Barrages contre le développement ? Les grands aménagements hydrauliques de la vallée du fleuve Sénégal - article ; n°100 ; vol.25, pg 749-760
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Tiers-Monde - Année 1984 - Volume 25 - Numéro 100 - Pages 749-760
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 13
Langue Français

Extrait

Claude Reboul
Barrages contre le développement ? Les grands aménagements
hydrauliques de la vallée du fleuve Sénégal
In: Tiers-Monde. 1984, tome 25 n°100. pp. 749-760.
Citer ce document / Cite this document :
Reboul Claude. Barrages contre le développement ? Les grands aménagements hydrauliques de la vallée du fleuve Sénégal.
In: Tiers-Monde. 1984, tome 25 n°100. pp. 749-760.
doi : 10.3406/tiers.1984.4365
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1984_num_25_100_4365BARRAGES CONTRE LE DÉVELOPPEMENT ?
Les grands aménagements hydrauliques
de la vallée du fleuve Sénégal
par Claude Reboul*
Des barrages pour qui
Le plan d'aménagement de la vallée du fleuve Sénégal, conçu et mis
en œuvre sous l'autorité de l'organisation commune à trois Etats riverains :
I'omvs1, et dont les pièces maîtresses sont les barrages de Diama, à la
naissance du delta, et de Manantali, sur le Bafing2, bien qu'il soit l'abouti
ssement actuel de projets très anciens, fait figure de réponse à une
conjoncture économique critique qui s'est manifestée par des difficultés
d'approvisionnement alimentaires de plus en plus fréquentes et qui ont
incontestablement précipité les conditions politiques et financières de sa
réalisation.
L'agriculture des trois pays membres de I'omvs : Sénégal, Maurit
anie et Mali, a été dévastée dans les deux dernières décennies par des
sécheresses répétées et meurtrières. Dans la mesure où la faiblesse de leur
développement économique ne permettait pas à ces pays de dégager des
valeurs d'échanges suffisantes pour couvrir leurs besoins alimentaires,
l'appel à la solidarité internationale était inévitable. Depuis la catastrophe
de 1972, disettes et famines au Sahel tendent à devenir une rubrique
régulière des grands moyens d'information des pays industrialisés. Si
justifiée soit l'aide immédiate aux populations sinistrées, elle ne peut, à
long terme, pallier l'insuffisance d'une production agricole dont l'accroi
ssement, quand il existe, ne suit de toute façon pas celui de la démographie.
* iNRA (Institut national de la Recherche agronomique), Station d'Economie et de
Sociologie rurales, Paris.
1. Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal.
2. Nom du bras principal du fleuve dans son cours supérieur.
Revue Tiers Monde, t. XXV, n° 100, Octobre-Décembre 1984 О CLAUDE REBOUL 75
Un effort de développement agricole s'impose d'autant plus que l'agr
iculture est encore pour longtemps la principale activité productive des
populations.
La région du Sénégal, dont l'agriculture a été la plus éprouvée par les
dernières sécheresses, est aussi celle que borde son important cours
d'eau : la région du Fleuve. La décision politique d'une extension des
cultures irriguées prise bien avant les sécheresses récentes, trouve dans
cette situation physique sa principale justification technique. En raison
même de l'étendue du bassin du fleuve — 258 000 km2, Guinée exclue —
les potentialités d'aménagement présentent un intérêt national non seul
ement pour l'agriculture de la Mauritanie, exclusivement concentrée dans
la vallée du fleuve, mais également pour celle du Sénégal, que le fleuve
borde sur plus de 800 km3.
Le projet de I'omvs prévoit la construction de deux barrages aux
fonctions complémentaires. Celui de Diama arrêtera la remontée de la
mer en période de basses eaux, celui de Manantali régularisera le débit du
fleuve. 300 m3/s seront assurés en permanence au niveau de Bakel. Ainsi
sera rendu possible le plein emploi de surfaces irriguées, qui, au terme
d'aménagements se déroulant sur plusieurs dizaines d'années, devraient
atteindre 375 000 ha. En 1980, le Sénégal a importé 300 000 1 de riz paddy
et 150 000 t de blé et céréales diverses. En fixant un objectif modéré de
rendement à 8 t/ha en deux cultures, le seul déficit en riz paddy aurait
pu être comblé avec une surface cultivée de 37 500 ha.
Outre l'intérêt qu'ils sont censés présenter pour le développement
de la production agricole et qui est cité au premier rang des justifications
apportées dans les documents officiels à leur construction, les barrages
permettront d'assurer différents services : ravitaillement régulier en eau
potable des populations de la vallée ainsi que de Dakar (par l'intermé
diaire notamment du lac de Guiers), navigabilité du fleuve en toute
saison pour des bateaux de moyen tonnage, production d'énergie hydroé
lectrique à Manantali. Ces services seront, à leur tour, facteur de déve
loppement industriel, en permettant notamment le traitement et le trans
port des minerais de fer et de la bauxite du Mali et du Sénégal oriental.
Pour les populations de la vallée du fleuve, qui sont les plus direct
ement concernées, l'impact prévisible de ces projets d'aménagement est
considérable. L'agriculture et dans une moindre mesure l'élevage et la
pêche, ressources essentielles des quelque 800 000 habitants de la vallée,
3. Toutes les données chiffrées de cette introduction, sauf mention particulière, sont
extraites du numéro spécial de la revue Marchés tropicaux et méditerranéens intitulé : omvs. La
mise en valeur du bassin du fleuve Sénégal, MTM, n° 1849, Paris, 17 avril 1981. BARRAGE CONTRE LE DEVELOPPEMENT 75 1
n'ont pas connu le développement qui leur aurait permis de couvrir leurs
besoins de consommation.
L'émigration ancienne a connu dans les années i960 une très forte
accélération en se tournant principalement vers la France. 80 % des tra
vailleurs de l'Afrique noire en France sont originaires de la vallée du
fleuve dont 70 % du pays soninké et 10 % du pays toucouleur4. L'âge
auquel partent les hommes, seuls très généralement, et pour la durée de
leur vie active légale, n'a cessé de s'abaisser. Au pays, femmes, vieillards
et enfants maintiennent pour les besoins d'une consommation aliment
aire à laquelle l'argent des travailleurs émigrés ne contribue que très
partiellement, quoique en proportion croissante, une agriculture vivrière
fondée sur la succession au cours d'une même année des cultures plu
viales sur les terres exondées du diéri et des cultures de décrue sur les
terres du walo humidifiées par la crue.
Régulariser le cours du fleuve, c'est supprimer, à terme puisqu'il est
prévu une phase transitoire dans le projet, la culture de décrue. C'est
diminuer considérablement les ressources traditionnelles de la pêche.
C'est priver les animaux d'importantes ressources fourragères. C'est
aussi entraîner la disparition d'une grande partie du couvert forestier,
principale source d'énergie domestique. On peut imaginer que le déve
loppement de la culture irriguée, s'il réussit, permettra de pallier tous ces
déficits.
Nous verrons plus loin dans quelle mesure on peut estimer réaliste
cette hypothèse. Bornons-nous à constater qu'elle implique un change
ment technique considérable pour les agriculteurs, qui ne peut être mis
en œuvre sans bouleversements sociaux. Or, il est difficile de prétendre
que les projets de barrage aient été établis après discussion avec les
populations intéressées. Elles n'ont pas été consultées.
On conçoit aisément que cela soit source d'inquiétude pour les popul
ations concernées5, et particulièrement pour ceux de leurs membres qui,
regroupés au sein de I'ugtsf, sont de longue date particulièrement sen
sibilisés aux facteurs économiques de la dévastation de leur propre
pays6.
C'est afin de contribuer à l'information des paysans et de ses militants
sur les perspectives de changement que présentent pour eux les grands
4. Cf. A. Adams, Le long voyage des gens du fleuve, Paris, Maspero, 1977.
5. С Meillassoux, 700 000 paysans de la vallée du Sénégal..., Le Monde diplomatique, n° 3 14,
Paris, mai 1980.
6. S. N'Dongo, Voyage forcé. Itinéraire d'un militant, Paris, Maspero, 1975; « Coopération »
et néocolonisation, Paris, Maspero, 1976. Et O. Dia et R. Colin-Noguès, Yâkaré.

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