De la répulsion au désir de nature. Métamorphose de la Wilderness littorale en Nouvelle-Angleterre - article ; n°649 ; vol.115, pg 292-314
23 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

De la répulsion au désir de nature. Métamorphose de la Wilderness littorale en Nouvelle-Angleterre - article ; n°649 ; vol.115, pg 292-314

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
23 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales de Géographie - Année 2006 - Volume 115 - Numéro 649 - Pages 292-314
From 1800 to 1850, travelers viewed the New-England coastal zone as a wilderness, with more desire than fear for it. Their view was paradoxical in a deeply altered environment and thus failed to promote environmental protection.
En Nouvelle Angleterre entre 1800 et 1850, l’essor des représentations du littoral comme une wilderness cache un désir multiforme de rivage sauvage, qui emprunte certes à la vogue européenne des bords de mer, mais ne s’y limite pas. Elle est paradoxale dans un environnement fortement altéré par la société.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2006
Nombre de lectures 23
Langue Français

Extrait

292 •  Claire Leduc
A NNALES  DE G ÉOGRAPHIE , No 649 • 2006
De la répulsion au désir de nature, métamorphose de la wilderness littorale en Nouvelle-Angleterre.
From despise to desire, transmutation of the coastal wilderness in New-England.
Claire Leduc Département de Géographie, Université de Grenoble I Résuméþ En Nouvelle Angleterre entre 1800 et 1850, l’essor des représentations du littoral comme une wilderness  cache un désir multiforme de rivage sauvage, qui emprunte certes à la vogue européenne des bords de mer, mais ne s’y limite pas. Elle est para-doxale dans un environnement fortement altéré par la société. Abstract From 1800 to 1850, travelers viewed the New-England coastal zone as a wilderness, with more desire than fear for it. Their view was paradoxical in a deeply altered en-vironment and thus failed to promote environmental protection. Mots-clés littoral, wilderness , représentation, environnement, géohistoire, écocritique, Nouvel-le-Angleterre, Cap Cod. Keywords seashore, wilderness, representation, seascape, environmental history, ecocritic, New England, Cape Cod. La notion de wilderness , d’étendue sauvage, constitue une référence structurante de la représentation de la nature aux États-Unis. Son importance, consacrée par Roderick Nash (1967), fut d’abord mise en valeur à partir de descriptions de la mythique fron-tière de l’Ouest; c’est-à-dire au sujet de milieux intérieurs, forestiers et montagnards surtout. Par contraste, le milieu littoral, marginal et composite, n’a guère intéressé les historiens de la culture. John Stilgoe, historien du paysage et professeur à Harvard, fait exception;þen 1981, dans un article intitulé « A New England Coastal Wilder-ness» , il ajoute le rivage parmi les sièges du sauvage. Mais tandis que Nash avait mis en lumière la revalorisation, quelques décennies après l’Indépendance, de forêts jusqu’alors diabolisées, Stilgoe décrit, du XVII e  au milieu du XIX e  siècles, des regards qui restent péjoratifs, face à un littoral qu’il présente comme effectivement sauvage et inhabitable; « until the middle of the nineteenth century (…)  long after the trans-formation of the forest wilderness to farmland and villages, the entire New England coast remained an objectification of chaos» . « New-Englanders classified the zone as wilderness, if classified at all, and they knew that order and man trespassed as utter aliens in that wilderness of rocks, marsh, and moving sand .» (1981, p. 33 et 50)  1 Une approche géographique, inspirée de l’écocritique ( cf.  Buell, 1995), sug-
1 « Jusqu’au milieu du XIX e siècle, longtemps après la transformation de la wilderness forestière  en fermes et en villages, la côte de la Nouvelle-Angleterre toute entière restait une objectivation du chaos. » « Les habitants de la Nouvelle-Angleterre classèrent la zone comme wilderness , quand du moins ils la classèrent, et savaient que l’ordre et l’homme s’aventurent en purs intrus dans cette wilder-ness de rocs, de marais et de sables mouvants. »
Articles De la répulsion au désir de nature, métamorphose de la wilderness littorale  293
gère une lecture différente. Elle corrobore d’abord l’analyse de Stilgoeþen mon-trant comment, à chaque milieu constitutif du littoral (eaux côtières ; plages et champs de dunes ; marais), furent associés entre 1800 et 1850 des motifs litté-raires et artistiques particuliers (tempête et monstre, désert et mirage, maladie), composant une wilderness  a priori répulsive. Mais ce faisant, elle met en lumière le décalage existant entre de telles représentations, essentiellement élaborées par une élite urbaine, et la réalité environnementale de l’époque telle qu’on la reconstitue aujourd’hui. Dès lors, la notion de wilderness littorale devient un compromis, à explici-ter, entre les influences socio-culturelles qui structurent le regard du voyageur et les milieux dont il fait physiquement l’expérience en les traversant. Comme telle, elle évolue, influencée non seulement par les transformations environne-mentales et paysagères, mais aussi par la circulation d’idées nouvelles, notam-ment dans cette période de construction idéologique de la nation américaine. Alors, il devient possible d’y déceler un « désir de rivage » naissant, attrait qui est certes pour partie importé d’Europe (Corbin, 1988), mais qui est aussi retra-vaillé par la jeune nation à ses propres fins. Enfin, une telle approche permet d’aborder la wilderness comme un cons-truit social qui oriente la gestion des milieux qu’elle est censée refléter. Nash a placé la revalorisation américaine de la wilderness au XIX e  siècle à l’origine de politiques fructueuses de protection environnementale. Mais célébrer le lit-toral comme une wilderness , dans une Nouvelle-Angleterre où il était habité et exploité depuis plusieurs siècles, était-ce vraiment promouvoir sa protection ? Cette analyse prend pour terrain d’étude le Cap Cod, déjà privilégié par Stil-goe comme lieu essentiel d’expression de la wilderness  côtière. Cette péninsule a fait l’objet de riches descriptions, notamment de la part deHenry Thoreau, célébré non seulement comme l’un des plus grands écrivains nationaux mais aussi comme le père de la pensée environnementaliste américaine. Avec ses paysages littoraux variés, elle apparaît très bien adaptée à cette étude (fig. 1). 1 La cristallisation d’une wilderness littorale effrayante
Analysant la perception du littoral de Nouvelle-Angleterre sur plus de deux siè-cles, Stilgoe insiste sur une permanence : la répulsion du rivage ; « Until late nineteenth century, New Englanders (…) vi ewed the shorelines chiefly with dis-gust. Cape Cod was a particular focus of their negative sentiments »  2 þ(1981, p. 46). De 1800 à 1850, à la faveur d’une littérature et d’une peinture de la nature en vif essor dans la jeune nation, cette répulsion se cristallise dans le déploiement de quelques motifs essentiels inspirés des différents milieux litto-raux rencontrés. L’examen de ces motifs dévoile l’importante composante cul-turelle de la wilderness  littorale. 1.1 Tempête et monstres dans les eaux côtières
2 « Jusque tard dans le XIX e siècle, les habitants de Nouvelle-Angleterre considéraient le littoral principa-lement avec dégoût. Le Cap Cod était une cible privilégiée de leurs sentiments négatifs. »
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents