Dans la Sicile du XVIIIe siècle : pauvreté et disette - article ; n°2 ; vol.13, pg 265-276
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1958 - Volume 13 - Numéro 2 - Pages 265-276
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1958
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Salvatore Francesco Romano
Dans la Sicile du XVIIIe siècle : pauvreté et disette
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 13e année, N. 2, 1958. pp. 265-276.
Citer ce document / Cite this document :
Romano Salvatore Francesco. Dans la Sicile du XVIIIe siècle : pauvreté et disette. In: Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations. 13e année, N. 2, 1958. pp. 265-276.
doi : 10.3406/ahess.1958.2733
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1958_num_13_2_2733LA SICILE DU XVIIP SIÈCLE : DANS
PAUVRETÉ ET DISETTE
Comme dans tant d'autres régions d'Europe 1, la Sicile comptait,
vers le milieu du xvine siècle, une grande quantité de paysans
sans travail, réduits à une condition désespérée, mendiant à travers l'île
au rythme des saisons et des hasards des récoltes, à l'occasion s'adonnant
au vol, au brigandage, ou gagnant la capitale — Palerme — à la recherche,
pour vivre, de quelques libéralités du gouvernement ou de riches parti
culiers.
A Palerme, la disette de blé de 1772, qu'accompagna une grave pénurie
de légumes et autres produits alimentaires, accentua encore l'habituel
spectacle. Durant ces mois, écrit Bianchini, « les pauvres accouraient de
partout à Palerme et étaient entretenus aux frais de la commune » 2.
Les voyageurs, en visite dans l'île, ne pouvaient pas n'être pas frappés
par « cette troupe de populace qui, après avoir épuisé les campagnes,
bouillonnait dans la ville » 8. Sortant du palais Pretorio de Palerme (sur
la droite et la gauche de la place), l'étranger ne pouvait éviter de jeter
un regard sur les bancs, ou bien, débouchant sur la place Vigliena, sur
les angles des quatre fontaines, où nombre de « basses gens » accroupis
au soleil ou étendus par terre mendiaient une obole ou une occupation
occasionnelle 4. Ailleurs aussi s'étalait la même misère : « II suffit de
se promener un soir d'été à la Marina, écrivait le directeur du Collège du
Bon-Pasteur, ou d'entrer dans une église lors des quatre heures, pour se
1. Sous Louis XV, on estimait à 28 ou 30 000 les mendiants de Paris (Ducbos,
Mémoires secrets sur ú règne de Louis XV, Paris, 1864, t. II, p. 193). — « Dans les
années où la récolte est médiocre et le prix du pain élevé, comme en 1725, les ouvriers
se révoltent... A Caen, à Lisieux, à Rouen, émeutes et pillages. Et l'armée des mend
iants s'accroît. On les enferme dans des hôpitaux, suivant la coutume ; mais n'ayant
pas de quoi les nourrir, les administrateurs les relâchent ; et la maréchaussée, pitoyable
à ces malheureux, refuse de les arrêter, si bien que le roi doit recruter des archers en
Suisse » (Philippe Sagnac, La formation de la Société française moderne, ,Paris, 1945,
t. II, p. 72). Cette situation du premier tiers du xviii6 siècle a beaucoup d'analogies
avec celle qui règne en Sicile. — Pour l'extension des disettes en Europe au xviii6 siècle,
voir : Kawan, Esodi e carestie in Europa, dans Atti dell 'Academia dei Lincei (1932),
p. 290-291, 293, 345. — Voir, pour le xvie siècle, les pages suggestives de F. Braudel,
Philippe II et la Méditerranée, éd. italienne, Turin, 1953, t. II, p. 873-878.
2. Ludovico Bianchini, Storia économico-civile di Sicilia, Palerme, 1841, 2 vol.,
t. II, p. 11.
3. Lettres sur la Sicile, p. 5-6. — Cf. J. H. Baktels, Briefe iiber Kalabrien und
Sicilien, Gôttingen, 1789-1792, vol. III, p. 579-580.
4. G. Pitre, La vita a Palermo cento e più anni fa, Florence, 1944, t. I, p. 21 et
suiv.
265 ANNALES
rendre compte du nombre de joyeux mendiants. г » Toute la ville est peu
ou prou encombrée « de ces misérables désœuvrés » chaque jour plus nomb
reux, bien que « le sage bras du gouvernement ait tant de fois cherché
à y porter remède » 2.
Les révoltes populaires, habituellement révoltes de la faim, prenaient
corps régulièrement dans cette couche sociale d'oisifs, de mendiants :
cette classe comprenait, selon le marquis de Villabianca, comme dans la
Rome antique, « la plèbe la plus vile et la plus hostile et la catégorie de
gens jugée inutile pour la République, mais bonne pour la guerre et très
utile pour faire des enfants et de la population » et qu'il appelait « l'Ordre
des prolétaires » 3.
En vérité, c'était là une masse assez hétérogène : ces malheureux et
mendiants qui venaient des campagnes à Palerme, étaient surtout des
paysans ruinés pour une raison ou pour une autre, des ouvriers agricoles
chassés des terres par suite de l'extension du fermage ; tous se rendaient
en ville à la recherche d'un emploi éventuel, d'un subside, d'un simple
secours de l'Etat. Nombreux étaient dans la seconde moitié du xvine siècle,
rapporte un contemporain, « les cultivateurs qui, tournant le dos aux
campagnes, entraient en ville pour grossir le nombre des domestiques »,
tandis que la plus grande partie « pour notre honte se laissent englober
dans la troupe dense des miséreux volontaires, souvent des vagabonds
oisifs » 4. Le vice-roi Caracciolo constatait une tendance à fuir ce qu'il
appelait la fatigue des travaux champêtres : « une grande partie des
agriculteurs se transformant en artisans, en domestiques, dont la vie est
moins dure et le travail mieux rétribué » 5.
Mais il s'agissait là des plus fortunés, de ceux qui réussissaient à se
faire engager comme ouvriers ou comme serviteurs dans quelque maison
patricienne ; le note le marquis Giarrizzo, la majorité allait
rejoindre les bandes misérables des mendiants. Leur sort était le sort
commun. Effectivement, avant même que Caracciolo, abolissant entre
1781 et 1784 la servitude de la glèbe, institue la catégorie juridique
1. Carlo Santacolomba, Ueducazione délia gioventù civile, Palerme, Rapetti,
1775, p. 371-873.
2. Carlo op. cit.
3. Villabianca, Diario, éd. Di Marzo, t. XI, p. 205-306. Disettes et révoltes
jalonnent l'histoire du Royaume de Naples aux siècles précédents. Pour la Sicile au
xvne siècle, voir : Carlo Guida. Le insurrezioni délia fame a Trapani nel secolo XVII,
Trapani, 1940.
4. D. Giarrizzo, Prospetto di saggi economici e politici sulla pubblica félicita délia
Sicilia, Palerme, 1788, p. 23.
5. D. Caracciolo, Riflessioni sulVeconomia e Vestrazione dei frumenti délia Sicilia
Jatte in occasione délia carestia del 1784-1785, Palerme, 1785, Ed. Custodi, Economisti
italiani, t. XL, Milan, 1805, p. 247.
266 DU XVIII* SIÈCLE SICILE
(comme Га observé Loncao г) des petits manœuvres « sans feu ni lieu »,
la généralisation du fermage les avait déjà en partie créés parmi les habi
tants de la campagne, mettant beaucoup d'entre eux dans la situation
de ne plus rien posséder, même pas la ressource d'un travail saisonnier.
Ecrasés par les lois coercitives sur le travail, soumis au payement d'impôts
abusifs, étouffés par l'accumulation des capitaux entre les mains des fer
miers, les petits cultivateurs qui avaient joui dans les siècles précédents
de conditions de vie supportables, voire de quelques moments de prospér
ité, se trouvaient maintenant réduits à une condition de misère extrême 2.
Un long et laborieux processus de transformation s'était établi peu
à peu dans les campagnes de l'île durant les siècles précédents. Déjà vers
le milieu du xvie siècle, les lois coercitives des communes sur le travail
agricole imposant l'augmentation de la durée du travail, empêchant la
hausse des salaires, étaient le signe d'une tendance, insuffisamment endi
guée par les pragmatiques de Charles Quint {De Baronibus, 1536) et de
Philippe II (1559) 3 : elle aboutissait à emprisonner les producteurs
indépendants dans un réseau de droits prohibitifs, concernant l'usage
des fours, des pâturages et des moulins, étouffer la production agricole
du cultivateur libre par la fixation de prix de vente des produits à des
taux favorisant l'accumulation des produits de la terre entre les mains
des propriétaires terriens 4.
D'aucuns ont cru voir, du moins pour une partie de la Sicile, l'origine
principale de la fortune de ces propriétaires terriens (qui scella la ruine
des petits cultivateurs) dans le développement de la masseria, forme de
fermage liée au développement g

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