Archéologie et géomorphologie: les paysages du Sahel Nord depuis l Antiquité
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ARCHEOLOGIE ET GEOMORPHOLOGIE : CONTRIBUTION A L'ETUDE DE L'EVOLUTION DES PAYSAGES DU SAHEL NORD DEPUIS L'ANTIQUITE Abdellatif MRABET/ Ahmed BOUJARRA Actes du Colloque : Du Byzacium au Sahel : Itinéraire d’une région tunisienne ; Université du Centre, Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Sousse ; L’Or du Temps, 1999, pp 83-97 Introduction A ce jour, en Tunisie, la collaboration scientifique entre géographes et historiens s'est limitée à un échange d'informations ponctuelles relatives à la datation de certains phénomènes de l'évolution des processus morphodynamiques et à l'identification et la caractérisation géographiques des sites. Cependant, s'agissant d'archéologie des paysages, le concours des uns et des autres est d'autant plus indispensable qu'il est difficile d'expurger un paysage de l'une de ses deux composantes physique (morphologie, climat, végétation, sol, morphodynamique, etc...) et anthropique (types d'occupation, modes d'appropriation du sol, 1stratégies et pratiques culturales...) . Partant de ce constat, et en vue d'aborder les transformations qu'a connues le paysage du Sahel nord depuis l'Antiquité, notre démarche consistait en la confrontation des outils et des approches de deux disciplines : l'archéologie et la géomorphologie ; nous avons commencé par l'examen des données cartographiques suivantes : les cartes topographiques couvrant la zone d'étude (échelles 1/50.000,1/25.000 et 1/200.

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Publié le 12 juin 2013
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Langue Français
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ARCHEOLOGIE ET GEOMORPHOLOGIE : CONTRIBUTION A L'ETUDE DE L'EVOLUTION DES PAYSAGES DU SAHEL NORD DEPUIS L'ANTIQUITE
Abdellatif MRABET/ Ahmed BOUJARRA
Actes du Colloque : Du Byzacium au Sahel : Itinéraire d’une région tunisienne ; Université du Centre, Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Sousse ; L’Or du Temps, 1999, pp 83-97
Introduction
A ce jour, en Tunisie, la collaboration scientifique entre géographes et historiens s'est limitée à un échange d'informations ponctuelles relatives à la datation de certains phénomènes de l'évolution des processus morphodynamiques et à l'identification et la caractérisation géographiques des sites. Cependant, s'agissant d'archéologie des paysages, le concours des uns et des autres est d'autant plus indispensable qu'il est difficile d'expurger un paysage de l'une de ses deux composantes physique (morphologie, climat, végétation, sol,
morphodynamique, etc...) et anthropique (types d'occupat ion, modes d'appropriation du sol, stratégies et pratiques culturales...) 1 .
Partant de ce constat, et en vue d'aborder les transformations qu'a connues le paysage du Sahel nord depuis l'Antiquité, notre démarche consistait en la confrontation des outils et des approches de deux disciplines : l'archéologie et la géomorphologie ; nous avons commencé par l'examen des données cartographiques suivantes : les cartes topographiques couvrant la zone d'étude (échelles 1/50.000,1/25.000 et 1/200.000) ; les feuilles correspondantes de l'Atlas archéologique de Tunisie dans ses deux versions et l'Atlas des centuriations de Tunisie. De même, nous avons exploité des photos aériennes à différentes échelles : missions 41- 43 de l'année 1952, échelle 1/25.000 ; mission TU 214 de l'année 1972, échelle 1/7.500 ; mission TU 334 de l'année 1983, échelle 1/8.000 ; mission japonaise de l'année 1986, échelle 1/80.000 ; mission TU 829 de l'année 1988 échelle 1/25.000. Nous avons également d'effectué des sorties de prospection archéologique (repérage des sites, des vestiges de centuriation et de voies antiques, etc...) et géomorphologique (identification des formes et des dépôts dans lesquels s'inscrivent les sites archéologiques, examen des formes d'érosion affectant le paysage et les vestiges archéologiques notamment de l'époque antique).
1. Présentation de la zone d'étude 1.1. Sur le plan géographique Situé en Tunisie du Centre-Est (Fig. 1) à la limite de la Dorsale et des Steppes, le Sahel Nord, compris entre le nord de la plaine d'Enfidha et la vallée de l’Oued Laya-el-Hammam, comporte quatre régions naturelles (Fig. 2) : Au nord, une plaine d’épandage recevant les eaux du versant sud-est de la Dorsale et caractérisée par une pluviométrie moyenne comprise entre 360 et 390 mm ; il s'agit de la plaine d'Enfidha et des systèmes laguno-endoréiques de Jeriba et de Halk el-Mejjel. Au centre ouest, des bas plateaux encroûtés situés de part et d'autre de la vallée de l'Oued As Sod; moins soumis aux influences littorales, ils sont plus secs et ne reçoivent que 337 mm/an de pluie. Au sud, une zone de collines et de plateaux en lanières fortement disséqués par les affluents 1 1 - En fait, l'étude des paysages implique le concours de nombreux spécialistes : - naturalistes pour la reconstitution de l'environnement végétal et animal et de l'écosystème ; anthracologues pour l'étude des charbons de bois trouvés sur les sites archéologiques ; paléocarpologues pour étudier l'utilisation de la flore sauvage ainsi que les systèmes agricoles ; archéozoologues... Voir à ce sujet : Ph. Leveau, P. Sillières, J.-P. Vallat : « Campagnes de la Méditerranée romaine», Bibliothèque d'archéologie, Hachette, Paris, 1993, pp. 21-40. Pour la Tunisie, en matière de démarche pluridisciplinaire dans ce domaine de l'archéologie des paysages, il y a lieu de citer : A. Oueslati, R. Paskoff, H. Slim et P. Trousset : «Déplacements de la ligne de rivage en Tunisie d'après les données de l'archéologie à l'époque historique», Colloques internationaux du C.N.R.S., Déplacements des lignes de rivage en Méditerranée, Ed. du C.N.R.S., Paris, 1987, pp. 67-84. Aussi, même si cet auteur géographe a utilisé l'archéologie de façon ponctuelle et tout à fait marginale : R. Karray : « Sebkhat El Kelbia (Tunisie orientale), Dynamique récente et changements actuels. 1892-1992», La Tunisie orientale, Publications de la Faculté des Lettres de Sousse, Série Géographie, volume 1,1995, pp. 149-171.
de l'Oued Laya-el-Hammam enregistrent une pluviométrie comprise entre 330 et 360 mm par an. A l'Est, une bande littorale fortement soumise aux vents du Sud-Est est formée d'une côte à falaises au Centre (région de Hergla) et de plaines sablonneuses étroites au Nord et au Sud. Sa pluviométrie se situe entre 340 et 390 mm/an 2 .
1. 2. Sur le plan historique Fréquentée par l'homme dès les périodes préhistoriques et protohistoriques 3 , le Sahel Nord ne  connut une occupation assez importante qu'à partir de la période punique ; connue alors sous le nom de Byzacium 4 , cette zone fut, à croire les auteurs de l'Antiquité, une région de grandes richesses. Ses terres, disaient-ils, donnaient d'excellents rendements en céréales 5 . Fort de ces potentialités, le Sahel Nord connut ensuite une occupation romaine. Nettement plus prononcée puisqu'il sera désormais investi aussi bien dans sa partie littorale que dans 2 2 - Données extraites de la carte des isohyètes moyennes annuelles du Sahel tunisien dressée par Jguirim Hédi en 1992 (la pluviométrie dans le Sahel tunisien : mémoire de C.A.R. soutenu en Septembre 1992).
3 - Voir à ce sujet, Zoughlami J. et Harbi M., «la Ramadya de Sebkhat Halk el-Menzel», Africa, III et IV, 1969-1970, pp. 181-983
4 - Voir entre autres : Ch. Saumagne : «Le Byzacium protoromain : villes libres, stipendiarii liber Massinisssa », Cahiers de Tunisie, n° 44,1963, pp. 47-62. G. Ch. Picard : « L'administration territoriale de Carthage », Mélanges d'histoire offerts à André Piganiol, III, Paris, 1966, pp. 1257-1265. J. Desanges : « Etendue et importance du Byzacium et la création sous Dioclétien de la province de Byzacène «,Cahiers de Tunisie, n° 44, 1963, pp. 7-22. J. L. Perron : «La Byzacène à l'époque punique», Cahiers de Tunisie, n° 44,1963, pp. 31-46.
5 Parmi les nombreux auteurs anciens qui avaient vanté les moissons africaines - Salluste, Columelle, Horace, Juvenal - Pline fut le plus explicite (« Byzacia fertilatis eximiae cum centesima fruge agricolis fenus reddente terra... »), Pline, Histoire Naturelle, V, 24.
l'arrière-pays. Cette occupation qui alla crescendo  de l'époque républicaine à l'époque impériale se poursuivra tant bien que mal lors des périodes ultérieures, car à leur tour Vandales et Byzantins  tentèrent de tirer profit de la conquête d'un pays dont les chroniqueurs arabes, deux siècles plus tard, nous diront qu'il est encore demeuré prospère 6 Cependant, de toutes ces occupations qui se succédèrent dans le Sahel antique, c'est, sans conteste, la romaine qui eut le plus d'emprise sur le sol et, par conséquent, sur le paysage . Appréciée grâce aux travaux de prospection menés par l'équipe de La Carte Nationale des Sites Archéologiques et des Monuments Historiques, la densité de l'occupation antique du Sahel romain est révélée par l'identification de pas moins de 576 sites antiques, soit 187 pour la feuille de Sousse, 361 pour celle de Sidi Bou Ali et 28 pour celle de Halk el Mejjel 7  . De surcroît, s'agissant de l'occupation du sol, nous disposons d un autre indice, ' également témoin de son importance : le cadastre antique.     Faisant partie de ces civitas leibera  qui, lors de la troisième guerre punique, s'étaient rangées du côté de Rome, Hadrumète et son territoire échappèrent aux premières opérations de centuriation et ne tombèrent pas dans l’ager  populus romanus  ; cependant, lors de la guerre civile entre Césariens et Pompéiens, s'étant rangée du côté de ces derniers, Hadrumète perdit l'immunitas  qui la dispensait de payer tribut à Rome. Cessant
6 - Voir à ce sujet : A. Mrabet : « Etat économique de l'Afrique byzantine d'après les récits des chroniqueurs arabes», Africa, XIII, 1995, pp. 123-133. Bien entendu, la richesse mentionnée par Ibn AbdAl PJakam, Al Baladhuri et autres est toute relative ; ces auteurs font état de nombreux butins monétaires effectués lors des premiers temps de la conquête et l'on sait que richesse monétaire ne signifiepas forcément prospérité économique.
7 - Nous devons ces données statistiques à la diligence et à l'amabilité de Mr. Sadok Ben Baaziz, responsable  de la Carte Nationale des Sites Archéologiques et des Monuments Historiques. Nous le remercions ainsi que Kh. Annabi, auteur des feuilles Halk el Mejjel et Sidi Bou Ali et coauteur de la feuille de Sousse avec les collègues N. Kallala et A. Antit ; à tous, nous exprimons notre gratitude.
alors d'être dans la catégorie des populi leiberi , ses terres devinrent des terres publiques et à ce titre subirent l'opération classique de centuriation 8 . Dès lors, les gromatici romains en investirent le territoire et l'insérèrent dans une maille de centuries s'étirant depuis le nord de Horrea Caelia  jusqu'au sud de la Chebba, soit sur une longueur de 120 km, et une largeur pouvant atteindre 30 km. L'occupation du Sahel nord à l'époque romaine se fit donc dans le cadre géométrique de cette trame dont les cardines sont orientés selon l'axe principal suivi par la voie littorale qui reliait Carthage à Hadrumète en passant par Ulisippira  et Gurza  et dont les decumani  sont inclinés de 42 grades sur la ligne ouest-est reliant Hadrumète à l'actuelle ville de Kairouan. 2. Les paysages géomorphologiques actuels du Sahel nord 2.1. Les paysages géomorphologiques de la bande littorale La bande littorale associe deux types de côtes : une côte rocheuse au centre et une côte basse sableuse au nord et au sud.
8 - Voir à ce propos : J. Peyras : Le tell nord-est tunisien dans l'Antiquité, Essai de monographie régionale, Ed. du C.N.R.S., Paris, 1991, p. 462
 
2. 1. 1. La côte rocheuse de Hergla Peu développée, elle est longue de 6 kilomètres environ et large seulement de 250 à 500 m. De tracé subméridien elle se caractérise par des dénivellations faibles comprises entre 10 et 13m. Elle est taillée tantôt dans les grès du Tyrrhénien, tantôt dans les calcaires et les sables rouges du quaternaire ancien et moyen (Boujarra et Gammar1993). Cette côte à falaise isole, à son arrière, un important système laguno-endoréique, celui de Sebkhat Halk el Mejjel.
2.1. 2. Une morphologie de côte basse de part et d'autre du Cap de Hergla Inégalement développée, peu large au sud de Halk el-Mejjel (de 300 à 1500m), elle atteint son extension maximale à hauteur d'En-Nefidha pour dépasser les dix kilomètres. Alors qu'au sud, cette côte associe deux cordons éoliens séparés par un fonds interdunaire et une plaine côtière sablonneuse assez étroite, au nord, elle est marquée par des paysages plus diversifiés et assez amples ; à l'est, deux cordons éoliens s'étendant sur plus de 20 Km isolent le système laguno-endoréique de Sebkhat Jeriba ; à l'ouest, la lunette d'el-Aribet et le cordon tyrrhénien ceinturent Sebkhat Jeriba et délimitent la plaine d’épandage d'en-Nefidha.
2. 2. Les paysages géomorphologiques de l'arrière-pays 2. 2. 1. L'arrière-pays méridional Isolé du relief de la Dorsale par Sebkhat el-Kelbia, il présente les paysages suivants : Des collines et des plateaux en lanières constituant les impluvia  des principaux bassins hydrographiques du Sahel de Sousse; ils présentent des altitudes comprises entre 160 m à l'ouest, et 30 m à l'est et sont scellés par des croûtes calcaires en dalles massives. Des vallons et des vallées assez encaissés (30 à 50 m de dénivellation), souvent étroits, à l'exception de la vallée de l'Oued Laya-el-Hammam dont la largeur dépasse 1km à l'aval. 2. 2. 2. L'arrière-pays septentrional Communiquant avec la Dorsale, il montre une morphologie de bas plateaux entaillés au sud par la vallée de l’Oued As-Sod (cours d'eau assurant la communication entre les sebkhats intérieures et les sebkhats littorales) et troués au nord par le système endoréique de Sebkhat el-Khedma el-Kbira. Ces plateaux à soubassement encroûté sont recouverts sur leurs flancs par d’épaisses accumulations fines de texture, tantôt argileuses, tantôt sablo-limoneuse.
3. Evolution des paysages du Sahel nord depuis l'Antiquité 3. 1. Les modifications de la ligne de rivage 3.1.1. Au niveau de la côte sableuse Les dunes littorales qui bordent les rivages des côtes sableuses du golfe de Hammamet sont considérées comme étant une seule unité et attribuée, sans grande précision, à la période actuelle 9  ; or, elles sont différenciables par des observations géomorphologiques fines et, archéologiquement datables. En effet, géomorphologiquement, nous distinguons deux générations de dunes nettement différenciées aussi bien par leur position géomorphologique que par leurs caractères sédimentologiques. La première, située en position arrière et distante du rivage actuel de plusieurs centaines de mètres, est composée de crêtes assez allongées ; discontinue au sud de Halk el-Mejjel, elle montre un
9  A. Oueslati : Les côtes de la Tunisie, géomorphologie, environnement et aptitude à l'aménagement, Publications de la Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis, 1993, pp. 70-72, fig. 10.
développement limité aux rives méridionales des exutoires des cours exoréiques du Sahel de Sousse : Oued et-Tamra, Oued Braham, Oued Guaaya et Oued el-Hammam. Au nord de Hergla, dans la baie d'el-Medfoun, elle acquiert un caractère continu et se caractérise par un matériel jaune beige très riche en matière organique. La deuxième, jouxtant le rivage actuel, relativement moins développée, au plus quelques dizaines de mètres de largeur, est séparée de la première par un fonds interdunaire. Elle se compose d'un sable blanc n'ayant subi aucune évolution pédologique.
Distinctes sur le plan géomorphologique, ces deux dunes sont également différenciables par les données de l'archéologie ; ainsi, la première supporte-t-elle des établissements antiques reconnaissables aussi bien par leurs structures que par le matériel céramique qui s'y trouve en surface : 1) Le site d'El-Medfoun où l'on a reconnu des petits thermes identifiés d'après des vestiges de bassins et piscines (reconnaissables à leur forme ainsi qu'au stuc d'étanchéité qui les recouvre de l'intérieur) et des fragments d'hypo-caustes et des tesserres de mosaïque qui, hélas, ne sont plus en place. 2) Le site de Souani el-Adhari à Chatt Meriem est identifié comme étant l'emplacement de la cité punique puis romaine de Themetra ; situé à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Sousse, presque à mi-distance de cette ville et de Hergla, il est aujourd'hui, en partie 10 , inclus dans ce premier cordon dunaire. Là, on peut encore voir les vestiges de thermes jadis décrits et étudiés par L. Foucher.
Inversement la 2ème génération de dunes masque des installations ainsi que des sols agricoles datant de l'Antiquité. S'agissant des installations, elles sont repérables au gré des travaux de construction que connaît la bande littorale. Tel est le cas actuellement, par deux fois, au nord de l'Oued Braham où l'on a reconnu accidentellement des citernes antiques enfouies sous les sables de plage à la faveur de l'incision de la dune bordière en falaise par l'érosion marine ; au sud de la chaussée antique, à proximité de la zone de pisciculture où émergent des tessons de sigillée ainsi que de rares blocs... ; à Sousse, dans la zone Sidi Boujaâfar et précisément à l'emplacement d'un terrain municipal récemment concédé aux fins d'y construire un centre commercial ; ici, dans les coupes dégagées par les engins de terrassement, nous avons reconnu les traces d'une occupation qui a révélé les témoins archéologiques suivants : tombes à jarre, matériel céramique abondant et varié, commune et sigillée, pieds d'amphore..., restes de mur en moellons, puits. Quant aux sols agricoles, enfouis sous les sables soufflés de la dune bordière, ils sont révélés par des trous de plantation visibles dans l'entaille de l'Oued Braham.
Incontestablement, au vu de toutes ces données, il apparaît que ces dunes correspondent à deux temps différents : l'un, associé à la première dune où les installations humaines sont
10  En effet, l'autre partie du site descend vers la mer où elle est recouverte par la dune actuelle. Fouillé au début du siècle par Truillot A., le site de Themetra a livré de nombreuses structures dont des «vestiges d'installations portuaires, plus ou moins cachés sous les dunes». Voir au sujet de Themetra, de son identification et de ses vestiges : «Une inscription de Souani el Adari», Revue Tunisienne, 1942, p. 134 ; L. Foucher, «Thermes romains des environs d'Hadrumète», Notes et Documents, vol. 1,1958, pp. 15-35.
à même le cordon, est vraisemblablement pré-antique ; l'autre, associé à la deuxième dune, est post-antique et son départ, si l'on en juge par les données de la céramique sigillée, pourrait se situer dans une fourchette allant du IIIe au Ve s.
3.1. 2. Au niveau de la côte rocheuse de Hergla La côte à falaise de Hergla semble avoir connu un recul assez important ; nous en avons pour preuve les données archéologiques suivantes : à 500 m au nord de la chaussée de Halk el-Mejjel, un site antique est aujourd'hui en partie «rongé» par la mer de sorte que la falaise y dégage des structures archéologiques, dont notamment une citerne éventrée actuellement battue par les vagues (photo : 1). Il en va également du site de Horrea Caelia/Hergla  dont la vocation d'entrepôt, horreum , impliquait la présence d'installations portuaires, lesquelles gisent actuellement dans l'eau par quelques mètres de fond. 11 Aujourd'hui, sur ce même site, l'agression marine est également attestée par la la présence de nombreuses citernes antiques initialement construites bien en deçà de la ligne de rivage mais actuellement éventrées par l'eau ; dénudées, leurs canalisations souterraines d'approvisionnement apparaissent dans la coupe révélée par la falaise actuelle. Par ailleurs, à Horrea Caelia/Hergla,  l'agression marine s'est aussi faite aux dépens d'une bretelle de la voie littorale antique dont une partie a disparu, emportée par l'érosion (D'après un dessin reproduit par l'Atlas archéologique de Tunisie, l'agression marine s'est accentuée depuis le siècle dernier.) (Photos : 2). Ce déplacement de la ligne de rivage a également touché la côte sablonneuse où les eaux marines couvriraient les vestiges des installations portuaires de Themetra/Chott Meriam. Ainsi, au vu de toutes ces données, il ne subsiste plus de doute quant au recul de la ligne de rivage depuis l’antiquité.
3.2 Modifications des échanges Terre/Mer 3.2.1. Paysage d’un système lagunaire à un système laguno-endoréique (cas de Sebkhet Halk el Mejjel)
11
Horrea Caelia, comme son nom l'indique recelait des greniers, c'est-à-dire des entrepôts où l'on emmagasinait les céréales en vue de leur stockage ou de leur exportation vers Ostie ; à ce titre, elle était dotée d'installations portuaires dont on peut croire, comme cela est attesté, entre autres, à Acholla/Botria, Lepti Minus/Lamta, qu'elles sont aujourd'hui submergées par les eaux marines. Voir au sujet des déplacements de lignes de rivage : A. Oueslati, R. Paskoff, H. Slim et P. Trousset : «Déplacements de la ligne de rivage en Tunisie d'après les données de l'archéologie à l'époque historique», Colloques internationaux du C.N.R.S., Déplacements des lignes de rivage en Méditerranée, Ed. du C.N.R.S., Paris, 1987, pp. 67-83.
Précédant le système endoréique, le système dans la zone sud-ouest de Hergla est attesté par deux sites préhistoriques révélant des coquillages marines mêlés à la cendre; le premier situé dans le Bled Bou Remada au nord de Sidi Bou Ali à l’embouchure de oued As-Sod 12 ; le second situé à hauteur de la route reliant Hergla à la G.P.1 par la sebkha. Celui-ci recelant des outils en obsidienne a pu être daté de 3370 ab. J. -C 13 . Photo.1 citerne antique rongée par la mer au Nord du grau ensablé de Halk el Mejjel Photo .2 Bretelle de la voie littorale taillée en falaise par l’érosion marne au Sud de Hergla Pendant la période historique le passage du système lagunaire au système endoréique est révélée par les indices géomorphologiques et archéologiques suivants : la présence sur la bordure actuelle de la sebkha d’une lunette dénote d’un régime saisonnier des eaux, de l’incapacité des cours d’eau à entretenir les passes assurant la communication terre-mer, et de l’efficacité morphogénique de l’agent éolien pendant la période sèche. L’activation du rôle du vent s’est aussi traduite par le recouvrement du cordon tyrrhénien et des installations antiques notamment des citernes ainsi que d’autres structures archéologiques, encore visibles sur la côte au sud de Hergla.
3.2.2. L’accentuation du régime endoréique à l’époque post-antique Elle est révélée par l’extension des superficies occupées par les sebkhas Jeriba, Halk el Mejjel et el Khedma el Kbira dont les clichés aériens mettent en évidence des traces significatives de centuriations romaines, preuves qu’elles avaient à l’époque antique, une étendu beaucoup réduite. L’extension des sebkhas Halk el Mejjel et Jeriba s’est également faite au dépens du cordon littoral; elle se manifeste par l’indice suivant : le développement des deux générations de nebkhas. La première, développée sur les marges immédiates des sebkhas, se présente sous la forme d’un champ de nebkhas à têtards de tailles
12
 Voir : A. Oueslati, « Sur la richesse des côtes tunisiennes en industries lithiques en industries lithiques préhistoriques : signification chronostratigraphiques et paléo-environnementale des formes et des dépôts hérités des 100000 dernières années », Revue Tunisienne de Géographie, n°28, 1995, p.190
13
G. Camps : les civilisations préhistoriques de l’Afrique du Nord et du Sahara, Doin, Paris, 1974, pp.270-279.
pluridécimétriques dirigeant leur pointes en direction du Sud-est. Cette génération, formée de pseudo-sables et commandée par la morphogenèse actuelle, est reliée à l’activité des vents du nord-ouest. La seconde, plus développée que le champ de nebkas à têtards, sous présente du d’el Madfoun (Sebhkat Jeriba ) sous deux formes : un champ de grosses nebkhas hautes de 1 à 1,50 m et de largeur métrique et fixé par des tamaris ; des recouvrements tapissant les bordures occidentales du cordon littoral préromain et ayant une épaisseur allant de 0,20 m à 1,50 m. ils recouvrent, au nord de Assat-el-Madfoun, des sites antiques implantés sur le cordon ; la collecte des tessons de céramiques de ces cites (sigillée claire type C) nous a permis de dater ces recouvrements du IV ou plus tard su Ve. S ap. J-C.
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