Amérique et démocratie - article ; n°3 ; vol.21, pg 573-607
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1966 - Volume 21 - Numéro 3 - Pages 573-607
35 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 3
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Louis Dermigny
Amérique et démocratie
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 3, 1966. pp. 573-607.
Citer ce document / Cite this document :
Dermigny Louis. Amérique et démocratie. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 3, 1966. pp. 573-607.
doi : 10.3406/ahess.1966.421397
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1966_num_21_3_421397AMÉRIQUE ET DÉMOCRATIE
la je formule parle... « II est s'est un lapidaire pays opérée dans de d'une Tocqueville le monde manière où 1, témoin la simple grande et de révolution facile... « la révolution » Assurément, sociale démocdont
ratique » aux États-Unis, ni la pénétrante analyse qui la suit n'ont
perdu de leur valeur. Il s'en faut cependant qu'elles éclairent tout. Et,
plus d'un siècle après qu'elles ont été écrites, la mise en évidence aussi
massive qu'inquiétante de tendances ou d'orientations qui n'étaient
alors qu'entrevues et à peine annoncées oblige à chercher avec plus
d'acuité dans le passé l'explication du présent. Disons schématiquement
qu'il y a deux problèmes, ou plutôt deux façons de poser un même pro
blème. Il s'agit de se demander si l'identification du sentiment national
avec le sentiment démocratique viscéralement accomplie aux États-
Unis ne serait pas comme un donné de la nature bien plus que le produit
d'une idéologie. Et aussi de savoir pourquoi la démocratie américaine
a revêtu ce caractère sépcifique qui pourrait se définir grossièrement par
une sorte de correspondance entre domination (au sens actif et passif)
de l'espace, géographique ou social, et vide intérieur.
Cet esprit démocratique qui se confond avec les origines et le deve
nir de la nation, ne convient-il pas de le reconnaître pour le fruit naturel
du milieu et des conditions dans lesquels celle-ci s'est créée ? C'est la
conception développée à satiété, plusieurs décennies durant, à la suite
de Turner dont la « thèse » fameuse vient de trouver, de ce côté-ci de
l'Atlantique, un regain d'actualité par la vertu d'une traduction 2. Voici
donc enfin mis à la portée du public français, plus de quarante ans après
la première édition américaine (1920) et plus de soixante-dix après le
manifeste lancé par Turner à Chicago en 1893, l'ouvrage qui a inspiré
tant de travaux, puis suscité tant de critiques ! Mieux vaut tard que
jamais, et l'on ne saurait trop louer l'entreprise. En formulant deux
regrets, toutefois. Le premier vise l'absence complète de cartes — l'édi-
1. De la Démocratie en Amérique, éd. J.-P. Mayer, Paris, 1951, t. I, p. 11.
2. Frederick J. Tubner, La Frontière dans Vhistoire des États-Unis, trad. Annie
Rambert, préface de René Rémond, Presses Universitaires de France, Paris, 1963,
XII-328 pp., prix 18 F.
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tion américaine n'en comporte pas non plus, il est vrai — : une ou deux
au moins eussent été bien utiles, non pour la connaissance du grand
Ouest sans doute, mais pour la compréhension des passages relatifs à la
« première frontière, et notamment au franchissement de la Fall Line,
à la remontée de la Shenandoah, à la poussée en direction de l'Ohio l.
Le second concerne plusieurs faiblesses, erreurs ou à-peu-près qui sur
prennent dans une traduction en général correcte, quoique un peu lâche :
les German redemptioners ne sont pas des « affranchis allemands », terme
qui suggère un esclavage ou servage antérieur quand il s'agissait simple
ment d'engagement sous contrat, mais ď « anciens engagés », des tra
vailleurs libérés du service ; traduire the Old Dominion par « l'ancien
dominion », sans autre, rend presque inintelligible une expression qui
désigne en réalité le territoire anciennement colonisé, en deçà de la « pre
mière frontière » ; et doit-on sourire ou s'indigner devant les « troupeaux
de buffles » (pp. 126-127) — malheureux bisons deux fois massacrés,
dans la Prairie et dans la langue — ou, sort plus singulier encore, devant
« le gouverneur Morris » (p. 180) abusivement surgi d'un texte qui porte
sans équivoque possible Gouverneur et non governor Morris ? ■.
Passons plutôt à l'ouvrage lui-même, qui défie en quelque sorte le
compte rendu bien qu'il témoigne d'une profonde, d'une envoûtante
unité de pensée. Ce n'est pas un livre, mais un recueil de treize articles
ou conférences où les thèmes se répètent d'une manière un peu incantat
oire, selon un processus identique conduisant des modalités du peuple
ment dans une région donnée à leurs effets sur le comportement moral
de ses habitants ou sur l'évolution générale de la nation ; chants mult
iples d'une seule épopée qui retrace à la fois les étapes d'une expansion
dans l'espace et les phases d'un combat pour une idée. Du reste, à quoi
bon refaire ici une analyse déjà faite mainte fois ! Le vrai problème est
moins de suivre les cheminements de la pensée en même temps que les
déplacements successifs de la « frontière », d'inventorier, en arpentant
l'immensité, des thèmes depuis longtemps passés dans la circulation,
1. Il était facile de les dresser en s'inspirant, soit des cartes de E. Channing,
History of the United States, New York, 1905, soit de celles du bon Atlas of Američan publ. par James T. Adams, New York, 1943.
2. Faut-il rappeler aussi qu'en français l'on dit Glaris et non « Glarus en Suisse »
(p. 206), engraissement et non « engraissage » (p. 133), et qu'avance ne se confond
nullement avec « avancée » (p. 227) ? Il y a en outre des lapsus ou des négligences :
« observations » pour observateurs (p. 95), « Pittsburgh fournissait fournitures »
(p. 119), etc. Enfin, la traduction n'est pas toujours assez précise ou assez forte. Par
exemple, certaines expressions de la p. 84 du texte américain ne sont pas bien rendues
par les tournures de la p. 72 : « la frontière que démarquaient les chutes d'eau », les
« eaux maritimes » — alors qu'il s'agit des eaux navigables, ce qui n'est point la même
chose. Ou encore la phrase vigoureuse de la p. 205, « Decade after decade, West after
West, this rebirth of American society has gone on, has left its traces behind it, and has
reacted on the East », platement traduite, p. 178, par « De décade en décade, à mesure
qu'un « Ouest » succédait à un autre « Ouest », la société américaine se renouvelait,
conservant des traits de son passé et exerçant son influence sur l'Est ».
574 ANNALES
que d'en examiner la valeur en l'état présent des études historiques,
comme le souligne dans sa vigoureuse préface René Rémond. La théorie
turnérienne fournit-elle la clé de l'évolution des États-Unis, est-elle ou
demeure-t-elle l'explication par excellence des traits fondamentaux de
la civilisation américaine, ou ne représente-t-elle qu'un moment aujour
d'hui dépassé de l'historiographie ? grand livre d'histoire ou « document
sur un certain état d'esprit, sur une forme d'américanisme » ?
Avant de chercher la réponse rappelons les conclusions. D'un mot :
si l'on savait depuis Colomb et quelques autres que les Terres Neuves
sont à l'Ouest, Turner on sait que l'Amérique est dans l'Ouest.
Autrement dit, la frontière, en Amérique « limite mouvante qui sépare
les régions peuplées de celles qui attendent de l'être » alors qu'elle paraît
en Europe « ligne de démarcation fortifiée coupant des populations
denses » x, est tout ensemble le berceau de la démocratie et le creuset de
l'américanisation. Parce que « point de rencontre entre la sauvagerie et
la civilisation », cadre d'une existence pionnière où l'homme, à la fois
harcelé et stimulé par les nécessités matérielles, est poussé à se simplifier
et à se durcir, elle tend à réduire ce qui était habitude ou héritage de
société différenciée et complexe

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