Calamités démographiques en Tunisie et en Méditerranée orientale aux XVIIIe et XIXe siècle - article ; n°6 ; vol.24, pg 1540-1561
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1969 - Volume 24 - Numéro 6 - Pages 1540-1561
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1969
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Lucette Valensi
Calamités démographiques en Tunisie et en Méditerranée
orientale aux XVIIIe et XIXe siècle
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 24e année, N. 6, 1969. pp. 1540-1561.
Citer ce document / Cite this document :
Valensi Lucette. Calamités démographiques en Tunisie et en Méditerranée orientale aux XVIIIe et XIXe siècle. In: Annales.
Économies, Sociétés, Civilisations. 24e année, N. 6, 1969. pp. 1540-1561.
doi : 10.3406/ahess.1969.422187
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1969_num_24_6_422187Calamités démographiques en Tunisie
et en Méditerranée orientale
aux XVIIIe et XIXe siècles
Entre l'appréciation optimiste du chroniqueur tunisien Hammuda b. 'Abd
al-Aziz \ selon lequel la population de la Régence se serait multipliée au
XVIIIe siècle, et celles des observateurs européens du XIXe siècle, qui vont répé
tant que le pays se dépeuple, le renversement est complet. Cette discordance
invite à s'interroger sur le régime démographique tunisien. Mais, en l'absence
de recensement jusqu'en 1 856 et de toute espèce d'« état civil », les indications
sur le régime démographique ne peuvent être recherchées que dans l'analyse
du rythme des crises subies aux XVIIIe et XIXe siècles, et de leur extension géo
graphique.
Isoler la Tunisie du reste du Maghreb et, plus largement, de l'ensemble médi
terranéen, serait ici procéder à une amputation absurde, puisqu'il s'agit de suivre
la propagation d'épidémies. Tout en privilégiant le cas tunisien, on a donc élargi
le champ d'observation. Et cela, par un moyen sommaire, mais sûr : en rele
vant les indications fournies par les patentes de santé délivrées aux capitaines
de bâtiments dans les différents ports, et reçues à Malte, Livoume et Venise 2.
1. Kitâb al-Bâsâ, ms. du XVIIIe siècle, cité par Paul SEBAG, « La peste dans la Régence
de Tunis aux XVIIe et XVIIIe siècles », I.B.L.A.. n° 109, 1er trim. 1965, pp. 35-48.
2. Abréviations :
A.C.C.M. : Archives de la Chambre de Commerce de Marseille.
A.D. Vaucluse : Archives Départementales du Vaucluse (notes aimablement communi
quées par M. Rebuffat, conservateur des A.C.C.M.).
A.G.G.T. : Archives Générales du Gouvernement Tunisien, Tunis.
A.N. Paris : Archives Nationales, Paris.
Arch. A.E. : du Ministère des Affaires Étrangères, Paris.
A.S. Liv. : Archivio di Stato, Livorno.
A.S. Ven. : di Venezia.
R.M.L. : Royal Malta Library, Valetta, Arch, de l'Ordre des Chevaliers, registres 6531 à 6533.
Pour l'étude du cas tunisien, l'excellent article de Paul Sebag, déjà cité, tire tout le parti
possible des sources imprimées relatives à la Tunisie. Cependant, les informations fournies par
1540 ET FAMINES EN TUNISIE L. VALENSI PANDÉMIES
Un XVIIIe siècle prospère
Les épidémies du début du siècle
Le fléau par excellence, c'est évidemment la peste. Cinq fois, au cours du
XVIIe siècle, elle avait frappé les populations tunisiennes, et le XVIIIe siècle
commence mal. Dès 1701, en effet, elle menace de pénétrer en Tunisie par les
contingents turcs conduits à Porto Farina et atteints par la maladie; ou par dif
fusion à partir de Tripoli, où elle sévit en juin et recule au cours de l'été \ Si la
Tunisie est alors épargnée, l'année suivante, la maladie contagieuse est signalée
à Djerba de mai à septembre 2. Le reste de la Régence échappe encore au fléau
pour quelques mois : Sfax est touchée, à son tour, de mai à juillet 1703. Puis le
fléau reparaît et, irrésistiblement, gagne le nord du pays — Sousse, Monastir,
Soliman — en 1704. Enfin, au siège de Tripoli par les troupes tunisiennes, véri
fiant cet aphorisme d'André Siegfried selon lequel « les concentrations d'armées
constituent des proies désignées pour la contagion », la peste se déclare dans
l'armée et l'accompagne à son retour à Tunis 3. Dans la capitale, l'épidémie sévit
durement pendant près de six mois; le nord du royaume, au moins, en est frappé
aussi *. Le souvenir des ravages qu'elle a exercés reste encore très vif vingt ans
plus tard, quand le voyageur Peyssonnel traverse la Tunisie.
Ainsi, de 1702 à 1705, la Tunisie apparaît comme la dernière étape d'une
épidémie dont le foyer est au sud, à Tripoli, où elle dure six ans 5. Voire plus à
l'est : elle se répand, en effet, de manière à peu près synchrone, en Egypte, où
elle reparaît chaque année. Au contraire, à l'ouest, Alger jouit d'une belle santé
pendant toutes ces années (voir carte).
les archives portuaires et les correspondances inédites permettent de mieux cerner la chronol
ogie fine des épidémies et leur trajet.
L'enquête dans les consulaires des ports d'Afrique et du Levant avait
déjà été tentée par de Segur Dupeyron, dans son « Rapport adressé à M. le ministre de l'Agri
culture et du Commerce sur les modifications à apporter aux règlements sanitaires... », Annales
maritimes et coloniales, an. 24, 2e série, n° 29, 1 839, pp. 743-866. Cette étude porte la marque
des lacunes des correspondances dépouillées.
Dans les archives portuaires utilisées ici, on a choisi quelques postes d'observation en raison
de la fréquence des arrivées de ces provenances : Constantinople, Smyrně, Alexandrie, Salo-
nique et, bien entendu, les ports maghrébins (voir cartes). Les données sur certains centres sont
moins continues (par exemple, Alep ou Patras). Il serait nécessaire de compléter l'information
par un dépouillement des archives de l'administration sanitaire de Marseille (Arch. département
ales des Bouches-du- Rhône) : elles ont sur celles de Livourne, Venise et Malte la supériorité
de remonter plus haut dans le temps.
1. Aux références fournies par SEBAG, art. cit., p. 40, note 26, ajouter A.S. Liv., Sanità,
affari generali e carteggio di sanità, filze 74, lettere di sanità, anno 1692-1702.
2. A.S. Liv., idem, et filze 75.
A.C.C.M., J 1416, consulat de Tunis, doc. du 23 mai 1702.
A.N. Paris, A.E. B1 1127, passim.
P. GRANDCHAMP, La France en Tunisie au XVIIe siècle, Tunis, 1933, vol. X, p. 317 sq.
3. FÉRAUD, Annales tripolitaines, Tunis, 1927, p. 201. A. SIEGFRIED, Itinéraires de conta
gion : épidémies et idéologies, Paris, 1960.
4. A.S. Liv., idem, filze 75. Il y aurait eu 40 000 victimes à Tunis selon PEYSSONNEL^
Voyages dans les Régences de Tunis et d'Alger, Paris, 1 838, vol. 2, p. 227.
5. FÉRAUD, op. cit., pp. 195 et 203.
1541 1542 PANDÉMIES ET FAMINES EN TUNISIE L VALENSI
La longue paix du XVIIIe siècle
Mais passées ces terribles années de menace et de contagion, la Tunisie
est libérée pour longtemps.
Le danger est pourtant tout proche, à maintes reprises : en Tripolitaine
d'abord, en 1733 *. Puis en 1740-1741 : la peste est aux frontières. Elle fait des
ravages dans l'est de la Régence d'Alger et dans la capitale; elle sème l'épou
vante sur la place du Cap Nègre et y perturbe les conditions du commerce 2.
Cependant, les craintes se dissipent sans que la contagion ait pénétré en Tunisie.
L'Algérie est encore victime du fléau en 1755 3, mais la Régence de Tunis est
épargnée. Douze ans plus tard, la peste se propage de Tripoli jusqu'à Zarzis,
aux confins méridionaux de la Tunisie * : cette épidémie, diagnostiquée plus
exactement comme une fièvre maligne « pettechiale », ne dure pas longtemps
— elle cesse au mois de novembre — et ne visite pas d'autre village en Tunisie.
Nouvelle menace à l'ouest, en 1780; nouveau répit pour Tunis5.
L'itinéraire de la peste évite donc la Régence de Tunis. Tout comme si, plus
« occidentale » que « levantine », celle-ci faisait partie de l'ensemble des pays
de la Méditerranée aux rives desquels la peste s'arrête à partir du XVIIIe siècle 6 :
la France, libérée en 1720, l'Italie, en 1743, la Catalogne enfin. Alger ou Tripoli,
au contraire, seraient, comme les pays du Levant, les hôtes habitués de ce fléau.
Au vrai, cette libération n'est pas définitive.
La fin du XVIIIe siècle : catastrophes démographiques en chaîne
1784-1785 : épidémie de peste. Par le relais d'

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