À propos du paupérisme au milieu du XVIIe siècle : peinture et charité chrétienne - article ; n°1 ; vol.22, pg 137-153
22 pages
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1967 - Volume 22 - Numéro 1 - Pages 137-153
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Deyon
À propos du paupérisme au milieu du XVIIe siècle : peinture et
charité chrétienne
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 22e année, N. 1, 1967. pp. 137-153.
Citer ce document / Cite this document :
Deyon Pierre. À propos du paupérisme au milieu du XVIIe siècle : peinture et charité chrétienne. In: Annales. Économies,
Sociétés, Civilisations. 22e année, N. 1, 1967. pp. 137-153.
doi : 10.3406/ahess.1967.421507
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1967_num_22_1_421507PROPOS DU PAUPÉRISME AU MILIEU DU XVIIe SIÈCLE : A
Peinture et Charité chrétienne
L'attitude à l'égard de la pauvreté et des pauvres révèle toujours
certains traits fondamentaux du caractère individuel ou collectif. Dans
leur comportement à ce sujet, l'individu et la société découvrent une
partie de leurs certitudes, de leur subconscient et de leurs angoisses.
De la pitié au dégoût, du mépris à l'envie, du sadomasochisme au
millénarisme, toutes les nuances de la psychologie ou de l'analyse
freudienne peuvent s'y refléter. Cela vaut naturellement pour une
société chrétienne, puisque le Christ a vécu parmi les pauvres, puisque
le Christ a célébré l'indigence, et exhorté ses disciples à l'aumône. Il
serait donc intéressant de considérer plus attentivement les attitudes
du xvne siècle français à l'égard du paupérisme. De 1620 à 1660, la
réforme catholique anima dans le Royaume un vaste effort d'assis
tance. Sous l'impulsion de saint Vincent de Paul et de la Compagnie
du Saint Sacrement, elle multiplia les fondations charitables et réussit
un moment à émouvoir profondément l'opinion urbaine. Des écrivains,
des peintres partagèrent cette émotion ; nous interrogerons leurs œuvres
pour mieux apprécier la signification de cet élan collectif, et surtout comprendre les raisons de son évolution ou de son échec.
Ces entreprises, nées sous le signe de la compassion chrétienne,
prirent en effet rapidement l'allure d'opérations policières et about
irent à l'enfermement des pauvres et des mendiants.
A la veille de la Fronde, la misère populaire semble atteindre en
France son paroxysme. Des causes accidentelles et d'autres plus
anciennes qui concernent la structure même de la société d'Ancien
Régime sont à l'origine de cette situation. En 1629-1630, en 1641-1642,
en 1647-1648, puis encore en 1651-1652, la mauvaise récolte donne à
la hausse des subsistances un caractère exceptionnel. La disette sévit
et amène son cortège habituel d'épidémies. La peste bubonique fait
son apparition en 1630-1631 dans le midi, en 1635-1636 elle se mani-
137 ANNALE S
feste sur les confins de l'Artois et de la Picardie. L'activité manufact
urière et le négoce souffrent de ces circonstances défavorables. Ils
semblent même atteints d'une maladie de langueur. Partout où l'e
nquête statistique a pu être entreprise, elle révèle l'effondrement durable
de la production et des échanges. Et pourtant à cette économie en
perte de vitesse, frappée dans ses secteurs principaux par le retourne
ment de la conjoncture séculaire et par la répétition des crises cycliques,
la monarchie veut imposer un effort fiscal sans précédent. Les besoins
de sa diplomatie, puis la guerre l'obligent à doubler ou tripler le poids
des impôts. Il y a là une contradiction entre l'économique et le poli
tique, qui suscite le mécontentement dans le royaume et multiplie les
révoltes populaires.
Partout des bandes affamées parcourent les chemins, et se pressent
aux portes des villes. Les malheurs des temps dispersent les familles,
arrachent des paysans à la terre, chassent des artisans de leur ville
natale. Depuis longtemps déjà, une partie de la population paysanne
ne trouvait plus à s'employer à la campagne. La croissance démogra
phique, la hausse des fermages, l'activité des rassembleurs de terre
avaient formé un salariat marginal, une masse de travailleurs occa
sionnels, de candidats à l'indigence et à la mendicité. Réduites à merci
par les dettes, les impôts, les exactions des chefs de guerre et les pil
lages, un certain nombre de paroisses et de familles abandonnent leur
patrimoine. Les archives notariales révèlent l'ampleur de ces aliéna
tions au lendemain des guerres de religion. L'invasion, la guerre étran
gère et la guerre civile les multiplient à nouveau dans le second tiers
du siècle.
Les vagabonds parcourent les provinces, mendient aux portes des
monastères. Ils quémandent à l'intérieur des églises, importunent les
bourgeois dans les rues, scandalisent ou émeuvent par leurs infirmités,
leurs prières ou leurs injures. Comment distinguer dans leurs rangs le
pensionnaire de la cour des miracles et le fermier ruiné par la taille ou
les soldats ? Comment distinguer le mendiant professionnel et le ti
sserand sans travail, errant de ville en ville ? Spectacle obsédant, incer
titude pour le magistrat et le chrétien ; l'ordre ou la charité ? Le pau
périsme et la mendicité sollicitaient les forces retrouvées du catholi
cisme, mais défiaient aussi la volonté organisatrice de l'État.
C'est toujours aux Évangiles, et particulièrement au chapitre 25
de saint Matthieu, que l'on emprunte au xvne siècle, comme au Moyen
Age, le programme et la signification de la charité militante : « J'ai eu
faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif et vous m'avez donné
à boire, j'étais étranger et vous m'avez recueilli, j'étais nu et vous
m'avez vêtu, j'étais malade et vous visité, en prison et
vous êtes venu vers moi. » Ce texte, repris et commenté par les ouvrages
de piété et la prédication, inspire littéralement toutes les œuvres
138 ET CHARITÉ CHRÉTIENNE PEINTURE
d'assistance, il semble servir de plan à l'activité des compagnies de
charité : distributions de vivres, de vêtements, visites des malades et
des prisonniers, créations hospitalières. Il guide saint François de Sales
et saint Vincent de Paul, qui le proposent à la méditation de leurs pé
L' nitents. 'Introduction à la vie dévote en précise certains thèmes, à l'usage
des gens du monde : « Si vous aimez les pauvres, mettez-vous souvent
parmi eux, prenez plaisir à les voir chez vous, à les visiter chez eux...
rendez-vous leur servante, allez les servir dans leurs lits quand ils sont
malades, je dis de vos propres mains, soyez leur cuisinière et à vos
propres dépens, soyez leur lingère et leur blanchisseuse... » г Saint Vin
cent de Paul exalte aussi le service des pauvres : « ... Dieu aime les
pauvres, il aime ceux qui les aiment... cherchons les plus pauvres et
les plus abandonnés, reconnaissons devant Dieu, que ce sont nos se
igneurs et nos maîtres. » 2 Son œuvre multiforme se déploie bien dans les
différents domaines, proposés par le texte de saint Matthieu. On sent
même frémir dans ses lettres et ses instructions familières, quelque
chose de l'intransigeance franciscaine, et on retrouve dans toutes ses
fondations les vertus du dénuement apostolique. Il a voulu pour ses
collaborateurs les plus proches, les prêtres de la Mission, une pauvreté
absolue 3.
Méditer sur la vie de Jésus, s'identifier à lui dans son dénuement
et son humilité, tel est l'autre motif essentiel de l'assistance chrétienne.
Ici encore les saints du xvne siècle suivent la tradition évangélique :
« Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un des plus petits de
mes frères, c'est à moi que vous les avez faites. » 4 C'est même une idée
banale que les peintres ont parfois exprimée naïvement, en plaçant,
à demi caché au milieu des mendiants, le visage du Christ 5. La même
image illustre les sermons et les livres de piété. On la retrouve aussi
bien dans le livre du jésuite Pierre Bonnefous, Le Chrétien véritable qui
va visiter les prisonniers, les pauvres, les malades et les agonisants, que
dans celui d'un très janséniste chanoine de la cathédrale de Beauvais e.
1. Saint Francois de Sales, Introduction à la vie dévote, 3e partie, chapitre 15.
2.Vincent de Paul, Corres

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