Combinaison et transformation en poésie (Arthur Rimbaud : les Illuminations) - article ; n°1 ; vol.9, pg 23-41
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Description

L'Homme - Année 1969 - Volume 9 - Numéro 1 - Pages 23-41
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1969
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Claude Coquet
Combinaison et transformation en poésie (Arthur Rimbaud : les
Illuminations)
In: L'Homme, 1969, tome 9 n°1. pp. 23-41.
Citer ce document / Cite this document :
Coquet Jean-Claude. Combinaison et transformation en poésie (Arthur Rimbaud : les Illuminations). In: L'Homme, 1969, tome 9
n°1. pp. 23-41.
doi : 10.3406/hom.1969.367016
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1969_num_9_1_367016COMBINAISON ET TRANSFORMATION EN POÉSIE
(Arthur Rimbaud : les Illuminations)
par
JEAN-CLAUDE COQUET
« Un langage est d'abord une catégorisation,
une création d'objets et de relations entre ces
objets. »
É. Benveniste (1966:82).
Nous voudrions d'abord expliciter quelques-uns des présupposés qui sous-
tendent notre analyse. Le premier sans doute concerne l'idée que nous nous
faisons de la connaissance. Elle rejoint, nous semble- t-il, les conceptions de
Saussure ainsi résumées par G. G. Granger (1967:2) : « Toute tentative pour
connaître objectivement quelque chose de l'homme doit d'abord passer par une
réduction de l'expérience à un système de marques corrélatives. » C'est dire que
nous sommes parti de l'hypothèse selon laquelle l'objet à construire doit être
conçu comme une structure. Comme nous visons un sous-ensemble des langues
naturelles (« poésie »), il nous a semblé opportun de faire appel aux méthodes
de la linguistique. Notre seconde proposition est alors la suivante : à côté de la
linguistique stricto sensu, celle dont le domaine est borné par la phrase, il y a
place pour une linguistique différente dont l'objet d'étude est le discours. Un
point important d'accord entre les deux linguistiques est d'ores et déjà l'identité
du dessein : établir une certaine logique des relations à partir d'un inventaire
des marques formelles. Du type de mise au jour dépend la lecture que
nous sommes capables de faire : telle est notre troisième proposition. Ou, pour
reprendre une formule que nous avons naguère avancée dans un article : la
structure révèle le sens1. Rappelons comment se pose à nos yeux le problème
* Ce texte est la reprise d'une conférence prononcée le 26 mars 1968 au Collège de France
à l'occasion d'un séminaire organisé conjointement par MM. Cl. Lévi-Strauss et A. J. Greimas.
1. Coquet 1967:57. JEAN-CLAUDE COQUET 24
sémantique. Il appelle deux solutions suivant que l'analyste se place au plan de
la phrase ou au plan du discours. La phrase ou a fortiori les unités qui lui sont
inférieures, ne peuvent fournir qu'une signification parcellaire pour laquelle une
théorie de l'interprétation (neutre par rapport à la production et à la réception
de l'énoncé) a été construite. Il ne s'agit donc pas de phrases particulières mais
seulement des phrases dites grammaticales. Au plan de la langue-discours, il n'y
a, par contre, que des phrases particulières. Le problème sémantique est alors
tout différent. C'est la totalité de l'énoncé qu'il faut considérer. L'énumération
des interprétations, phrase par phrase, ne saurait donner le sens. Nous sommes
passés à un autre plan où le sens peut se définir comme le résultat de l'ensemble
des significations combinées en un système. Il y a abus de langage à considérer,
comme il est fréquent, que le sens découle naturellement de l'interprétation
sémantique associée à une séquence de signaux acoustiques. Cette démarche
commode est fallacieuse. Un exemple illustrera notre point de vue. On sait
l'intérêt que certains linguistes ont porté à la publication partielle des Anagrammes
de Saussure. Suivant que l'on se place au plan de l'interprétation (la phrase) ou
à celui du sens (le discours), tel vers saturnien est le support matériel de deux
traductions différentes : i) (l'interprétation) « II s'est emparé de la ville samnite
de Taurasia » ; 2) (le sens) Le vers latin comporte les lettres du nom du vainqueur :
Scipion. « C'est sur les morceaux de l'anagramme, pris comme cadre et comme
base, qu'on commençait le travail de composition, s1 Telle était la conviction de
Saussure. Dans cette perspective, on voit bien qu'un rapport hiérarchique subor
donne l'interprétation au sens et que la fin dernière de tel vers saturnien est une
certaine combinaison des lettres et des sons en vue de satisfaire à une construction.
C'est dire que la composition poétique obéit à un modèle*. A propos du même
texte des Anagrammes, bien que pour d'autres fins (une lecture plurivoque du
signifié poétique), J. Kristeva présente une analyse analogue : pour elle comme
pour nous, il y a deux plans complémentaires et opposés ; de leur combinaison,
de leur « réunion non synthétique »3, procède le sens. Voie nécessaire en effet
pour celui qui cherche à dégager de la chaîne syntagmatique des unités abstraites
dont la distribution forme le sens linguistique du discours. Pratiquement, si nous
allons aux extrêmes pour rendre l'exemple plus significatif, deux cas se présentent :
1) Le discours est fait de phrases interprétables. Mais le sens du discours ne
peut être la somme des significations associées à chaque phrase. L'analyse que
nous avons faite d'un texte « transparent » comme celui de L' Étranger d'A. Camus
manifeste, du moins nous nous y sommes efforcé, la nécessité d'une nouvelle
1. Saussure 1964:258.
2. Remarquons en passant que l'analyste du discours s'intéresse à la langue en soi et
non à la manière dont a été produit ou compris l'énoncé. Une étude de la performance ne
le concerne pas.
3. Kristeva 1968:36-64. ARTHUR RIMBAUD 25
évaluation des unités linguistiques (R. Jakobson). Cette démarche accomplie, il
devient possible de combiner syntagmatiquement les unités minimales de signi
fication. L'ensemble forme un « objet linguistique » auquel il est aisé d'appliquer
une traduction univoque. Cette traduction, nous l'appelons le sens linguistique
de l'œuvre.
2) Le discours est composé, partiellement ou totalement, de phrases non
interprétables. Les exemples d' « anomalie sémantique » qui nous viennent à
l'esprit sont ceux de Katz et Fodor : « The paint was silent », ou de L. Tesnière :
« Le silence vertébral indispose la voile licite. » C'est cette forme anomale que
présente le plus souvent le texte des Illuminations, d'A. Rimbaud, et c'est de ce
type de discours qu'il sera ici question.
Des difficultés de lecture, nous donnerons quelques exemples. Ce sont des
« commentaires » proposés par des spécialistes de l'histoire littéraire. Ils manif
estent à l'envi que le texte d'A. Rimbaud n'est pas aisément interprétable.
Qu'on en juge :
« Faut-il vraiment chercher un sens précis ? »
« Le dernier paragraphe est particulièrement obscur »
« Texte hermétique »
« Poème difficile »
« Phrases mystérieuses »
« Conclusion sibylline »
« Autre pièce énigmatique »
« Voici encore un poème extrêmement hermétique »
« L'avant-dernière phrase du poème est très obscure »x
Les notes et explications sont donc appelées à se multiplier tout naturell
ement jusqu'au point de former, rassemblées et classées, de gros volumes, sans
que, pour autant, la lecture des Illuminations en soit facilitée.
A contrario, si d'aventure l'interprétation est immédiate, l'exégète est tenté
d'établir un lien, d'une façon qui nous paraît très ambiguë, entre la glose et le
poème de « qualité » ; le corollaire évident est que le texte « de faible vertu poé
tique, n'appelle pas un long commentaire n1.
Justifions enfin le choix de poèmes en prose. Il a l'avantage à nos yeux de
rappeler que le fait poétique ne saurait être réduit à l'analyse des contraintes
1. A. Rimbaud, Œuvres, éd. commentée par S. Bernard, Paris, Garnier, 1960:481, 485,
486, 488, 490.
2. Illuminations, A. Py, éd., Paris, Droz, 1967:168. Cette édition toute récente est, à
notre avis, la meilleure. 26 JEAN-CLAUDE COQUET
s'exerçant sur la forme de

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