Aspects du marxisme aujourd hui - article ; n°5 ; vol.25, pg 1434-1458
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1970 - Volume 25 - Numéro 5 - Pages 1434-1458
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Pierre François Souyri
Aspects du marxisme aujourd'hui
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 25e année, N. 5, 1970. pp. 1434-1458.
Citer ce document / Cite this document :
Souyri Pierre François. Aspects du marxisme aujourd'hui. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 25e année, N. 5,
1970. pp. 1434-1458.
doi : 10.3406/ahess.1970.422283
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1970_num_25_5_422283Quelques aspects du marxisme aujourd'hui
La situation du marxisme en France a été, jusqu'à ces dernières années, particulièrement
misérable. Ce pays qui est avec l'Italie celui qui, en Occident, compte sans doute le plus d'in
tellectuels se réclamant, d'une manière ou de l'autre, du marxisme, était aussi celui où l'œuvre
de bon nombre de théoriciens marxistes, et non des moindres, était le plus ignorée. Les études
consacrées au marxisme et plus encore aux problèmes que le monde contemporain pose à la
pensée marxiste, y étaient particulièrement rares et assez souvent d'une qualité douteuse, bien
qu'il y ait eu d'honorables exceptions.
Depuis quatre ou cinq ans cette situation est en train de changer. Non seulement diverses
maisons d'édition — les éditions de Minuit, les éditions Maspéro, Anthropos, E.D.I. , les Cahiers
de Spartacus, la Taupe de Bruxelles, etc., publient ou republient des ouvrages devenus introu
vables — de Kautsky, R. Luxembourg, Boukharine, Préobrajenski, Trotsky, Hilferding, Bauer,
F. Adler, Pannekoek, etc. — mais on voit apparaître ailleurs que dans de pauvres cahiers ronéo
typés ou des revues confidentielles des études qui s'efforcent, avec plus ou moins d'audace,
de rompre avec les idées reçues et les dogmes poussiéreux, pour essayer d'élucider le sens et
la portée des énormes bouleversements qui se sont produits dans le monde d'après-guerre.
Il est vrai qu'il reste beaucoup à faire et d'abord dans le domaine de la publication des textes
« classiques » du marxisme : quelques-unes des œuvres les plus importantes de Boukharine,
de Parvus, de D. de Léon, de Gorter, de Pannekoek, de Mattick, de Gramsci, de Bordiga, etc.
— pour ne rien dire de Tougan,-Baranovski, de Bogdanov ou de Grossman et de tant d'autres —
restent inédites en français. Il n'est pas moins vrai que les recherches récemment entreprises
sur les sociétés contemporaines, leur contradiction et leur dynamique ne sont pas toujours
exemptes d'un certain académisme et que leurs auteurs ne sont qu'assez rarement tout à fait
libérés du poids des idéologies mortes et de l'obsession des schémas périmés, voire même des
modes intellectuelles. Il reste que le marxisme commence à secouer la sclérose qui le stérilisait
et cherche, non sans hésitations, à se renouveler.
Sur la pensée de Trotsky.
Comme on pouvait s'y attendre, L. Trotsky occupe une grande place dans le regain d'inté
rêt qui se manifeste pour le marxisme. A ce propos il convient de souligner l'intérêt du livre de
J. Baecheler \ Sans se livrer, comme c'est trop souvent le cas, à une entreprise de dénigre
ment systématique et même de pure calomnie ou au contraire de pieuse apologie, J. Baecheler
1. J. BAECHELER, Politique de Trotsky, Paris, éd. Colin, 1968, 399 pages.
1434 ■•
MARXISME AUJOURD'HUI P. SOUYRI LE
donne en quelques centaines de pages de textes, judicieusement choisis, un bon aperçu des
articulations et de l'évolution du système de pensée de L. Trotsky. L'introduction, les notes,
la conclusion qui accompagnent les textes de Trotsky appellent cependant de sérieuses réserves.
Si J. Baecheler souligne avec raison l'importance que prend chez Trotsky — surtout dans la
dernière partie de sa vie — l'idée qu'à défaut d'une Révolution le monde moderne entrera en
décadence, il n'est pas exact d'affirmer que cette idée n'apparaît que dans l'œuvre de l'exilé
de Mexico. Pour ne rien dire des écrits de Marx et d'Engels, on la trouve au moins chez Rosa
Luxembourg г. Il n'est pas exact non plus que dans le « corpus du marxisme » se trouve une thèse
de la « paupérisation absolue » — il s'agit tout au plus d'une tendance absolue à la paupérisation
relative — que Trotsky aurait laissée à l'arrière-plan de sa conception du déclin du capitalisme
parce qu'il aurait constaté dans sa jeunesse que le sort matériel des ouvriers tendait à s'amél
iorer. Trotsky au contraire oppose fortement la phase de décadence du capitalisme à sa phase
ascendante et il souligne le fait que si, avant 1914, lorsque le capitalisme développait rapide
ment les forces productives, la diminution relative de la part du prolétariat dans le revenu natio
nal se trouvait masquée et ralentie par l'élévation du niveau de vie de couches de travailleurs
privilégiés, cette situation s'inverse après 19292. L'incapacité du capitalisme à développer
plus longtemps les forces de production, conduit, affirme-t-il alors, à un déclin absolu du stan
ding des masses, qui déjà se concrétise par l'apparition de millions de chômeurs faméliques
et loqueteux, et il voit là le signe que la décadence du capitalisme va déboucher sur une décomp
osition du prolétariat. C'est même une des raisons pour lesquelles il redoute qu'une trop longue
agonie du capitalisme compromette les chances d'un avenir socialiste de la civilisation. On
ne saurait davantage suivre J. Baecheler lorsqu'il avance que Trotsky et les autres marxistes
révolutionnaires — les léninistes tout au moins — ne s'appuient jamais lorsqu'ils annoncent
le déclin du capitalisme sur la loi tendancielle de la chute du taux de profit, parce que considér
er l'évolution du capitalisme en fonction de cette loi n'aurait pu les conduire qu'à situer dans
un avenir trop lontain l'heure de la crise du système et de son renversement. S'il est exact que
leurs analyses ne sont pas centrées sur les effets de la loi tendancielle de la chute du taux de
profit, ce n'est certainement pas parce que cette loi les aurait gênés en contredisant à leur appréc
iation de l'époque comme étant celle de la révolution, mais parce qu'ils concevaient le pas
sage au stade monopoliste et impérialiste comme le moment où le capitalisme a précisément
effectué les mutations lui permettant de contrecarrer les effets de l'élévation de la composition
organique du capital et qu'en conséquence les contradictions fondamentales du système leur
paraissent se situer ailleurs.
Plus d'un demi-siècle après les années où les bolcheviks élaboraient leurs ana
lyses du capitalisme impérialiste on peut estimer que leurs conceptions ont dure
ment subi l'érosion du temps et sont en grande partie devenues caduques. Il n'est pas
juste de les accuser d'avoir été des théoriciens inconséquents et d'avoir en quelque sorte
triché. Il n'est pas davantage juste de reprocher à Trotsky d'avoir commis un contresens sur la
signification historique du marxisme en ne comprenant pas que ce seraient les paysans et non
pas les ouvriers qui, après la Deuxième Guerre mondiale, feraient des révolutions socialistes
aboutissant non pas à la fin de l'exploitation de l'homme par l'homme mais à l'hégémonie d'un
parti unique imposant l'industrialisation forcée. Car Trotsky est précisément un des principaux
théoriciens marxistes à avoir toujours soutenu que des soulèvements de paysans armés ne
conduisaient pas au socialisme, que la paysannerie était incapable de conquérir l'État et de
garder le pouvoir et que la dictature d'une bureaucratie organisant l'industrialisation d'un pays
arriéré ne pouvait pas être identifiée au socialisme.
Le livre de J.-J. Marie 3, conçu d'une manière toute différente, complète l'ouvrage de
J. Baecheler; il ne s'agit par ici de reconstituer l'anatomie d'un système de pensée mais de
retracer une histoire, celle de la théorie trotskyste, mais aussi celle des luttes, des drames, des
déchirements des organisations trotskystes. On apprécie particulièrement les chapitres consac
rés aux groupes trotskystes des divers pays, notamment au cours de la Deuxième Guerre mond
iale et des décennies qui ont suivi, qui permettent de suivre le développement, les difficultés
1. R. LUXEMBOURG, La Crise de la

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