Communautés rurales et milieux naturels - article ; n°2 ; vol.9, pg 227-235
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1954 - Volume 9 - Numéro 2 - Pages 227-235
9 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1954
Nombre de lectures 15
Langue Français

Extrait

Georges Friedmann
Communautés rurales et milieux naturels
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 9e année, N. 2, 1954. pp. 227-235.
Citer ce document / Cite this document :
Friedmann Georges. Communautés rurales et milieux naturels. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 9e année, N. 2,
1954. pp. 227-235.
doi : 10.3406/ahess.1954.2270
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1954_num_9_2_2270AU POINT MISES
COMMUNAUTÉS RURALES ET MILIEUX NATURELS
Le petit livre d'Henri Mendras, coup d'essai d'un jeune sociologue, mérite
largement d'être signalé aux lecteurs des Annales1. M. Mendras a eu l'idée
de publier conjointement deux études, consacrées l'une à une paroisse du
Rouergue, Novis, qu'il retrouve chaque été, l'autre à Virgin, communauté
mormonne de l'Utah où, séjournant aux États-Unis, il eut l'occasion d'être
associé à une enquête sur l'action des services agricoles fédéraux, menée sous
la direction de M. E. G. Banfield, de l'Université de Chicago. Comme l'indique
dans sa Préface Gabriel Le Bras, dont les conseils, ainsi que ceux de Georges
Gurvitch, ont enrichi le mémoire sur Novis, Henri Mendras « n'a pas choisi
ces terroirs, séparés par l'Atlantique, pour les comparer : il se défend de ce
préjugé arbitraire. Mais un préjugé raisonnable incline à penser que deux
groupes humains d'une trentaine de feux, installés dans la campagne (dont ils
vivent), à quelques kilomètres d'une petite ville, appellent à la fois une
étude distincte et une comparaison ».
I
La paroisse de Novis dépend de la commune de Séverac-le-Château, dans
l'arrondissement de Millau (Aveyron), et présente deux aspects : causse et
bocage. L'étude de M. Mendras montre ce qu'une monographie intelligente,
oeuvre d'un observateur accepté par le groupe humain qu'il explore, peut
apporter, sous un volume réduit, de faits, de perspectives, d'interprétations
qui éclairent des problèmes d'une bien plus ample portée.
Relevons quelques-uns des traits ici notés. L'attitude à l'égard du progrès
technique révèle à la fois la fidélité aux méthodes traditionnelles et un accueil
relativement compréhensif fait aux innovations : concentration et amorces
de mécanisation. Le retard, ici comme ailleurs en France, est dû beaucoup
moins au manque d'esprit de progrès chez les paysans qu'au bas niveau de
1. Henri Mendras, Études de sociologie rurale. Novis et Virgin (Cahiers de la Fondation
Nationale des Sciences Politiques, n° 40) ; Paris, A. Colin, 1953 ; in-8°, vin-138 pages, 13 annexes. 228 . . ANNALES
leur formation générale et technique (p. 32 et 79) : « Le problème essentiel...
réside avant tout dans la mentalité et le manque d'éducation des paysans ».
C'est dire que la responsabilité de l'État et celle des organismes corporatifs
sont ici nettement en cause : leur carence, presque générale en ce domaine,
est le scandale des campagnes françaises.
Le rôle de l'instituteur comme véhicule d'attitudes nouvelles est confirmé
par notre observateur, — pour les habitudes de propreté, par exemple ; la
plupart des parents, qui se lavent une fois par semaine avant d'aller à la
messe, veillent à ce que leurs enfants fassent tous les jours leur toilette.
Sur l'alimentation, l'organisation de la vie quotidienne, le rôle (réduit) des
voyages et même du service militaire, les critères différenciateurs et les types
dans la hiérarchie sociale, — les indications de M. Mendras, un peu rapides,
sont vivantes. Il s'intéresse tout particulièrement — ce qui décèle une juste
intuition des problèmes sociologiques et de leurs perspectives — au rapport
des genres de vie et des comportements collectifs : soulignant, par exemple
(p. 52-53), les incidences du milieu global sur les relations sociales. L'indi
vidualisme de ces paysans rouergats, sur lequel nous aurons à revenir, n'a
pas seulement des racines géographiques, mais aussi et surtout sociales et
psychologiques. La vie sociale intérieure, à Novis, est fort réduite, — les
contacts extérieurs, inexistants. L'amitié : sentiment quasi inconnu, en tout
cas jamais exprimé : « II y a des parents, des voisins, mais pas d'amis. »
L'individualisme est un trait profond du comportement des Novisois qui
agissent, chacun pour soi, sans se soucier du voisin : on ne s'entend même
pas pour chauffer de concert le four communal et bénéficier ainsi d'un avan
tage collectif. Mêmes réactions dans la gestion du pré communal et la garde
des bêtes qu'on y fait paître. Faute d'entente et parce que personne n'en
voulait assumer la charge, Novis n'a pas encore de cabine téléphonique !
La traite des brebis, dont le lait, destiné aux fromageries de Roquefort, est
la principale ressource des cultivateurs, devrait se faire à la machine ; un
.système de traite mécanique est déjà avantageusement employé dans
certaines exploitations de la région. A Novis, il ne pourrait s'introduire
que sous forme coopérative : il n'en, est donc pas question. L'ennemi du
progrès n'est pas la fameuse « routine paysanne », trait d'un soi-disant
caractère paysan enfoui dans des traditions séculaires, voire millénaires :
l'attitude du paysan de Novis à l'égard des procédés de travail et de culture,
il faut la rapprocher de sa constante soumission aux impératifs de son milieu
qui n'est compensée par aucun accroissement de puissance. Dans des commun
autés rurales de ce type où le niveau technique est relativement bas, où
l'exploitant est constamment dominé par les lois de la nature sans pouvoir,
grâce aux techniques de la machine et de l'agriculture scientifique, utiliser
ces lois elles-mêmes pour en triompher et accroître le rendement de son
patrimoine, la tenace persistance d'un certain sentiment de fatalisme
s'explique aisément. « II n'y a rien à tenter en face d'un champ de blé qui
bien" voir à quel point manque d'eau ; attendre est la seule solution. Il faut
le paysan est dépendant de la nature pour comprendre cette philosophie de
la résignation. » (Page 70.) COMMUNAUTÉS RURALES ET MILIEUX NATURELS 229
De telles notations, faites sans prétention, s'inscrivent néanmoins dans la
voie qu'avait ouverte Daniel Faucher, lorsqu'il nous mettait en garde contre
toute interprétation simpliste du phénomène de « routine » paysanne г.
La routine aux cent visages.... La routine peut être une forme de sagesse
expérimentale. Dans d'autres cas, comme à Novis, liée à certaines formes de
mentalité, elle est fonction du milieu lui-même. Elle exprime un retard dans
le développement technique que, par contre-coup, elle tend à entretenir.
D'un tel cercle, les Novisois ne sauraient sortir sans l'irruption du monde
technique extérieur — État, organisations coopératives — qui jouerait
le rôle d'un « choc » fécond.
N'allons pas croire, du reste, qu'ils soient imperméables à la civilisation
des villes et des campagnes évoluées. Cette relative perméabilité semble
même à l'origine de phénomènes inquiétants. Exploitant de terres pauvres,
le paysan de Novis est néanmoins atteint par des besoins nouveaux : machines
pour la ferme, vêtements, poste de radio, voire une moto pour le fils, afin
de le garder à la ferme tout en lui permettant de jouir des distractions de la
petite ville voisine. Il est ainsi amené à travailler davantage, contraint à
supprimer les quelques loisirs qu'il avait conservés. Dans cet effort supplé
mentaire, la « veillée » disparaît, et tout ce qu'elle permettait d'intérêt et de
réflexion, parfois au delà du cadre local : conséquence grave et qui, valant
pour d'autres campagnes pauvres, suffirait à les condamner dans les condi
tions économiques, techniques et démographiques où elles se trouvent actuel
lement.
Nous voici, à ce détour, confrontés au problème de l'exode (p. 71-75) que
M. Mendras aborde en quelques pages nuancées. Là, pas plus qu'ailleurs,
l'observation scientifique n'offre de clé passe-partout. On saisit par l'exemple
de ce village, passé de 210 (1901) à

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