Comment renforcer le pouvoir de conception-suivi-expérimentation-pilotage-évaluation du Parlement? Maurice Baslé, président d’honneur de la société française d’évaluation, CNRS-Université de Rennes 1. Question. La RGPP est-elle ce qu’il y a aujourd’hui de plus important pour la modernisation de l’Etat ? M.B. Actuellement la projection médiatique sur écran de l’activité dite de RGPP révision générale des politiques publiques, activité qui malheureusement risque de n’être la plupart du temps qu’une « revue superficielle et conduite à marche forcée des organigrammes administratifs » fait écran à une double innovation sociétale fondamentale voulue par la réforme constitutionnelle votée par le Congrès le 21 juillet 2008 (et publiée le 23 juillet) et en panne de mise en œuvre.. Premièrement, la réforme constitutionnelle indique en effet que le Parlement, au delà du contrôle qu'il exerce, peut évaluer les politiques publiques. « Article 24. Le parlement vote la loi. Il contrôle l’action du gouvernement. Il évalue les politiques publiques ». Ce qui est une « révolution constitutionnelle » et qui met la France au meilleur niveau –au plan des annonces officielles et des intentions pour le moment- des normes internationales de « bonne gouvernance ». Constitutionnellement, le Parlement est donc missionné pour connaître de la de la pertinence (valeur, utilité socio-économique), de l’efficacité (atteinte des objectifs), de l’efficience (à quel coût complet ...
Comment renforcer le pouvoir de conception-suivi-expérimentation-
pilotage-évaluation du Parlement?
Maurice Baslé, président d’honneur de la société française d’évaluation, CNRS-Université de Rennes 1.
Question. La RGPP est-elle ce qu’il y a aujourd’hui de plus important pour la
modernisation de l’Etat ?
M.B. Actuellement la projection médiatique sur écran de l’activité dite de RGPP révision
générale des politiques publiques, activité qui malheureusement risque de n’être la plupart du
temps qu’une « revue superficielle et conduite à marche forcée des organigrammes
administratifs » fait écran à une double innovation sociétale fondamentale voulue par la
réforme constitutionnelle votée par le Congrès le 21 juillet 2008 (et publiée le 23 juillet) et en
panne de mise en œuvre..
Premièrement, la réforme constitutionnelle indique en effet que le Parlement, au delà
du contrôle qu'il exerce, peut évaluer les politiques publiques. « Article 24. Le parlement
vote la loi. Il contrôle l’action du gouvernement. Il évalue les politiques publiques ». Ce qui
est une « révolution constitutionnelle » et qui met la France au meilleur niveau –au plan des
annonces officielles et des intentions pour le moment- des normes internationales de « bonne
gouvernance ». Constitutionnellement, le Parlement est donc missionné pour connaître de la
de la pertinence (valeur, utilité socio-économique), de l’efficacité (atteinte des objectifs), de
l’efficience (à quel coût complet comparé), de l’effectivité ou impact probable et pour
réfléchir à la cohérence de la fourniture du service rendu (audit organisationnel ou de
process).
Deuxièmement, la révision constitutionnelle est accompagnée par une loi organique en
cours de vote qui précisera qu’une étude d'impact ou évaluation préalable des lois et
réglementations nouvelles s’imposera désormais aux projets à partir du premier mars 2009 et
à la session parlementaire qui commencera au premier octobre 2009. Les documents rendant
compte de cette étude comporteront un état de la législation applicable sur le sujet (et
notamment l'état d'application de la dernière loi sur le sujet, bien souvent pas encore
complètement appliquée quand la loi suivante arrive ; c’est un mouvement de simplification
du droit, de lutte contre l'inflation normative et la mauvaise qualité de la règlementation ; et
on attend beaucoup du rapport de décembre 2008 de Jean-Luc Warsmann sur ce sujet), l'état
de la législation européenne et les marges de manœuvre qu'elle laisse aux parlements
nationaux, les objectifs de la loi exposés de manière claire et détaillée, une estimation des
conséquences économiques, financières, sociales et environnementales des dispositions
envisagées, ainsi qu'une évaluation des coûts et bénéfices financiers attendus et des
conséquences pour l'emploi public, le compte rendu des consultations menées pour la
préparation du texte, les mesures d'application nécessaires, avec le calendrier de parution des
décrets (et si possible des éléments sur le contenu de ces décrets).
Cette innovation considérable donne désormais au Parlement français une
capacité renforcée de conception-suivi-expérimentation des politiques publiques, des
programmes, des lois et réglementations.
Question. Reste la question qui n’est pas posée et clairement débattue devant le public.
Comment faire le travail ?
M.B. Pour avoir enfin dans notre démocratie un « hyper-Parlement » en face d’un « hyper-
président », on pourrait penser à la Mission d'évaluation du Parlement. Pourquoi cette mission
n'est elle pas utilisée davantage? Je ne le sais pas, il faut interroger les services et les administrateurs des Assemblées. Serait-ce parce qu'on l'a mal conçue, comme MEC avec deux
missions aux postures contradictoires : l'Evaluation (Savoir) et le Contrôle (Punir).
Curieusement, ni le Conseil d’Etat ni la RGPP ne se sont penchés sur cette contradiction
dans la « modernisation du travail parlementaire et dans le fonctionnement de l’Etat ».
Question. Pouvez-vous nous donner votre proposition de mise en œuvre des meilleures
capacités d’évaluation au service du Parlement ?
Les métiers de prospective stratégique, suivi-évaluation méritent d’être émancipés des
anciennes tutelles métiers (inspections, contrôle) et déployés ou redéployés à partir des
compétences existantes au service de la « connaissance publique des affaires publiques » dans
une société fondée sur la connaissance. On pourrait surtout penser à une meilleure
institutionnalisation auprès du Parlement par appel
– à une Agence ou Haute autorité du Suivi-Evaluation des politiques publiques et des
programmes, sur le modèle de l'organisation internationale Banque mondiale qui s'est dotée et
a externalisé un « Monitoring and Evaluation Independant group ».
- à une unité interministérielle d'évaluation placée au près du premier ministre :
historiquement ceci était fait par le CSE (Conseil scientifique interministériel de 1990 à 1999)
sous un chapeau interministériel (Commissariat Général Plan) et était de bonne qualité
intrinsèque (le reproche était le caractère lent et introverti de la chose et de ses rapports et
rapports annuels). Cette unité pourrait regrouper la prospective, l'évaluation et la stratégie (
autour du CAS centre d'analyse stratégique et avec le retour de la MEPP qu'on vient
d'envoyer...au budget !) ; elle pourrait aussi s'adjoindre le Comité Interministériel d’Audit des
Programmes (CIAP). Rappelons que le CIAP est une structure d’audit interne de
l’administration, créée par un comité interministériel pour la réforme de l’État de novembre
2001, confortée par une circulaire de juillet 2003. Organisme intégré à l’administration, le
CIAP est composé de 14 inspecteurs généraux, chaque ministre désignant l’un d’entre eux au
sein de son administration. Il est en outre présidé par un membre de l’Inspection générale des
finances, service rattaché au ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. En 5 ans, le
CIAP a accompli cinq cycles d’audit portant sur 100 programmes. Il vise à conforter la
gestion par la performance dans le cadre de la LOLF, en organisant, sur des bases communes
à tous les ministères, l’examen approfondi des programmes et en émettant, à partir des audits
qu’il organise, des avis qui dessinent les axes de progrès qui lui paraissent indispensables à
bref délai.
- à une unité d'évaluation de la performance (résultats comparés aux coûts) côté Budget, c'est
cette unité qui fait valider les projets annuels de performance et les rapports annuels de
performance autour du vote du projet et de l'exécution des lois de finances (LOLF).
- à une unité de prospective-suivi-évaluation (PROSEVALPRO) dans chaque ministère. Cette
unité annexerait les métiers de la prospective, de l'audit des programmes et du suivi des
programmes. Elle pourrait permettre de simplifier aussi les institutions et comités et haut
1conseil (Cf. L'exemple du MEDDADT avec son Conseil général de l’environnement et du
2développement durable dont les activités pourraient être éclatées de la manière suivante : la
prospective, la veille, l’observation et le conseil auprès des ministres et des organes de
direction des ministères, l’évaluation (ex ante et ex post) des politiques publiques, l’audit des
process et procédures d’une part et d’autre part le contrôle et l’inspection des services ou
des organismes (ainsi que les enquêtes administratives concernant les agents de l’État).
1 Cf. La France malade de ses "hauts-conseils" en tous genres, 6 février 2009 | Jacques Bichot.
2 Site internet : http://www.cgpc.developpement-durable.gouv.fr/ Question. Vous ne nous avez pas parlé de la Cour des comptes, de sa place dans le
nouveau tableau des institutions de l’évaluation.
Accessoirement, la réforme constitutionnelle dit aussi que le Parlement peut se faire aider par
la Cour des comptes. « Art. 47-2. – La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle
de l’action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle
de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité
sociale ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle
contribue à l’information des citoyens. » Comme je propose d’émanciper les activités de
Suivi-Evaluation des anciennes tutelles de l’Inspection et du Contrôle, cet appel à la Cour des
Comptes suppose une autonomisation d’une institution chapeautée par la Cour. Il est question
3de ressusciter le Comité d’enquête sur les rendements et les coûts , comité qui dépend de cette
juridiction financière. On rêve évidemment d’une une vraie autonomie avec des ressources
humaines mélangées (plurielles) et détachées de leurs corps d'origine, et un processus de
production de connaissance outillé aussi par les méthodologies des sciences humaines et
sociales (approche recherche) et ouverte sociétalement (pas simplement l'expertise d'en haut).
N’est évaluation que ce qui peut être à son tour évalué, contestable et contesté par l’élu,
l’expert, le gestionnaire, le citoyen. La connaissance publique des affaires publiques n’est pas
banale : elle est conçue comme preuve, elle doit pouvoir être recréée par tout autre expert
avec les mêmes sources et doit pouvoir être à son tour évaluée, contestable, et de facto
contestée par l’expert et/ou le citoyen. Il n’y a d’évaluation de politiques publiques et de
programmes que si l’on enrichit avec toutes les parties prenantes le débat public autour
des « bonnes politiques » (au sens de solutions à des conflits) et du meilleur mode de
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management public . L’Evaluation n’est pas sanction judiciarisée ni en externe ni en interne.
Elle est génération de sens, de compréhension, alerte, aide au pilotage et à la conception.
Elle doit devenir la source d’un dialogue politique constructif de nouvel