De « la sexualité vénale » aux formes d échanges monnayés. De « la » variable aux interactions : l intérêt des nuances (Commentaire) - article ; n°3 ; vol.15, pg 61-67
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De « la sexualité vénale » aux formes d'échanges monnayés. De « la » variable aux interactions : l'intérêt des nuances (Commentaire) - article ; n°3 ; vol.15, pg 61-67

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Description

Sciences sociales et santé - Année 1997 - Volume 15 - Numéro 3 - Pages 61-67
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 29
Langue Français

Extrait

Isabelle Gobatto
De « la sexualité vénale » aux formes d'échanges monnayés.
De « la » variable aux interactions : l'intérêt des nuances
(Commentaire)
In: Sciences sociales et santé. Volume 15, n°3, 1997. pp. 61-67.
Citer ce document / Cite this document :
Gobatto Isabelle. De « la sexualité vénale » aux formes d'échanges monnayés. De « la » variable aux interactions : l'intérêt des
nuances (Commentaire). In: Sciences sociales et santé. Volume 15, n°3, 1997. pp. 61-67.
doi : 10.3406/sosan.1997.1402
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/sosan_0294-0337_1997_num_15_3_1402Ga
Sciences Sociales et Santé, Vol. 15, n° 3, septembre 1997
De « la sexualité vénale »
aux formes d'échanges monnayés.
De « la » variable aux interactions :
l'intérêt des nuances
Commentaire
Isabelle Gobatto*
Ce texte propose d'apporter des éléments de réflexion sur les pra
tiques de prévention dans le cadre de relations prostitutionnelles et d'of
frir un point d'approche, en analysant les attitudes préventives des clients
de femmes prostituées, donc en retenant les « acheteurs » comme un vec
teur de compréhension de la gestion du risque de transmission sexuelle du
sida. On dispose, en effet, de peu d'études concernant les hommes qui
recourent à des relations sexuelles en payant leurs partenaires ; on ne
peut donc qu'être satisfait de voir de telles contributions. Cependant, et
sans remettre en cause l'intérêt des résultats, je souhaite revenir sur deux
points (1)
* Isabelle Gobatto, sociologue, 18, rue Arthur-Groussier, 75010 Paris. Rattachée au
laboratoire d'ethnologie de l'Université Paris V.
(1) Une recherche a concerné les comportements des femmes célibataires, analphab
ètes ou descolarisées, face au risque d'infection par le VIH, effectuée avec I. Bardem,
au Burkina-Faso ; les représentations du sida et les comportements sexuels en milieu
lycéen, en Côte d'Ivoire et les logiques préventives des jeunes parallèlement à leurs
comportements de recherche de soins lorsqu'ils sont confrontés à une MST, en
République Centrafricaine. ISABELLE GOBATTO 62
Le premier concerne la complexité qu'il y a à circonscrire le phé
nomène prostitutionnel, ce que les auteurs rappellent mais n'intègrent à
aucun moment dans la construction et la structuration de leur étude, se
contentant de proposer, pour aborder la prostitution, de prendre en
compte des relations sexuelles payées. En effet, l'analyse, tout en rappe
lant que la prostitution est « une relation au cours de laquelle se négocient
les termes de l'échange », se base sur des questionnaires avec « des
hommes ayant payé pour avoir des rapports sexuels ». Revenons briève
ment sur ce premier critère qu'est la rémunération, habituellement retenu
pour « définir » une relation sexuelle entrant dans le cadre de la prosti
tution. Il existe plusieurs formes de rémunération : un homme qui paye en
francs sonnants un rapport sexuel est majoritairement appréhendé, dans
une tentative d'analyse des relations, comme un client, mais a-t-on affai
re à une même pratique, à une même histoire, lorsqu'un client paye une
prostituée de rue ou une serveuse de bar, même s'il rémunère le rapport,
voire s'il donne exactement la même somme d'argent ? Qu'en est-il de
celui qui, en faisant systématiquement des cadeaux, obtient le même type
de relation ? Et de celui qui monnaye des rapports sexuels plus ou moins
réguliers en payant le loyer de sa partenaire ? Une femme dont l'un des
amants paye le loyer de son logement, un second ses sorties, un troisième
ses multiples tentatives de commerce entre-t-elle dans la catégorie prost
ituée ? Elle est pourtant multipartenaire, vit de sa sexualité et peut chan
ger d'homme quand elle le souhaite. Un homme qui paye pour un rapport
unique avec une jeune femme de la rue Saint-Denis, est-il dans le même
cadre et la même recherche que celui qui paye pour une nuit avec une
prostituée de luxe et passe une partie du temps rémunéré à « échanger »
sur un autre mode que strictement sexuel ? Si l'on admet qu'ils sont dans
le même type d'échange dont l'investissement est avant tout sexuel, sont-
ils pour autant dans le même cadre de négociation du préservatif ?
Le fait de tirer l'essentiel de ses ressources de la vente de son corps
est également un critère habituellement retenu : une femme peut donc cer
tains mois être une prostituée, mais si le mois suivant, le petit commerce,
ou le RMI, rapporte plus, elle sort de la catégorie ? Dans les capitales
africaines, de nombreuses femmes vivent seules ; certaines ont toujours
été célibataires, d'autres sont séparées, divorcées ou veuves. Elles ont des
aventures avec des hommes qui souvent les aident matériellement. Parmi
elles, certaines exercent des activités dans le secteur informel et sont éc
onomiquement indépendantes. D'autres ont des revenus qui leur permett
ent tout juste de survivre et les gains financiers ou avantages en nature
qu'elles tirent de leurs relations avec un ou plusieurs partenaires leur
permettent d'assurer leurs frais quotidiens ou de scolariser les enfants.
Ces relations auraient donc un caractère prostitutionnel pour les unes, LES FORMES D'ÉCHANGES MONNAYÉS 63
celles qui utilisent les hommes « pour le superflu » malgré des revenus
conséquents, mais pas pour les autres, celles qui, par le biais d'une sexual
ité de service, payent leur loyer et la scolarisation des enfants ? Nous
sommes là dans les marges, dans ce qui, pour certains, sera qualifié de
prostitution et pour d'autres pas, mais néanmoins dans des rapports et
des échanges monnayés. Ces femmes peuvent être pour leurs « amants
porte-monnaie » un élément d'une activité sexuelle plurielle, celles avec
qui seront réalisées des pratiques que des codes sociaux empêchent
l'épouse, sans pour autant être considérées par leur partenaire comme
des prostituées, et sans qu'elles-mêmes ne se pensent comme des prosti
tuées, même occasionnelles. Je souligne ici la variété des pratiques et des
formes d'échange contre compensation, de même que la multiplicité du
sens que les « vendeuses » comme les « acheteurs » y attribuent.
L'ambiguïté qui entoure ces relations a plusieurs conséquences.
Cette difficulté à circonscrire la prostitution concerne celui qui
cherche à analyser et produire de la connaissance. Doit-il considérer
comme un « client », donc comme un homme installé dans une relation
prostitutionnelle, celui qui obtient du sexe contre des cadeaux ou des
avantages divers ? À l'opposé, doit-il systématiquement considérer un
homme qui rémunère par de l'argent un rapport sexuel comme installé
dans une relation prostitutionnelle ? Pour Standing (1992), tout échange
sexuel en Afrique a une composante monétaire qui ne peut culturellement
se définir comme étant de la prostitution (2). Que l'on soit d'accord ou
pas avec ces propos, ils rappellent néanmoins le dégradé de sens que
recouvre la sexualité contre compensation, même directement monétaire.
Si ce phénomène semble plus développé car plus « visible » en Afrique, il
n'est pas absent des autres continents, et sûrement pas de France. Cela
soulève une interrogation : comment doit-on, dans une étude question
nant le profil et les motivations des clients des personnes prostituées,
appréhender la variété des échanges sexuels payés, de même que ces mult
iples formes d'échange contre compensation ? Les résultats obtenus ne
peuvent que gagner en finesse et en richesse si les auteurs réfléchissent
sur cette hétérogénéité plutôt que de l'effacer de l'analyse.
Cette variété des échanges compensatoires comme du sens que peu
vent recouvrir des rapports sexuels obtenus contre de l'argent est ind
irectement soulignée par les hommes interrogés pour cette étude. En effet,
les auteurs mentionnent que le critère de la rémunération ne réunit pas les
personnes enquêtées derrière une définition de la prostitution, en men-
(2) Souligné par B. Ferry dans sa communication « S

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