Conception des indigènes du Kasai sur l Homme et la mort - article ; n°2 ; vol.7, pg 189-202
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Conception des indigènes du Kasai sur l'Homme et la mort - article ; n°2 ; vol.7, pg 189-202

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Description

Journal de la Société des Africanistes - Année 1937 - Volume 7 - Numéro 2 - Pages 189-202
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1937
Nombre de lectures 57
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

J. A. Tiarko Fourche
Henri Morlighem
Conception des indigènes du Kasai sur l'Homme et la mort
In: Journal de la Société des Africanistes. 1937, tome 7 fascicule 2. pp. 189-202.
Citer ce document / Cite this document :
Tiarko Fourche J. A., Morlighem Henri. Conception des indigènes du Kasai sur l'Homme et la mort. In: Journal de la Société des
Africanistes. 1937, tome 7 fascicule 2. pp. 189-202.
doi : 10.3406/jafr.1937.1640
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0037-9166_1937_num_7_2_1640CONCEPTIONS DES INDIGÈNES DU KÀSAI
SUR L'HOMME ET LA MORT,
PAR
J.-A. Tiarko FOURCHE
ET
Henri MORLIGIÏEM. .
Cette note envisage surtout les conceptions des Baluba et des Lulua,
mais nous avons trouvé une grande homogénéité de pensée parmi les dif
férentes phratries et clans du Kasai, où nous enquêtons depuis 1923.
La tradition orale rapporte que lorsque M' Vidi Mukulu, l'Aîné-des-
Esprits, eut créé la terre des animaux et des hommes, il fit quérir
Mutumba dans son lupangu (cour).
Quand celui-ci eût comparu devant lui, il lui demanda : « Pourquoi
n'as-tu pas dit qu'une -petite faute a subsisté (dans mon travail) »?
Mutumba répondit : « Pourquoi ne nous as-tu pas faits tels tes enfants?
Pourquoi as-tu créé la Mort? Les hommes meurent. Nous, (comme) les
animaux, nous mourrons ».
Ayant entendu ces paroles, l'Aîné-des-Esprits demeura silencieux. dit, Mutumba jeta son tam-tam en travers de son cou en disant :
« J'ai eu le dessus dans sa propre cour ». Et il le laissa au milieu de
sa cour comme un orphelin.
L'Aîné-des-Esprits se fâcha et dit :
« Pourquoi parles- tu de la sorte? Tu es Mutumba ».
Mutumba est l'Aîné-des-Mânes (N'Kulu wa Bakishi).
Il est dit aussi qu'un jour, l'Aîné-des-Esprits déposa un homme et une
femme sur la terre, à l'ombre d'un palmier. Il leur rendait régulièrement
visite et leur donnait des conseils. Son approche leur était signalée par
un grand vent qui agitait les palmes.
Dès que l'Esprit maléfique (Kavidiuidi, diminutif pris dans un sens péjor
atif) eut appris le fait, il imita l'Aîné-des-Esprits et vint comme de sa
part leur apporter des conseils et des aliments charmés magiquement, les
Société des Africanistes. 13 190 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
invitant à les consommer rapidement, car ils en acquerraient vertus et
savoir.
L'Aîné-des-Esprits, courroucé, délégua vers le couple Muntu Lufu
(l'Homme-la-Mort), avec mission de les ramener dans son chemin. Mais
Kavidividi intervint à nouveau, les séduisit par ses Daroles, leur enseigna
le meurtre, les charmes magiques, l'art d'écarter les maléfices, celui d'ap
peler les Esprits à leur aide et de les convoquer sous certains arbres au
pied desquels ils pourraient faire invocations, offrandes et sacrifices.
En ce temps, tous les Esprits étaient réunis dans le « Village-de-TEs-
prit-Aîné » et vivaient sous sa tutelle. Mais un jour, Kavidividi réunit
ses partisans et se révolta. L'Aîné-des-Esprits leur assigna un lieu dit
« La-Fosse-sous-la-Terre » (N'Dondo a Buloba) où les convoya le « Petit-
Ministre-de-1'Esprit-Aîné » (Mulopo Kalume M'Vidi Mukulu). Il réserva
le « Lieu-des-Mânes » (Muaba wa Bakishi) aux Esprits et aux Âmes
fidèles.
Cette légende est résumée par le dicton :
Lufu n'dukulu, bivanga ntshidingijilu.
« La Mort prédomine, la science magique n'est qu'un leurre ».
D'autres proverbes mettent la mort, dans un sens plus individuel, sur
le compte d'autres responsabilités :
M' Vidi Munene icamba kumpa, Kavidividi kalua kona.
« Le Grand-Esprit donne la vie ; le Mauvais Esprit vient l'enlever ».
Ou :
Muntu wa M' Vidi (Mukulu) kafuala, ufwafwa iva baloji.
« L'homme ne meurt pas à cause de l'Esprit-(Aîné), il meurt à cause
des maléficiers ».
Comme beaucoup d'autres peuples anciens ou modernes, les Bantou du
Kasai professent une médiocre sympathie envers la mort, car la vie leur
paraît un grand bien qu'il convient de perdre le plus tard possible.
De même que les Mésopotamiens priaient les Esprits (Bel) de leur
accorder de très nombreuses années, ils adjurent les Mânes d'intercéder
« pour qu'eux, leurs femmes et leurs enfants ne meurent pas » (Katufu -
tuetu ne bakashi ne hana betu). Lorsque Mwamba M'Putu réintronisa
parmi les Lulua la fumerie du chanvre, il la plaida par la prophétie
suivante : « Les Mânes vont se manifester ; l'immortalité va paraître ;
eh, hommes, voici venir la Vie ; nous répudions la Mort ». (Bajanji bapa-
tuke, katufu amwenuke, bantu èè, moyo uvue, lufu tuakupidia).
Cet amour de la vie n'exprime pas exactement la detestation ou l'i
ndifférence devant la vie future, mais plutôt la protestation naturelle de
l'être vivant contre sa dissolution physique. Lorsqu'ils meurent consciem
ment, les indigènes savent montrer du stoïcisme, et cacher, s'ils
l'éprouvent, leur sentiment de révolte. DES INDIGENES DU KASAI 191 CONCEPTIONS
En effet, après la mort, l'homme ne disparaît qu'en tant qu'être cor
porel. Qu'en subsiste-t-il? Les indigènes répondent par les termes :
Moyo ; Mukambwa ; Mukishi ; Mujanji (ou Mushanji); Mudidimbi :
Tshiwesha ou Tshibala ; Kitalu ou Tshabuila, etc.
Moyo, c'est la Vie-qui-ne-meurt-pas, le mana. C'est aussi, en corre
spondance physique, le cœur qui bat. Lorsqu'on dit d'un homme ou du
cœur : Muntu mufiva, moyo mufiva, on ne veut pas dire, ainsi que les
Européens traduisent généralement : « L'homme est mort, le cœur est
mort », mais bien « l'homme a perdu connaissance, le cœur a défailli ».
Le fait de la mort s'exprime par la locution : Muntu mufiva kashidi,
c'est-à-dire : « L'homme est mort définitivement ».
Mukambwa est exactement le « Mâne d'un ancêtre ».
Mudidimbi est l'ombre de l'homme portée par le soleil, à laquelle le
fantôme est souvent assimilé.
Tshiwesha (en dialecte tshiluba) et Tshibala, qui signifie aussi une
espèce d'oiseau (en lulua), désignent l'ombre, le fantôme d'un
défunt. Ce sont des termes peu usités. Certains indigènes donnent de
Tshibala une interprétation plus précise, mais au sujet de laquelle tous
ne sont pas d'accord : ce serait le double d'un mort laissé sans sépulture,
état qui est qualifié aussi de Kitalu (par les Baluba) et de Tshabuila (par
les Lulua).
Mukishi et Mujanji (au pluriel, Bakishi et Bajanji), sont les termes
les plus courants. On désigne par là le corps subtil sous lequel subsiste
l'homme défunt. La plupart des indigènes emploient et disent employer
indifféremment ces deux termes. Certains enquêteurs y voient une nuance,
qui demeure cependant douteuse. Le terme Tshikudi est usité par les
Basonghe. Ce véhicule est comparé au vent (lupepele) dont la légèreté
et la subtilité lui sont attribuées.
Le rituel du deuil et des funérailles ne laisse pas d'être instructif. Il
est dû par la famille et la belle famille lorsqu'il s'agit d'un parent; par
la grande famille ou le clan s'il s'agit d'un chef; par les confréries, pour
leurs membres.
Le deuil vestimentaire est surtout observé par les femmes. Les formes
en varient naturellement suivant les clans. On abandonne immédiate
ment, ce qui est très relatif, la « toilette ». On se macule le visage et
les parties apparentes du corps. On défait sa coiffure, ou l'on rase ses
cheveux.. Parfois on enserre le front d'un lien végétal, ou on le ceint de
fleurs. Des ficelles'de fibres tressées sont passées en bracelets autour des
poignets et des bras, en colliers qui s'entrecroisent sous les seins. Ces
manifestations sont relatives au degré de parenté et à l'importance du
personnage défunt. Elles sont rigoureuses durant la période du grand
deuil et s'atténuent au cours du petit deuil qui suit le premier. SOCIÉTÉ DES' AFRICANISTES 192
Ce sont aussi les femmes qui, dès le décès, mènent le cœur des lament
ations auprès du cadavre, tandis que les parents de sexe mâle et les
amis demeurent à l'extérieur.
Le grand deuil dure quelques semaines. Pour les gens importants, il
s'accompagne de danses où

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