Chapter 4
Retour sur les espaces de probabilit´es
Sommaire
4.1 Propri´et´es suppl´ementaires d’une probabilit´e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
4.2 Notion de presque-suˆr . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
4.3 Lemme de Borel-Cantelli et applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
Objectifs:
Compl´eter notre ´eventail de propri´et´es d’une probabilit´e en ajoutant les propri´et´es qui font intervenir une suite
infinie d’´ev´enements.
Mots-cl´es:
• limite monotone d’´ev´enements.
• limite sup et limite inf d´ev´enements.
Outils:
• Propri´et´es de limites monotones.
• Lemme de Borel-Cantelli. n√n• Formule de Stirling: n!∼ 2πn.
e
Techniques de d´emonstration:
• Construction d’une famille d’´ev´enements disjoints a` partir d’une famille d´ev´enements quelconques.
•Utilisationdespropri´et´esdess´eriesconvergentesetdivergentesdanslad´emonstrationdulemmedeBorel-Cantelli.
• Des in´egalit´es utiles:
1∀p∈ [0,1], p(1−p)≤ .
4
∀x >−1, ln(1+x)≤ x.
∀x∈R, exp(x)−1≥ x.6
On a vu dans le chapitre pr´ec´edent de nombreux exemples ou` le cadre d’un univers fini n’est pas suffisant.
Quand l’univers consid´er´e est infini, il devient int´eressant de traiter des suites d’´ev´enements. Nous allons donc
rajouter `a notre ´eventail de propri´et´es des propri´et´es faisant intervenir des suites d’´ev´enements.
4.1 Propri´et´es suppl´ementaires d’une probabilit´e
Soit (Ω,F,P) un espace de probabilit´e. Rappelons l’axiome ii) de la d´efinition d’une probabilit´e (σ-additivit´e): si
les (A ) sont des ´el´ements deF deux-`a-deux disjoints, alorsi i∈N ![ X
P A = P(A ).i i
i∈N i∈N
Proposition 4.1 i) si les (A ) sont des ´el´ements de F , alorsi i∈N ![ X
P A ≤ P(A ).i i
i∈N i∈N
ii) (limite monotone croissante) si les (A ) forment une suite croissante d’´el´ements de F, c’est-a`-dire s’ilsi i∈N
v´erifient ∀i∈N,A ⊂ A , alorsi i+1 ![
P A = lim P(A ).i i
n→+∞
i∈N
iii) (limite monotone d´ecroissante) si les (A ) forment une suite d´ecroissante d’´el´ements deF, c’est-a`-dire s’ilsi i∈N
v´erifient ∀i∈N,A ⊂ A , alorsi+1 i !\
P A = lim P(A ).i i
n→+∞
i∈N
D´emonstration: Remarquons tout d’abord que si les (A ) sont dansF, alors les propri´et´es de lai i∈NS T
tribuassurentque A et A sontdansF aussi: ilest doncl´egitime de regarderla probabilit´ei ii∈N i∈N
de ces deux ´ev´enements.
On commence par construire `a partir de la famille (A ) une famille (B ) de la fac¸on suivante:i i∈N i i∈N
i−1[ B = A et∀i≥ 1, B = A\ A .0 0 i i j
j=0
On v´erifie alors que
1. ∀i∈N, B ⊂ A , et doncP(B )≤P(A ),i i i i
2. i = j⇒ B ∩B =∅,i jS S S Sn n
3. ∀n∈N, B = A et B = A .i i i ii=0 i=0 i∈N i∈N
♣ Exercice: V´erifier les points 1 et 2.
Montrons le point 3.
Pour n = 0, par d´efinition A = B . Soit n≥ 1. Montrons, par double inclusion, que0 0
n n[ [
B = Ai i
i=0 i=0Sn• Soit ω ∈ B : il existe donc j ∈ {0,....n} tel que ω ∈ B . Mais par la propri´et´e 1, B ⊂ A ,i j j ji=0S S Sn n n
donc ω∈ A ⊂ A . Donc B ⊂ A .j i i ii=0 i=0 i=0Sn• R´eciproquement, soit ω ∈ A : il existe donc j ∈ {0,....n} tel que ω ∈ A . Notons j le plusi j 0i=0
29Sj −10petit indicej telque ω∈ A . Si j = 0,alorsω∈ A = B , et sij ≥ 1, alorsω∈ A etω∈/ A ,j 0 0 0 0 j j0 j=0S S Sn n n
ce qui implique que ω∈ B . Dans les deux cas, ω∈ B ⊂ B . Donc A ⊂ B .j j i i i0 0 i=0 i=0 i=0
• L’´egalit´e souhait´ee est donc montr´ee par double inclusion.S S
Montrons maintenant que B = A par double inclusion.i ii∈N i∈NS S S S• Soit ω∈ B : il existe donc j∈N tel que ω∈ B ⊂ A ⊂ A . Donc B ⊂ A .i j j i i ii∈N i∈N i∈N i∈NS S Sj j• R´eciproquement, soit ω∈ A : il existe donc j∈N tel que ω∈ A ⊂ A . Mais A =i j i ii∈N i=0 i=0S S S S Sj j
B et donc ω∈ B ⊂ B . Donc A ⊂ B .i i i i ii=0 i=0 i∈N i∈N i∈N
• L’´egalit´e souhait´ee est donc montr´ee par double inclusion.
Revenons a` la d´emonstration des propri´et´es de la proposition: S S P P
i) P A = P B = P(B ) ≤ P(A ). La seconde ´egalit´e d´ecoule de l’axiomei i i ii∈N i∈N i∈N i∈N
ii) des probabilit´es et du fait que les (B ) sont deux-a`-deux disjoints, la troisi`eme du fait que pouri i∈N
tout i∈N, B ⊂ A .i iS S P Pn
ii) P A = P B = P(B ) = lim P(B ). La seconde in´egalit´e d´ecoulei i i n→+∞ ii∈N i∈N i∈N i=1
de l’axiome ii) des probabilit´es et du fait que les (B ) sont deux-`a-deux disjoints. En utilisanti i∈N P Sn n
encore une fois le fait que les (B ) sont deux-`a-deux disjoints, P(B ) = P( B ) =i 0≤i≤n i ii=1 i=1Sn
P( A ) =P(A ) par croissance de la suite (A ) . Donci n i i∈Ni=1 ![
P A = lim P(A ).i n
n→+∞
i∈N
iii)♣ Exercice: Faire la preuve.
Indication. Utiliser le point pr´ec´edent et passer aux compl´ementaires.
♣ Exercice: Sur Ω = [0,1] muni d’une certaine tribu F qui contient tous les intervalles ferm´es, on consid`ere la
probabilit´eP telle que
∀0≤ a < b≤ 1 P([a,b]) = b−a.
(On admet ici qu’une telle probabilit´e existe et est unique: c’est la probabilit´e uniforme sur le segment [0,1]).
1. Soit 0≤ a < b≤ 1. Montrer que ]a,b[ peut s’´ecrire comme une union croissante d’intervalles ouverts.
2. En d´eduire que ]a,b[∈F et calculerP(]a,b[).
3. Soit a∈ [0,1]. Montrer que{a}∈F et calculerP({a}).
4.2 Notion de presque-suˆr
Nous avonsvu, dans l’exemple de la suite infinie de lancersde pile ouface, que l’´ev´enement”pile finit parsortir”est
de probabilit´e 1, alors qu’il est strictement plus petit que l’ensemble des tirages possibles (le tirage ”FFFFFF....”
n’est pas dans cet ´ev´enement). Ce cas n’apparaissait pas dans le cas des univers finis ou d´enombrables, mais il
devient possible quand l’univers est infini non d´enombrable. Ceci l´egitime l’introduction des d´efinitions suivantes:
D´efinition 4.2 Soit (Ω,F,P) un espace de probabilit´e. Soit A∈F.
1. si P(A) = 1, on dit que A est un ´ev´enement plein, ou presque-suˆr.
2. si P(A) = 0, on dit que A est un ´ev´enement n´egligeable.
B Exemple: On peut donc reformuler la propri´et´e du jeu de pile ou face de la fac¸on suivante: presque-suˆrement,
pile finit par sortir.
♣ Exercice: qu’est-ce que le compl´ementaire d’un ´ev´enement n´egligeable? d’un ´ev´enement certain?
♣Exercice: 1. Montrerqu’uneuniond´enombrabled’´ev´enementsn´egligeablesestencoreun´ev´enementn´egligeable.
2. Montrer qu’une intersection d´enombrable d’´ev´enements certains est encore un ´ev´enement certain.
304.3 Lemme de Borel-Cantelli et applications
D´efinition 4.3 Soit Ω un ensemble, et (A ) des parties de Ω.i i∈N
i) on appelle limite sup des (A ) l’ensemblei i∈N \ [
lim A = An∈N n i
n∈Ni≥n
ii) on appelle limite inf des (A ) l’ensemblei i∈N [ \
lim A = An in∈N
n∈Ni≥n
♣ Exercice:
c c0) Calculer (lim A ) et (lim A ) . i) Montrer que si les (A ) sont des ´el´ements d’une tribu F, alorsn∈N n n i i∈Nn∈N
A et lim A sont deux ´el´ements deF.lim n n∈N nn∈N
ii) Montrer que ω∈ lim A si et seulement si ω appartient a` un nombre infini de A .n∈N n n
iii) Montrer que ω∈ lim A si et seulement si ω appartient a` tous les A `a partir d’un certain rang.n nn∈N
iv) On consid`ere une suite infinie de lancers de pile ou face, et on note A l’´ev´enement ”obtenir pile au i-`emei
lancer”. Expliciter dans ce cas lim A et lim A .n∈N n nn∈N
Th´eor`eme 4.4 (lemme de Borel-Cantelli) Soit (Ω,F,P) un espace de probabilit´e, et (A ) une famillen n∈N
d’´ev´enements.X
1. Si P(A ) < +∞, alors P(lim A ) = 0.n n∈N n
n∈NX
1. Si P(A ) = +∞ et si les (A ) sont mutuellement ind´ependants, alors P(lim ) = 1.n n n∈N n∈N
n∈N \[ [
D´emonstration: 1. Pour tout I ∈N, on a lim A = A ⊂ A pour tout I ∈N. On an∈N n j j
i∈Nj≥i j≥I
donc: [ X P(lim A ) ≤ P A ≤ P(A ).n∈N n j j
j≥I j≥I
Ce dernier terme tend vers 0 quand I tend vers +∞ car c’est le reste d’une s´erie convergente. Donc
P(lim A ) = 0.n∈N n
2. Des in´egalit´es tr`es utiles:
Lemme 4.5 ∀x >−1, ln(1+x)≤ x
∀x∈R, exp(x)−1≥ x.
♣ Exercice: Etudier ces fonctions et d´emontrer ces in´egalit´es.T S
c cPour i ∈ N, on pose B = A et on voit que (limsupA ) = B . Pour i ∈ N fix´e,i i ijj≥i i∈N
c´evaluonsP(B ). L’ind´ependance des (A ) implique l’ind´ependance des (A ) . Pour k > i on ai n n∈N n∈NnTk cB ⊂ A et donc:i j=i j
k k k\ Y Y
c c P(B )≤P A = P(A ) = (1−P(A )).i jj j
j=i j=i j=i
Enpassantaulogarithme(qu’onprolongeenposantln(0) =−∞),onobtient,enutilisantlacroissance
31de la fonction logarithme et le lemme:
k kX X
lnP(B )≤ ln(1−P(A ))≤− P(A ).i j j
j=i j=i
X P Pk +∞
Mais la s´erie P(A ) vaut +∞, ce qui implique aussi que lim P(A ) = P(A ) =n k→+∞ j jj=i j=i
n∈N
+∞. On en d´eduit donc, en passant a` la limite quand k tend vers +∞, que
lnP(B ) =−∞, et doncP(B ) = 0.i i
ScComme (lim A ) = B est une union d´enombrable d’ensembles n´egligeables, il est encoren∈N n ii∈N
n´egligeable, et donc, en passant au compl´ementaire, lim A est de probabilit´e 1. n∈N n
Applications
Apparition d’un pile dans un sch´ema de Bernoulli
On consid`ere une suite infinie de lancers de pile ou face ind´ependants; on suppose qu’`a chaque lancer on a une
probabilit´e p∈]0,1[ d’obtenir pile. Montrer qu’avec probabilit´e 1, pile va apparaitre dans la suite de lancers.
On note A l’´ev´enement ”pile apparait au n-i`eme lancer”. On sait par les hypoth`eses que les (A ) ∗ sontn n n∈N
ind´ependants et queP(A ) = p > 0 pour tout n.n
Premi`ere m´ethode On note A l’´ev´en´ement ”pile apparait au moins une fois”. Alors
\
cA = An
n≥1 !
N N\ Y
c c c N∗et donc, pour tout N ∈ N , P(A ) ≤ P A = P(A ) = (1− p) , qui tend vers 0 quand N tend versn n
n=1 n=1
cl’infini. DoncP(A ) = 0 etP(A) = 1.
Deuxi`eme m´ethode On va appliquer Borel-Cantelli. Rappelons que si ω ∈ lim A alors pour ω, une infinit´en∈N n
d’´ev´enements A est r´ealis´ee, autrement dit, pile est sorti une infinit´e de fois dans la suite de lancers. La s´erie den
terme g´en´eralP(A ) est de somme infinie, les (A ) ∗ sont ind´ependants donc, par Borel-Cantelli:n n n∈N
P(lim A ) = 1.n∈N n
Donc avec probabilit´e 1, pile sort une infinit´e de fois dans la suite de lancers, ce qui est encore plus fort que le
r´esultat pr´ec´edent.
Apparition d’un mot dans un sch´ema de Bernoulli
On reprend le cadre pr´ec´edent, mais cette fois-ci on se fixe un mot