Ars moriendi - article ; n°4 ; vol.6, pg 433-446
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1951 - Volume 6 - Numéro 4 - Pages 433-446
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1951
Nombre de lectures 122
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alberto Tenenti
Ars moriendi
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 6e année, N. 4, 1951. pp. 433-446.
Citer ce document / Cite this document :
Tenenti Alberto. Ars moriendi. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 6e année, N. 4, 1951. pp. 433-446.
doi : 10.3406/ahess.1951.1994
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1951_num_6_4_1994ANNALES
ÉCONOMIES - SOCIÉTÉS ■ CIVILISATIONS
ETUDES
ARS MORIENDI
Quelques notes sur le problème de la mort
à, la fin du XVe siècle*
Au sein.de la vaste enquête, si souvent préconisée par les Annales, sur
la sensibilité humaine, ses modes et ses formes changeantes à travers les
siècles, nul doute que des études sur le sentiment de la mort ne puissent
donner d'importants résultats. Et notamment s'agissant du xvie siècle, ou,
de façon plus large, de la période 1450-1650. Non certes que cette période
puisse être placée sous le signe exclusif du Squelette ! Mais il est bien vrai
que, tout au long de ces deux cents ans, la mort ne cesse d'être présente dans
l'art, la littérature, Faction pratique, Péconomie même — et cela, d'une
façon qui demande à être expliquée. Les attitudes divergentes, les change
ments progressifs comme les cristallisations et les retours aux vieilles att
itudes ; autant de prises de positions dont la diversité se rapporte toujours
à un point fixe : l'au-delà et la mort.
Évidemment, on ne peut prouver ni que ce plan n'est pas imaginaire,
ni qu'un tel point n'est pas une abstraction — sans montrer les phénomènes
* [Nous accueillons d'autant plus volontiers ici la substantielle étude de M. Tenentî
qu'elle annonce en fait toute une suite d'autres travaux orientés dans la même direc
tion — et notamment un livre du même auteur à paraître prochainement, au compte de --■"—■* la Société March-Bloch, sur la représentation de la mort du xrv« au xvr3 siècle. — N. de
' (6« 28- n» 4). „-r-> •** "^ • année, octobre-décembre 1951,
rT'°r ,
434 ÍNNÁLE&
et proposer 1'expKcaiiQn dont шша. parlions à l'instant* Ici nous avons pris
seulement une série de textes que, pour simplifier, nous classons sous la
rubrique* Ars' moriendi. Cauvrafiť Га etade màitàal* âk lai period© iisdiquée :
1465-1500, ces documents mettent en cause la vision chrétienne de la mort
dans son ensemble, surtout par leurs aspects iconographiques et éthiques.
Ils posent un groupe de questions essentielles : quelle est la place du pro
blème de la mort dans la sensibilité religieuse du xve siècle finissant ? Le
témoignage que les artes moriendi apportent représente-t-il un changement
et de quelle portée ? Quels compléments, enfin, ces documents réclament-ils ?
Ces questions dépassent de toute évidence le cadre de ces pages; elles
correspondent en revanche àJa. aignificatioD large du titre : « L'art de mour
ir ». En effet Y Ars moriendi n'est qu'un livre de piété. Mais l'art de mourir,
par delà la forme particulière de cet ouvrage, est presque une dimension de
l'esprit chrétien — et se retrouve dans bien d'autres manifestations de la
vie sociale du xve siècle. Dans la « Danse des morts », par exemple, « cho
rea » macabre représentée par des danses et des défilés réels aussi bien que
par des fresques saisissantes sur les murs des cimetières et des églises, dans
les sjfectrales gravures de Heidelberg ou dans les figures plus élaborées de
Guy Marchant \ Ces danses et tout ce qui s'y rattache attendent encore
une étude éclairant la réalité humaine qui leur a donné forme. Il n'est
pas possible que des expressions littéraires et iconographiques suffisent à
faire comprendre la complexité d'un phénomène aussi typique et qui se
retrouve d ns toute l'Europe occidentale. Mais le sens de la mort, qui se dégage
d'elles si puissamment, serait-il sans liaison avec l'évolution du tombeau,
par exemple, ou avec des aspects d'ordre économique, comme la devolut
ion des biens aux couvents, aux hôpitaux, aux pauvres, ou la succession
des fils naturels, etc. ? ' — D'un autre côté, il semble que les idéaux human
istes de survivance, le culte de la gloire, de la vertu ou de la raison, aient
été mis davantage en lumière : mais on s'est pressé trop souvent, de les habil
ler à la moderne, oi> s'est plu à les opposer au « moyen âge » avant de bien
connaître ce dernier ;, on a, en somme, posé l'accent sur une révolution intel
lectuelle sans approfondir ni ses dimensions religieuses, ni son milieu social.
L'art de mourir traversera tout le xvie siècle et le dépassera ; mais il
n'est pas le même chez Érasme, chez Calvin, chez Montaigne, chez Bellar-
min, pour ne citer que des noms symboliques., Il n'e&t d'ailleurs qu'un aspect
du vaste problème de la mort et de l'au-delà, et qui non seulement touche
de près l'art de vivre, mais fournit peut-être la meilleure mesure pour l'i
nterpréter et pour comprendre des hommes qui ont gardé, beaucoup plus
qu'on ne pense, une place centrale et décisive au destin qui. suit l'inévitable
disparition matérielle ; — disons, pour interpréter une époque qui avait pour
1. Pour la France, voir L. Dimier, Les danses macabres et l'idée de la mort dans l'art chrét
ien' (Paris, 1902); — pour l'Allemagne, W. Sëelmann, Die Totenténze des Mittelalters
(Leipzig, 1893), et Fehse, Der tírsprang des Totentánzm (Halle, 1907) ; — pour l'Espagne,
Fl. "Whitse, Ths dance of death in Spain and Catalonia: (Baltimore, 1931) ; — pour l'Italie,
P.. Vtoo, Le danze: macabre in Italia (lavourae, 1878)1, et F,. Nma, Fabrilia (Turin, 1930). , ARS MORIENDI 435
devise ces mots : « Fuggi quello studio del quale la résultante opera more
ánsieme coll'operante di essa » *.
Les hommes du xve siècle ont eu une imagination très puissante, qui se
nourrissait largement des êtres dont la tradition chrétienne ou la supersti
tion avaient peuplé l'au-delà. Mais la force, l'originalité qu'ils surent donner
à ces représentations est un signe incontestable des sentiments profonds qui
les rattachaient au surnaturel. Les artes morùndi dont nous allons nous
occuper, situent dans le moment même de l'agonie la rencontre directe du
chrétien avec les deux royaumes qui ее partagent Ган-delu. Ce que l'homme
a craint ou attendu, il va maintenant le voir ; la présence d'un autre monde
lui apparaît avec d'autant plus de vigueur que ses forces physiques lui
échappent. C'est la vie entière qui subit l'attraction ou- cherche à éloigner
l'angoisse du point final ; toute l'existence est mise en jeu a par le sort qui
îui sera réservé dans l'au-delà. Rien de plus synthétique à cet égard que tes
vers de la Danse des Aveugles :
On dit : de tel vie tel fin».
Pour ce, fault mourir en vivant
Et recorder sa mort, affiw
Qu'on puisse bien vivre en mourant 8.
Toutefois ces artes moriendi mettent en relief un aspect particulier de
•cette orientation générale ; ils sont un témoignage de haute valeur qui éclaire
le problème dans son ensemble. Nous en examinerons d'abord les deux aspects
dominants, iconographique et éthique. Sans vouloir les isoler l'un. de l'autre,
nous avons préféré les traiter séparément, pour deux raisons surtout* Un
seul coup d'œil au tableau des éditions des artes moriendi suffit pour y découv
rir deux phases assez nettement dégagées : 1464-1480 environ, éditions
xylographiques, consistant presque exclusivement en gravures ; 1488-1500,
éditions sans gravures ou reproduction des illustrations des précédents exemp
laires 4. Deuxièmement, le texte qui, dans les xylographes de la première
période, ne subit aucun changement — dans la deuxième s'enrichit, prend
des formes entièrement originales et manifeste une orientation nouvelle :
cette double coupure, chronologique et formelle, assume à nos yeux une
signification qui, dépassant d'ailleurs les artes moriendi, est déjà plus que-
suffisante pour instituer entre elles une distinction.
1. Léonard de Vinci, Œuvres,. Oxford, Richter, 1939, vol. II, p. 234.
2. « О huomo, il diavolo giuoca ad scacchi con teco, e guarda di giugnerti, et dart i
scaccho matto ad quel puncto : et pero sta pr

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