1. Rappels de mécanique statistique
1.1 Etats et observables La physique moderne associe à tout système physique deux types dobjets différents : les observablesqui caractérisent les quantités physiques mesurables et lesétats, dont la connaissance permet de prédire les résultats des expériences. Du point de vue microscopique, chaque réalisation dun système avecNdegrés de liberté est caractérisé par un état pur oumicro-étati.e. une fonction dondeΨen mécanique quantique ou un point dans lespace de phase à2Nemsnidoisns= (q1,,qN;p1,,pN)en mécanique classique, où qiet pisont les positions et les impulsions de chaque degré de liberté. Si le système est suffisamment complexe, létat exact est en général impossible à définir et chaque réalisation correspond à un micro-état(n)avec une probabilitép(n).Dans ce cas, il est plus adapté de parler détats de mélange (oumacro-états) décrits par la densité D=∑ψ(n)p(n)ψ(n)ou D(sr)=∑p(n)δsr−sr(n)n n Lesobservablessont des opérateurs définis sur lespace dHilbert ou classiquement des fonctions réelles de2Nvariables réelles. Lroamifnontiqui peut être associée au système est lensemble des moyennes des observablesAl, i.e. lensemble des observations <Al>=Σnp(n)Al(n)oùAl(n)est le résultat de la mesure sur la réalisation(n). Dans le cas quantique Al=∑p(n)ψ(n)Alψ(n)=Tr D Aln Si linformation est complète à linstant initial, ceci reste vrai à tous les temps car lévolution dynamique des états est gouvernée par léquation déterministe de Liouville Von Neumann ∂D/∂t= {H,D}oùHest lhamiltonian du système et{,}est le commutateur divisé par ien mécanique quantique, et se réduit à lhabituelle parenthèse de Poisson à la limite classique. Toutefois dans le cas de systèmes complexes, les conditions initiales en général ne sont pas connues de façon complète et une solution exacte de léquation de Liouville Von Neumann est hors de portée. En général, à cause de la complexité de lopérateur densité, pour connaître létat du système (i.e. la totalité desp(n)suffisant de connaître à chaque instant un) il est nombre limité dobservables pertinentes.
1.2 Entropie statistique Considérons une expérience qui peut conduire àNrésultats différents, chacun associé à une probabilité doccurrencep(i), i=1,,N, à priori inconnue. Si lesNrésultats possibles sont groupés en m familles chacune comprenant n résultats,N=m n, la prévision du résultat de lexpérience peut être divisée en deux étapes successives : dabord déterminer à quelle famille parmi les m possibles le résultat appartient, et en suite établir le résultat parmi lesnéléments de la famille choisie.
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Le manque dinformation sexprime à travers lentropie statistique S.Enumérons quelques unes de ses propriétés fondamentales : 1.le manque dinformation doit grandir avec le nombre de résultats possibles S(N1)>S(N2)∀N1>N2(monicitoé)t.on 2.linformation ne peut pas dépendre du nombre détapes à travers lesquelles elle est obtenue,S(N)=S(m n)=S(m)+S(n) (extensivité). Il est facile de montrer que lensemble de ces propriétés peut être satisfait à moins dune constante par de Shannonl entropie S= −∑p(n)lnp(n)= −Tr DnlD1)(n Exercice: démontrer que le fonctionnel de Shannon eq.(1) est lexpression qui, à moins dune constante, satisfait les conditions de monotonicité et extensivité de lentropie statistique. Considérer dabord le cas dévénements équiprobables p(i)=1/N∀i. Pour le cas général considérer que, si lon dispose d nombre élevé K dexpériences identiques, les probabilités un peuvent sécrire p(i)=ni/K où ninombre dexpériences dans lequel le système sereprésente le trouvait dans le micro-état (i). Il peut être intéressant de savoir que, si la propriété dextensivité de linformation est abandonnée, il est possible de construire une extension de la théorie de Shannon (entropie de Renyi, entropie de Tsallisle concept de q-statistique, qui a des applications) basée sur intéressantes dans des situations hors équilibre comme dans le cas de la turbulence. Dans ce qui suit nous nous limiterons toutefois à lentropie de Shannon définie plus haut.
1.3 Le postulat fondamental de la physique statistique Une fois que linformation manquante est définie à laide de léquation (1), le postulat fondamental de la mécanique statistique peut être exprimé de la façon suivante : La distribution statistique des micro-états (communément appelée équilibre) est celle qui maximise lentropie statistique sous contrainte de linformation pertinente imposée au système. En effet toute autre distribution introduirait une source ultérieure dinformation, en contradiction avec laffirmation que toute linformation disponible est donnée par les contraintes. Il est important de noter que ce postulat, bien que intuitif et élégant, nimplique pas nécessairement que la théorie ait un quelconque pouvoir prédictif : le fait que nous possédons une quantité limitée dinformation sur le système nimplique pas que linformation contenue dans le système soit objectivement limitée. Dans la suite nous garderons en tous les cas le postulat fondamental comme la seule hypothèse de travail raisonnable dans un système complexe.Le postulat fondamental de la mécanique statistique permet de déterminer les valeurs déquilibre des probabilités des micro-étatsp(i). Ceci se fait aisément avec la méthode des multiplicateurs de Lagrange.
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1.4 Equations détat et transformations de Legendre Utilisons la méthode des multiplicateurs de Lagrange pour maximiser lentropie statistique eq.(1) sous la contrainte dun ensemble donné dobservations<Al>. Cette situation correspond auxlcrtnotniaseTrDAl=<Al>plus la contrainte de la normalisation de la probabilitéTrD=1qui peut être introduite comme une observable supplémentaireA0=1. En suivant la méthode des multiplicateurs de Lagrange, nous pouvons définir la fonction auxiliaireYL Y= −Tr DlnD−∑λlTr DAll=0 Lextremum correspond àδY=0, sans restriction sur la variationδDde la matrice densité, ce qui conduit à la conditionlnD+1+ΣlλlAl= 0. La solution est la matrice densité à léquilibre fonction des multiplicateurs de Lagrangeλl D0=1Zexp−lL=∑λlAl (2) 1 où la condition de normalisation est prise en compte par la définition de la fonction de partition Z=Trexp−∑=LλlAl (3) l1 Le lien entre la contrainte<Al>(ou observation, ouvariable extensive) et le multiplicateur de Lagrange associéλl(ouvariable intensivethermodynamiquement conjuguée) est donnée par léquation détat Al∂∂−=lnλlZ (4) Il est aussi possible dexprimerλlen fonction de<Al>en inversant léquation détat. En effet léquilibre obtenu est associé à lentropie statistique L S= −Tr D0lnD0=∑λlAl+lnZ (5) l=1 Cette équation donne la relation entre lentropie et la fonction de partition. Elle est connue sous le nom de transformation de Legendre. On en déduit pour les multiplicateurs de Lagrange λl∂=S (6) ∂Al
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Remarquons que si la matrice densitéD0et la fonction de partitionlnZsont fonctions des variables intensivesλl, la fonctionSobtenue par transformation de Legendre, est fonction des variables extensives associées<Al>. Exercice: en utilisant la définition dentropie statistique et le postulat fondamental, démontrer les eqs.(2-6).
1.5 Les ensembles habituels
En utilisant les eqs.(2-6) toute la thermodynamique du système peut être calculée si les contraintes<Al>sont connues. Il est important de remarquer que ce formalisme est complètement général dans le sens quil peut être appliqué pour un nombre arbitraire de corps sans nécessité de la limite thermodynamique, et que toutes les observables (et non seulement les quantités conservées par lévolution dynamique) peuvent jouer le rôle de contraintes. Les ensembles habituels de la thermodynamique standard peuvent aussi être obtenus comme applications de cette théorie générale. Considérons par exemple le cas où la seule contrainte est lénergie E=Tr D0=p(n)E(n)H n associée au multiplicateur de Lagrangeβ .La probabilité de létat dénergie(n)est alors p0(n)=exp(-βE(n))/Zβet la distribution de probabilité dénergie résultep0pxe)-(E)((E=WβE)/ZβoùW(E)est le nombre détat correspondant à lénergieE. Le multiplicateur de Lagrangeβsignification physique de linverse de la températurea la T=1/β. La relation entre lénergie moyenne et la température est donnée par léquation détat E= −∂lnZ/∂βet la transformation de LegendrenZ>)=lE<(Sβ+β<E>représente la relation entre lentropie canonique et lénergie libreFβ=−β1−lnZβ.Lensemble microcanonique peut aussi être obtenu à partir de cette théorie générale en considérant que dans labsence de toute contrainte (à lexception de la condition de normalisation) tous les états doivent être équiprobables. Lentropie microcanonique est alors obtenue comme lexpression de lentropie de Shannon correspondant à la distribution déquilibrep0(n)=1/W(E(n)), S(E)=lnW(E).Exercice :fonction de partition, équations détat, et distribution deobtenir lentropie, probabilité des micro-états pour lensemble grancanonique à partir de lentropie de Shannon.
1.6 Relations de fluctuation-dissipation Spécialisons au cas classique et considérons par simplicité le cas dun seul multiplicateur de Lagrangeλet son observable associéeA. La distribution de probabilité de A sécrit p0(A)=WZ(A)(pxe−λA) λ
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oùW(A)est la densité détats pour lobservableA. La valeur moyenne deAest liée à la fonction de partition par léquation détat A=∫ pdA A0(A)−=∂l∂nλZλet sa variance mesure la susceptibilité ∂A ≡ − =A−2χ∂λ2A Exerciceles relations suivantes qui montrent que la susceptibilité magnétique: démontrer χM<∂=∂/>Μh se déduire de la fluctuation de magnétisation et la capacité calorifiquepeut C=Ε</>∂∂T mesure les fluctuations dénergie totale χMσ=M2 =/T ; C2/T2 σE Exercice: démontrer les liens suivants entre les fluctuations du nombre de particulesσN2, la compressibilité isotherme K=-<V>-1∂<V/∂>p, la susceptibilité∂µ, <Ν>/χ∂=et la fonction de corrélation de densité G(r-r)=<ρ(r)ρ(r)>-<ρ(r)<>ρ(r)> σN2=TΤ<χ=>ρ2<V>K= drdrG(r-r) On considérera que à la limite thermodynamique lnZµβ=lnZβp.
1.7 Transformations de Laplace, transformations de Legendre Nous avons vu dans la section précédente que la relation entre les différents potentiels thermodynamiques est donnée par la transformation de Legendre. Il est important de distinguer entre transformations à lintérieur du même ensemble statistique comme la transformation de Legendre, et transformations entre ensembles différents qui sont données par transformations intégrales non linéaires. Prenons lexemple de lénergie comme variable extensive et de la température comme sa variable intensive associée. La définition de la fonction de partition canonique est = − ZβexpβE(n)n où la somme court sur les états propres de lhamiltonian. En introduisant la densité des états W(E) =Σnδ(E-E(n)),cette équation peut être écrite comme ∞ Zβ=∫dEW(E) exp(− βE)0
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qui représente une transformation de Laplace entre la fonction de partition canonique et lentropie microcanonique)E(SWnl=)E(. Si la fonction à intégrerf)=(EE)W(xe(p-βE) présente un fort maximum, lintégrale peut être évaluée par une méthode gaussienne (approximation de point selle) autour du maximumf()Zβ≈W(E) exp− βE2σπE2 qui peut être re-écrite comme lnZβ≈S(E)− βE (8) ouF=-TS()où nous avons introduit lénergie libre, F=-lnZββ./Léquation (8) a la structure dune transformation de Legendre et montre que dans lapproximation de point selle, les ensembles qui diffèrent au niveau dune contrainte sur une observables spécifique (ici lénergie) diffèrent seulement dune simple transformation linéaire.
1.8 Le théorème de la limite centrale et léquivalence des ensembles La représentation typique de la distribution de probabilité dune variable aléatoire générique est la distribution de Gauss. La validité générale de la distribution de Gauss est due à un des plus importants théorèmes de la statistique, le théorème de la limite centrale de Laplace. Considérons une variable extensive (par exemple une énergieE) qui peut être écrite comme la somme deNcontributions indépendantes (ici, lénergie des différentes particules constituant le système)E=Σnen, où lesenune distribution de probabilité arbitraire sous la seulesuivent contrainte que la variance globaleσ2=Σn(<en2>-<en>2)/Nsoit un nombre fini. Alors le théorème de la limite centrale sexprime par le fait que la distribution deEtend vers une distribution de Gauss avec une largeur décroissante avec le nombre de degrés de liberté 2 − p(E)N→∞→2π1Nσ2exp−E2NσE2Le théorème de la limite centrale implique que la distribution des observables extensives à la limite thermodynamique tend vers une fonctionδ, ce qui a pour conséquence que la transformation de Laplace devient exactement équivalente à la transformation de Legendre, conduisant à léquivalence des ensembles statistiques.
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