été ajoutée à la
fin de l'ouvrage quelque temps après la fin de sa rédaction. Elle ne se
trouve pas à la place que l'ordre chronologique strict utilisé par Pierre
Diacre aurait dû lui imposer. Il est tout à fait possible que l'auteur n'ait
eu que tardivement connaissance d'un texte qui, soit ne se trouvait pas
au Mont-Cassin, soit avait été égaré. De toutes façons, la renommée
d'Aldemar, dès la seconde moitié du XIe siècle, c'est-à-dire aux temps de
l'abbé Didier, se trouvait extrêmement restreinte. Son culte ne devait
être célébré que dans les villages intimement liés à son histoire, et par
ticulièrement à Bucchianico, où, selon les Bollandistes, il l'était encore
au XVIIe siècle4. Le texte qui nous est parvenu a, de la sorte, toutes
chances d'être issu des milieux abruzzais, les seuls où Aldemar était
connu, peut-être de l'un des monastères par lui fondés ou réformés. Le
flou des indications chronologiques, et l'imprécision de certaines don
nées topographiques ont permis de proposer la fin du XIe siècle comme
date de composition du texte : il est de toutes façons nécessaire que
l'image du saint soit déjà estompée et que l'oubli ait déjà commencé son
travail au moment où la Vita est composée5.
L'historicité du personnage d'Aldemar ne fait pas problème. Quoi
qu'il ne soit, à notre connaissance, cité dans aucune source synchrone,
narrative ou non, les noms des personnages cités nous rassurent sur la
valeur du contenu de la Vita, et nous donnent la quasi certitude qu'en
le transcrivant pour la première fois, Pierre Diacre n'en a pas altéré le
contenu. Aldemar a été reçu encore enfant au Mont-Cassin par Ali-
gerne, qui en fut l'abbé de 946 à 9896. Il est à Capoue aux temps où la
princesse Aloara exerce la régence, entre 981 et 986. Il quitte cette ville
avant la mort d' Aloara. Enfin, il rencontre à Bucchianico7, dans les
Abruzzes, au sud-ouest de Chieti, un personnage sur lequel nous som
mes extrêmement bien informés, Tresidio8, seigneur de ce castrum de très
récente fondation, puisque postérieure à 989. Tresidio est l'un des prin

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