Chemins de la faim, chemins de la peur  - article ; n°1 ; vol.99, pg 36-42
8 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Chemins de la faim, chemins de la peur - article ; n°1 ; vol.99, pg 36-42

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
8 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Actes de la recherche en sciences sociales - Année 1993 - Volume 99 - Numéro 1 - Pages 36-42
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 26
Langue Français

Extrait

Monsieur Aristide R. Zolberg
Chemins de la faim, chemins de la peur
In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 99, septembre 1993. pp. 36-42.
Citer ce document / Cite this document :
Zolberg Aristide R. Chemins de la faim, chemins de la peur . In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 99, septembre
1993. pp. 36-42.
doi : 10.3406/arss.1993.3060
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1993_num_99_1_3060:
:
:
ARISTIDE R. ZOLBERG
Chemins de la faim,
chemins de la peur
termes - fonctionnent donc comme des contraintes qui
infléchissent les choix des individus, et jouent ainsi un
rôle capital dans la constitution des formes de migration
ainsi que de leur envergure. tout eux-mêmes, résultat économiques, Les mouvement par ce des qu'elles migrations les efforts cherchant et structures de culturelles résultent de population constituent trois à améliorer démographiques, acteurs des du peut dynamiques globe. un distincts leur reflet se penser Dans situation du les engendrées monde, politiques, ce comme migrants champ, écono en le
Absolutisme et mercantilisme
mique, sociale, ou bien politique, en modifiant l'empla
A l'époque de l'absolutisme et du mercantilisme (xvie- cement de leurs activités ; et les pays d'origine et de des
xvme siècle), la population était considérée comme la tination, s 'efforçant de contrôler le mouvement de ces
individus d'après leurs intérêts propres. « Chemins de la plus précieuse des ressources économiques et militaires.
Ainsi que le disait Jean Bodin, « il n'est de richesse et de faim, chemins de la peur», parce que la multitude des
motifs qui ont mené des populations au fil de l'histoire à puissance que d'hommes ». Dans ces conditions, les gou
s'aventurer au-delà de leur patrie se réduit en définitive à vernants s'efforçaient de confiner leurs sujets aux terri
deux causes principales la nécessité économique et le toires qu'ils contrôlaient ; mais d'autre part, ils essayaient
besoin de sécurité. d'acquérir des populations considérées précieuses, pro
Dans un monde divisé en Etats souverains, contenant venant soit d'autres Etats européens, soit de ce qui consti
des communautés qui s'imaginent issues d'ancêtres comtuait pour eux le monde extérieur. Ainsi, les migrations
internationales « libres » étaient rares. muns et partageant une destinée commune, les migrat
ions internationales constituent un phénomène insolite Cependant, la poursuite de l'uniformité religieuse
elles diffèrent des migrations en général en ce qu'il ne comme mécanisme de la construction étatique menait
s'agit pas simplement du mouvement d'individus dans parfois les dirigeants à valoriser le politique aux dépens
l'espace, mais de la traversée d'une frontière indiquant de l'économique. Ainsi, ils expulsaient des groupes dont
un changement de juridiction ; et si le mouvement s'avère les activités contribuaient à la richesse de l'Etat, ou bien
permanent, c'est aussi un changement d'appartenance, engagaient contre eux des persécutions qui les menaient
d'une entité politique à une autre. Il est évident que de à fuir. Parmi les premières vagues de migrations de ce
type figurèrent les juifs espagnols qui résistaient à la tels phénomènes sociaux importent aux Etats, qui s'effor
cent de les réguler. A toute époque, les politiques d'émi conversion, expulsés par la nouvelle monarchie unifiée
gration et d'immigration - dans le sens large de ces en 1492, ainsi que les morisques - population espagnole
Actes de la recherche en sciences sociales, N° 99, septembre 1993, 36-42 :
:
:
CHEMINS DE LA FAIM, CHEMINS DE LA PEUR 37
d'ascendance arabe — expulsés eux aussi au siècle sui source principale d'esclaves pour le monde musulman
vant. Au cours des xvie et xviie siècles, l'Europe fut en (et continua à l'approvisionner jusqu'à notre époque).
proie à deux processus conflictuels enchevêtrés qui pro L'Amérique attirait en outre des Européens provenant des
voquèrent une escalade de la persécution sa réorgani classes moyennes, y compris des petits propriétaires, art
sation en Etats souverains s'efforçant chacun de dévelop isans et commerçants attirés par les nouvelles possibilités
per une culture distincte, et l'éclatement de l'Eglise qui s'y présentaient ; mais les gouvernements essayaient
d'Occident en religions antagonistes. Au cours de la d'enrayer ces mouvements de peur que les colonies ne
seconde partie du xvie siècle, les autorités espagnoles des fassent concurrence aux métropoles, ainsi que pour assu
provinces appelées alors « Pays-Bas » (correspondant rer leur fiabilité politique. Il y avait là matière à un
approximativement à l'ensemble actuel Belgique et Pays- dilemme. Ainsi, en Amérique du Nord, la Nouvelle
Bas) sommèrent ceux de leurs sujets qui s'étaient enga France fut interdite aux huguenots ; mais l'élimination
gés dans la voie protestante soit de revenir à l'Eglise d'une communauté particulièrement portée au com
romaine, soit de partir en exil. Echelonnés sur plusieurs merce maritime fit obstacle au développement d'une
décennies, les départs se chiffrèrent à 175 000, soit près colonie viable. Par contre, la politique plus souple de
l'Angleterre, qui accorda à ses dissidents religieux - la de 20 % de la population ; issus des couches artisanales et
secte des Puritains - la possibilité de s'établir en Nouvelle commerciales les plus avancées d'Europe, les exilés
furent les bienvenus dans tous les pays d'obédience pro Angleterre, assura la croissance de la population de ses
testante, surtout les provinces septentrionales des Pays- colonies et leur développement économique, mais eut
Bas qui tenaient tête aux armées espagnoles (Hollande), pour effet une transformation des coloniaux en concurr
ainsi que l'Angleterre et certaines principautés de ents qui bientôt contestèrent l'autorité de la métropole.
l'Empire (Brandebourg). C'est par rapport à cet exode
qu'a émergé le concept de « réfugié » dans son sens
actuel, c'est-à-dire un étranger injustement persécuté, L'ère des révolutions
envers lequel un Etat reconnaît une obligation d'asile.
La deuxième époque fut inaugurée à la fin du xvine siècle Cependant, il ne s'agissait pas encore d'une action
« humanitaire » abstraite et désintéressée ; en effet, la par trois révolutions conjointes - l'aube de la démocratie,
reconnaissance s'établissait selon des critères d'intérêt l'avènement du capitalisme industriel et le début de la
politique, les Etats protestants ne reconnaissant que les transition démographique. La population européenne
victimes de persécutions catholiques, tandis que les atteignit un taux de croissance sans précédent, provo
catholiques accueillaient les victimes d'abus protestants. quant un malaise généralisé que Malthus érigea en théor
Ainsi, les élites irlandaises exilées par les Tudor et plus ie abandonnant les préceptes mercantilistes, on parlait
tard par Cromwell se retrouvaient en Espagne ou en maintenant de « surplus » dont il serait bon de se débarr
France, tandis que de nombreux échanges de population asser, d'autant plus qu'il compliquait le problème de la
gestion des « classes dangereuses. » A la suite de la révolte eurent lieu parmi les principautés de l'Empire au cours
de la guerre de Trente Ans, en accord avec le principe victorieuse des colonies américaines, on assista à l'émer
cuius regio, eius religio - la religion des princes déter gence outre-mer d'un nombre de pays indépendants
mine celle des sujets — consacré par le traité de Westpha- contrôlés par des peuples d'ascendance européenne,
lie, qui constituait aussi la charte fondatrice du système avides de colons et de travailleurs, auxquels s'ajouteront
international des Etats. La dernière grande vague de réfu par la suite des territoires relativement autonomes, tels
giés de ce type furent les quelque 200 000 huguenots qui que le Canada. Ces circonstances nouvelles amenèrent
fuirent la France après la révocation de l'Edit de Nantes, les gouvernements à abandonner les prohibitions tradi
en 1685. tionnelles à l'émigration permanente de leurs sujets.
Au cours de ces m

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents